Le président Vladimir Poutine, le chef de son cabinet Sergueï Ivanov et le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou.
Sergueï Guneïev / RIA NovostiLa semaine dernière, le président russe Vladimir Poutine a remplacé son expérimenté chef de cabinet Sergueï Ivanov par Anton Vaïno, un homme politique russe peu ou prou inconnu. Bien qu’il semble ne s’agir que d’une action de routine, le départ d’un membre si important du premier cercle de Poutine aura sans doute des conséquences importantes.
Pour minimiser la controverse, le Kremlin a annoncé la démission d’Ivanov de la façon habituelle pour les hauts fonctionnaires. Ivanov est même apparu à la télévision d’Etat russe, ostensiblement toujours dans les bonnes grâces du président Poutine. Selon la coutume, les décisions importantes concernant les personnages clés sont prises avant le week-end, de façon à éviter trop de commentaires et de spéculations. C’est encore mieux s’il s’agit d’un week-end au cœur de l’été, lorsque les gens sont en vacances, comme dans le cas d’Ivanov.
Selon différentes sources, Ivanov, qui était le bras droit de Poutine et l’une des personnes les plus influentes et raisonnables du Kremlin, part pour des raisons personnelles. Il avait remis sa démission au président à plusieurs reprises auparavant, en particulier après le décès tragique de son fils [qui s’était noyé à 37 ans pendant ses vacances aux Emirats arabes unis en novembre 2014, ndlr].
Maintenant que sa démission a été acceptée, il va pouvoir se concentrer à sa passion, la défense de l’environnement. Ivanov est connu pour son zèle à défendre les animaux sauvages (en particuliers les tigres de l’Amour et les léopards), et est un expert reconnu sur ce sujet. Compte tenu du fait que 2017 sera en Russie l’année de la protection de l’environnement, sa nomination [il est pressenti pour le rôle de représentant spécial du président pour l’environnement et les transports, ndlr] est très symbolique, et pourrait signifier un soutien considérable à de futures initiatives écologiques.
De plus, le nouveau titre d’Ivanov en tant que représentant spécial du président inclut le mot « transport ». Et cela fait de ce nouveau poste bien plus qu’une simple sinécure. Il s’agit d’une industrie brassant des milliards de dollars et à laquelle le président porte un intérêt constant, car les projets d’infrastructure en Russie sont considérés comme cruciaux pour le développement du pays.
De plus, Moscou prévoit également d’investir des sommes colossales dans les transports avant la Coupe du monde de football 2018. Enfin, l’une des stratégies d’économie nationale qui s’opposent implique une augmentation des dépenses dans le développement de l’infrastructure en utilisant les réserves actuellement limitées du pays. Poutine a donc besoin d’une personne de confiance pour superviser cette industrie et ses gigantesques flux financiers.
Cependant, le remplacement d’Ivanov par Vaïno pourrait avoir des conséquences politiques. En tant que nouveau chef de cabinet de Poutine, Vaïno a un accès direct au président et élabore son emploi du temps. Cela lui confère une grande influence : Vaïno est maintenant celui qui décide à quels évènements Poutine participe, et en tant que tel, il peut réguler le flux de visiteurs et d’invités y participant.
Toutefois, Vaïno n’a jamais commis d’abus de pouvoir ou été impliqué dans des scandales politiques ou des jeux de pouvoirs en coulisses. Il se tient entre les différents groupes d’influences et d’intérêts qui se font face dans le premier cercle du président.
Son affiliation supposée avec l’oligarque Sergueï Chemezov, l’un des hommes les plus influents de l’industrie militaire russe et dirigeant de la société de haute technologie d’Etat Rostech, est pour le moins faible. Vaïno n’est pas vraiment un lobbyiste des intérêts de Chemezov (après tout, celui-ci dispose de son propre accès fiable et direct au président).
La neutralité et l’expérience bureaucratique de Vaïno pourraient être utiles à Poutine et pourraient avoir au moins deux explications. La première est qu’il n’est qu’un figurant temporaire qui sera remplacé dans un ou deux ans par une personne différente, bien plus influente et impliquée politiquement.
La seconde version est que le bureau du président pourrait perdre peu à peu son importance politique et devenir de plus en plus une simple équipe technique et administrative. Après tout, Poutine a besoin d’institutions stables pour assurer une succession sans à-coups. Il pourrait donc décider de renforcer d’autres entités, comme le gouvernement et le parlement, durant son prochain mandat. Cela réduira les risques et rendra le système plus stable.
Les manœuvres politiques en vue de l’élection présidentielle de 2018 battent déjà leur plein. Il se pourrait même que Poutine décide de tenir des élections anticipées en septembre 2017, de façon à ce que le parlement et le président soient élus le même jour. Pour son nouveau mandat, Poutine aura besoin de personnes plus efficaces, responsables, et impliquées dans la protection du système.
En règle générale, ces personnes se trouvent au deuxième échelon du pouvoir, soit un niveau derrière les membres du premier cercle de Poutine comme Ivanov. Elles sont totalement dignes de confiance (ce sont, par exemple, des anciens gardes du corps) ou bien sont parfaitement neutres et professionnelles. Et leur avancement ne dépend que de Poutine lui-même, ce qui assure leur loyauté.
Cependant, le cercle des vieux amis de Poutine (du KGB ou de Saint-Pétersbourg) existe toujours, et ses conseils restent écoutés. Cependant, cette génération est vieillissante, et en 2018 (sans même parler de 2024), elle pourrait ne plus être capable d’assurer une transition sans heurts.
Le président promeut des membres de la nouvelle génération, des gens de 40 ou 50 ans, qui peuvent maintenant acquérir de l’expérience, former leurs équipes et se faire accepter du grand public. C’est de cette nouvelle élite que dépendront la stabilité et la continuité après le départ deVladimir Poutine.
Dmitri Polikanov est vice-président du Centre d’études politiques PIR-Center
La version originale du texte publiée par Russia Direct. Le point de vue de l’auteur n’engage pas la position de la rédcation.
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