Ces Russes qui défendent leur droit au porno

Roskomnadzor a bloqué aux Russes l’accès à deux sites majeurs de vidéos pornographiques.

Roskomnadzor a bloqué aux Russes l’accès à deux sites majeurs de vidéos pornographiques.

Getty Images
Les utilisateurs de Facebook exposent le contenu de films pornos devant une caméra pour protester contre l’interdiction du site Pornhub, lancent des mèmes, se moquent de l’autorité russe de surveillance de la sphère médiatique et tentent de trouver les mots pour parler de sexe.

Roskomnadzor, l’autorité russe de surveillance de la sphère médiatique, a bloqué le 8 septembre l’accès à deux sites majeurs de vidéos pornographiques, Pornhub et YouPorn, dans l’ensemble du pays. Des utilisateurs, indignés, ont immédiatement réagi en faisant du trolling, en lançant des mèmes et en organisant un flashmob sur le Web.

Fort d’une décision de justice, Roskomnadzor n’a pas été en reste et s’est engagé dans une polémique sur Twitter non seulement avec les défenseurs de l’industrie X, mais avec Pornhub lui-même.La protestation la plus efficace est sans doute l’action lancée sur Facebook avec le hashtag #rospornobzor (qui pourrait être traduit comme tour d’horizon porno de Russie). 

D’une voix neutre, voire morne, comme les présentateurs de télévision, les participants à l’action exposent le contenu de films porno qu’ils sont en train de regarder. Une description détaillée des plans, des intérieurs et de l’action même censée constituer une protestation contre l’hypocrisie, expliquent-ils.

Se débloquer

« L’une de ses jambes sert à… comment dire… lui sert de levier. Non, pas de levier. Il a une jambe appuyée contre le lit pour mieux accomplir l’action… En ce qui la concerne, elle… elle ressemble à Ariana Grande. Non. Plutôt à la copine d’Ariana Grande » : trouvant tour à tour chaque mot, Daniil Traboun, ex-rédacteur en chef du magazine russe Afisha, aujourd’hui directeur digital d’Esquire Russia, décrit en paroles un film porno.

Le flashmob #rospornobzor est également pour ses participants l’occasion de tester leur vocabulaire pour décrire l’acte sexuel. L’auteur de l’action et ses partisans – dans l’ensemble des représentants du monde du journalisme – ont tenté, selon leurs affirmations, de « se débloquer soi-même ». Pour ceux qui désirent les suivre, les instructions sont plus que simples : choisir une vidéo porno et la raconter sur sa web-caméra en qualité de test d’ouverture.

Le fait que la structure publique soit si furieusement déterminée à lutter contre la pornographie en interdisant désormais les hébergeurs, c’est-à-dire les sites spécialement destinés à un tel contenu, est qualifié par les promoteurs des exercices verbaux d’hypocrisie au niveau de l’Etat et de position conservatrice.

Car il n’existe pas de vocabulaire neutre pour parler de sexe et il n’y aucun débat sur le sujet. Qui plus est, le réseau social le plus populaire de Russie, VKontakte, est en fait depuis longtemps une large aire porno qui n’est pourtant pas interdite.

« C’est une ambivalence malsaine… Par conséquent, nous avons lancé #rospornobzor », a expliqué Daniil Traboun.

« D’ailleurs, je ne comprends pas pourquoi l’exposé de vidéos pornos avec le hashtag #rospornobzor est annoncé comme une conversation consacrée au sexe. Puisque c’est une conversation consacrée au porno », a indiqué pour sa part la sexe-blogueuse Tatiana Nikonova.

Vive la démographie

En réalité, Roskomnadzor fait depuis plusieurs années la guerre à la pornographie sur VKontakte, menaçant régulièrement d’inscrire le réseau sur la liste des sites interdits en tant que nid à pornographie enfantine. Mais à chaque fois, les responsables du réseau nettoient ses pages sans attendre que la menace se matérialise.

En fait, il est possible d’y trouver des sujets pornos en cochant parmi les paramètres la case « sans limitations ». Le 17 septembre, VKontakte a donné les couleurs du site interdit à ce fameux checkbox : faisait-il comprendre que les tentatives de Roskomnadzor d’extirper la pornographie rappellent Don Quichotte qui se battait contre des moulins à vent ou voulait-il simplement se solidariser avec Pornhub ?

L’administration du site Pornhub  a commenté la situation sur la page Twitter de Roskomnadzor : « Si nous vous accordons l’accès à un compte premium sur Pornhub, débloquerez-vous notre site en Russie ? ».

« Nous ne sommes pas sur le marché et la démographie n’est pas une marchandise », a répondu Roskomnadzor, en ajoutant que le blocage ne serait levé qu'après un changement total du catalogue de ces sites. « C’est-à-dire jamais », ont constaté les commentateurs.

« Des milliers de personnes ont les mains qui les démangent »

Roskomnadzor n’est pas avare non plus de conseils aux utilisateurs et ce, depuis 2015 quand, sur décision de la justice, plus de cent sites réservés aux adultes ont été inscrits sur la liste noire.

Voici l’un de ces conseils : « Chère Liolia, en qualité d’alternative il serait possible de faire connaissance avec quelqu’un dans la vie réelle »

« @roscomnadzor : vous proposez de faire avec Liolia tout ce qui était fait sur le site ? », se moque un utilisateur.

« Roskomnadzor bloquera Pornhub. De perplexité, des milliers de personnes ont déjà les mains qui les démangent », écrit @ludi_vokrug. 

Certains ont rappelé qu’il y avait une vie avant Internet : « Voyant les dernières interdictions de sites pornos, j’attends le retour des kiosques à cassettes et DVD pornos ».

D’autres ironisent au sujet de la politique d’Etat : « La substitution des importations, ça concerne également Pornhub », a noté @LevSharansky.

L’année dernière, les Russes sont arrivés 11èmes sur la liste des visiteurs les plus nombreux de Pornhub (la plus grande partie des visiteurs provenant des États-Unis).

Lire aussi :

Un quart des Russes masquent la webcam de leur ordinateur

Internet: les « j’aime » et « retweets » dans le collimateur de la justice russe

Nouvelles mesures de protection de l’Internet russe

Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.

Ce site utilise des cookies. Cliquez ici pour en savoir plus.

Accepter les cookies