La Russie va-t-elle interdire l’avortement ?

746 000 avortements ont été pratiqués en 2015 en Russie, soit une diminution de 8% par rapport à l’année précédente.

746 000 avortements ont été pratiqués en 2015 en Russie, soit une diminution de 8% par rapport à l’année précédente.

Alexeï Kudenko / RIA Novosti
Le patriarche orthodoxe, le mufti suprême de Russie et le défenseur des droits de l’enfant soutiennent la lutte anti-avortement. Cependant, l’interruption volontaire de grossesse ne devrait être ni interdite ni déremboursée, car le ministère de la Santé s’y oppose.

Le 27 septembre 2016, le patriarche Cyrille, chef de l’église orthodoxe russe, a signé l’Appel citoyen pour l’interdiction de l’avortement, un document diffusé par les militants orthodoxes.

Dans la pétition, les auteurs semblent appeler de leurs vœux l’interdiction complète de l’avortement : ils appellent à reconnaître l’être humain comme vivant dès sa conception et à interdire l’interruption chirurgicale et chimique de grossesse.

Toutefois, le secrétaire de presse du patriarche Alexandre Volkov a ensuite précisé que « l’appel ne vise pas l’interdiction de l’avortement, mais son retrait du régime général d’assurance-maladie ». Volkov explique que Cyrille a signé l’appel pour sensibiliser la société sur ce problème.

Restreindre sans interdire

La prise de position du patriarche contre l’IVG n’est pas une surprise : l’orthodoxie comme les autres confessions du christianisme considèrent l’avortement comme un infanticide. Le journaliste Ivan Davydov ironise sur Twitter quant à la réaction des blogueurs étonnés et indignés par les propos de Cyrille : « À en juger par la réaction du public, vous étiez nombreux à penser que le patriarche allait soutenir la révolution sexuelle. Quelle déception ».

 

Vladimir Legoïda, président du département synodal des relations de l’église avec la société et les médias, explique la position de l’église à l'agence russe TASS : son exigence principale, à l’heure actuelle, est que l’IVG soit retirée du régime d’assurance-maladie pour que ceux qui ne soutiennent pas l’avortement n’aient pas à payer pour cela. Legoïda espère que l’interdiction du financement public de l’avortement sera un premier pas vers une société sans avortement.

Militants anti-avortement

Les représentants des musulmans russes ont également rejoint la lutte contre l’IVG. Le mufti suprême de Russie Talgat Tadjouddine a exprimé son accord avec le guide spirituel des chrétiens russes et a qualifié l’avortement d’« infanticide ».

Les représentants des confessions traditionnelles ont reçu le soutien du défenseur des droits de l’enfant Anna Kouznetsova. « Depuis plusieurs années, le monde civilisé s’exprime contre le phénomène de l’avortement et nous soutenons cette initiative », estime Kouznetsova.

Elle souligne l’importance et l’efficacité de la politique publique de prévention de l’avortement – 67 000 femmes ont été convaincues de renoncer à cette décision au cours de l’année dernière, précise-t-elle.

La critique de l’initiative

Le ministère de la Santé n’a pas soutenu l’initiative portée par le clergé et le défenseur des droits de l’enfant – ni pour l’interdiction de l’IVG ni pour son retrait de l’assurance-maladie. À l’antenne de la radio Govorit Moskva, la ministre de la Santé Veronika Skvortsova a déclaré que l’introduction de restrictions sur l’IVG pourrait être dangereuse pour les femmes.

« Il existe des risques de passage éventuel de l’IVG dans la clandestinité, particulièrement chez les personnes à faibles revenus et les mineurs », souligne Skvortsova. Elle précise que l’objectif du ministère de la Santé est d’empêcher la hausse de la mortalité infantile et maternelle qui pourrait survenir en cas d’introduction de restrictions.

D’autres critiques de cette initiative  soulignent également que les mesures restrictives ne permettraient pas de régler le problème de l’avortement, ne faisant que le pousser hors du champ légal et le rendant encore rendre plus dangereux pour la santé des femmes.

« Entre 1936 et 1955, l’avortement était interdit en Russie. Les femmes mouraient de septicémie »,  rappelle Viktor Radzinski, vice-président de l’Association russe des obstétriciens et gynécologues à Lenta.ru.

Le médecin rappelle également qu’à cette époque, les femmes qui devaient alors se débarrasser du fœtus utilisaient des méthodes dangereuses pour la santé, l’issue pouvant leur être fatale.

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