RBTH : A quel moment de votre vie avez-vous compris que votre rêve était de devenir spationaute ?
Thomas Pesquet : Depuis que j’étais tout petit, le métier d’astronaute me fascinait. Je me rappelle qu’avec mon frère on faisait des navettes spatiales dans des cartons de déménagement que mon père nous construisait. Ça devenait un cockpit et on dessinait des cadrans et des instruments de bord là-dedans et faisait de voyages spatiaux. C’est peut-être de là que c’est venu.
Votre vie a-t-elle changé après votre sélection pour l’expédition 50 ?
Oui, il y a eu deux grands moments. Le premier quand j’ai réussi la sélection pour devenir astronaute, en 2009. C’est étonnant, mais quand on dit astronaute et revêt cette combinaison bleue, tout de suite les gens se tournent vers vous alors que vous êtes la même personne et que quand vous n’aviez pas la combinaison bleue et c’était un peu surprenant.
Et le troisième changement, c’est quand la fusée décolle et tu quittes la planète.
Et en quoi consistera votre mission ?
Pendant 50% du temps, on fait des expériences scientifiques, le reste du temps on entretient la station spatiale, on la répare. En outre, on fait de la logistique (…), on fait deux heures de sport pour rester en forme. Donc 50% pour la science et 50% pour nous permettre de vivre dans la station.
Parlez-nous du volet scientifique.
J’ai un programme scientifique très chargé avec les expériences menées un peu par tous les pays partenaires, beaucoup d’expériences européennes et françaises bien évidemment. On teste par exemple des matériaux : on va essayer de réaliser des expériences sur de nouveaux alliages à bord de l’ISS, que les conditions d’apesanteur permettent ; ensuite on va envoyer les résultats à des scientifiques qui, eux, vont publier des brevets et faire avancer la recherche.
Beaucoup de recherches en médecine aussi, recherches neurologiques sur le cerveau : comment il s’adapte à l’état d’apesanteur et à cette nouvelle manière de se déplacer. Les découvertes que l’on fait sur les astronautes peuvent avoir des applications au sol, par exemple sur des gens qui ont des pathologies consécutives à des accidents graves du cerveau, des maladies dégénératives, etc.
Et qu’allez-vous faire pendant les rares moments de loisir ?
Ce que j’ai envie de faire là-haut, je pense que je vais beaucoup regarder la Terre, faire des photos et sans doute des vidéos, parce que le point de vue est vraiment incroyable. Et puis, en dix minutes on passe de New York à Paris. (…) Ca permet de voir toute la planète et de l’apprendre par cœur.
Etes-vous préoccupé par le risque d’émergence d’une situation extraordinaire à bord de l’ISS (par exemple liée à des déchets spatiaux) ?
Ça fait partie de l’entraînement dont on espère ne jamais avoir besoin de se servir, mais ça peut arriver. Trois grandes urgences peuvent se passer à bord : la première c’est le feu. La deuxième ce serait un produit toxique dans l’atmosphère de la station. La troisième – la dépressurisation de la station. Mais ce qui fait plus peur c’est que quelque chose arrive à nos proches sur Terre pendant que nous sommes là-haut, parce qu’on ne pourra rien faire, on ne pourra pas les aider. C’est plutôt ça qui préoccupe.
Parlez-nous justement de votre séjour au centre de formation des cosmonautes.
À la Cité des étoiles, entre nous, astronautes russes, américains et européens, il y a une camaraderie très forte. Évidemment, car nous allons partir dans l’espace ensemble, faire face aux risques ensemble. On est l’équipage, on est dans le même bateau, ça crée des liens. C’est comme au bureau, à l’armée ou dans la marine, dans ce type d’environnement, on devient très proches entre collègues.
Avec les instructeurs aussi, on passe beaucoup de temps. Certains d’entre eux sont des vétérans, des gens qui sont là depuis les années 60–70. Ils ont tout connu depuis le début et c’est intéressant de discuter avec eux car on se rend compte que les choses changent et on peut leur demander ce qu’ils en pensent.
Y a-t-il des choses qui vous ont beaucoup étonné en Russie ?
Ce n’est pas si différent que ça, j’y vois beaucoup en commun avec l’Europe et la France. Je me sens un peu chez moi quand je suis en Russie.
Question un peu philisophique : en quoi les missions spatiales de longue durée peuvent-elles répondre aux problèmes de l’humanité ?
À mon avis, il faut s’occuper du présent tout d’abord et des problèmes que nous avons sur Terre. La recherche à bord de l’ISS, ça peut faire avancer la connaissance dans les sciences de l’environnement et dans les technologies moins polluantes. Moi, je pense qu’il faut s’occuper de notre planète, car pour l’instant nous n’en avons qu’une et nous ne sommes pas encore prêts à aller au-delà.
Il faut faire l’éducation, car la meilleure manière qu’il y ait moins de violence c’est que les gens soient plus éduqués. Il faut donc agir sur terre, mais en même temps ceci ne doit pas nous empêcher de préparer le futur.
En tant que personne qui a réalisé le rêve des millions de jeunes, quel conseil donneriez-vous à ceux qui rêvent d’entreprendre un jour une mission spatiale ?
C’est ce qu’il faut faire, c’est saisir toutes les opportunités dans la vie, que ce soit en France, en Russie. S’engager sur le chemin et découvrir où il mène.
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