Sergueï Narychkine.
ReutersJeudi 22 septembre, le président Vladimir Poutine a lancé une réorganisation au sein des responsables russes. Il a libéré de ses fonctions son compagnon de route de longue date et le président de la Douma, Sergueï Narychkine, pour le nommer chef du Service du renseignement extérieur (SVR).
Une structure méconnue, dont le responsable n’est pas tenu, selon les observateurs, d’avoir été membre des services secrets. La preuve : Mikhaïl Fradkov, qui a dirigé le Service au cours des neuf années précédentes, n’avait aucun rapport avec le renseignement avant d’y arriver. Toutefois, la situation est quelque peu différente pour Sergueï Narychkine : le numéro quatre de la politique russe retourne là où tout avait commencé.
Selon des données officieuses, l’ex-président de la Douma avait travaillé à la fin des années 1970 au sein du Premier département du KGB (Comité pour la sécurité d’Etat de l’URSS), qui était responsable du renseignement extérieur et a par la suite donné naissance au Service du renseignement extérieur.
Le transfert de Sergueï Narychkine dans le renseignement pourrait illustrer tant une tentative de renforcer un service sclérosé qu’une nomination à un poste honorifique très bien rémunéré. D’après les déclarations d’impôts, les revenus du chef du SVR ont été les plus élevés parmi les directeurs des services spéciaux l’année dernière, avec 282 000 euros.
Selon le décret présidentiel, Mikhaïl Fradkov a été libéré de ses fonctions « en raison de son départ à la retraite ». Il dirigera désormais le conseil d’administration du groupe public Chemins de fer de Russie. Il existe cependant d’autres hypothèses.
Des sources de la revue en ligne Slon Magazine font état de griefs formulés au Kremlin contre le chef du SVR : les remarques concernaient les activités du réseau et « éventuellement, des rapports trop optimistes sur les négociations entre l’UE et les Etats-Unis au sujet d’un accord de libre-échange ».
D’après le journal Kommersant, nombreux étaient ceux qui estimaient nécessaires des réformes intérieures et une rénovation au sein des structures dirigeantes du SVR. Des scandales impliquant des espions russes éclataient régulièrement, sans parler de l’échec de 2010, sans doute le plus grand de l’histoire du Service : le FBI s’est vu alors livrer dix agents secrets, tandis que 80 autres et l’ensemble du système de collecte d’informations ont pu être découverts.
A la différence de Mikhaïl Fradkov, qui n’avait aucun rapport avec le secteur, Sergueï Narychkine, qui n’est pas indifférent au renseignement, semble être un personnage plus approprié, estime le président de l’Institut de stratégie nationale (indépendant), Mikhaïl Remizov. « Il est capable de renforcer le poste qu’il occupe parce qu’il fait partie des poids lourds de la politique russe et parce que c’est un homme de confiance du président. Et en plus, il a de bon états de service dans ce domaine », a-t-il fait remarquer.
Il ne faut pas oublier non plus que dans un contexte de relations tendues avec l’Occident, le Service du renseignement opère un changement d’objectifs, a-t-il poursuivi. La capacité à travailler dans le style de l’Intelligence Service britannique – c’est-à-dire joindre l’analyse des menaces à leur traitement efficace – se place au premier plan. « Il est évident que le SVR doit devenir aujourd’hui la structure principale formant la carte cognitive du monde et, par conséquent, la stratégie politique de la Russie », a-t-il souligné.
Car le poste de chef du SVR n’est pas vraiment élevé dans la hiérarchie. Jusqu’à la dernière minute, Sergueï Narychkine qualifiait de « rumeur » sa nomination au renseignement. Il s’est présenté aux législatives du 18 septembre dernier et a déclaré qu’il « n’avait pas l’intention de renoncer à son mandat ».
Pour le journal en ligne gazeta.ru, cette nomination est le couronnement des activités de Sergueï Narychkine à la Douma, où il s’est manifesté comme un excellent administrateur, mais pas comme un brillant stratège. Selon l’ancien général du KGB Nikolaï Leonov, par le passé employé du département du renseignement extérieur, le départ de Sergueï Narychkine pour le SVR est « une nomination purement politique ».
« C’est logique et compréhensible. Le chef de l’Etat doit avoir aux commandes du renseignement quelqu’un en qui il a une entière confiance. En outre, Sergueï Narychkine possède une riche expérience d’activités politiques et d’Etat et sa candidature ne suscitera pas de différends », a-t-il expliqué.
Il reste à savoir si Sergueï Narychkine restera une figure purement politique ou s’il parviendra à s’intégrer dans le Service en qualité de réformateur, a ajouté Alexeï Zoudine. Mikhaïl Fradkov était un personnage politique.
Le rôle de Sergueï Narychkine n’a rien d’évident : en cas de confirmation des rumeurs sur la mise en place, sur la base du Service fédéral de sécurité (FSB), du ministère de la Sécurité d’Etat (qui comprendra toutes les structures de force dont le SVR), Sergueï Narychkine sera probablement perdant. « Car le ministère aura déjà un chef », a-t-il noté.
Toutefois, on ne peut qualifier de sinécure le départ de Narychkine dans le renseignement, a affirmé Mikhaïl Remizov. Le remplaçant de Sergueï Narychkine au poste de président de la Douma sera connu ces prochains jours. Le favori est Viatcheslav Volodine, actuel chef adjoint de l’administration présidentielle et « éminence grise » du Kremlin.
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