Comment les Russes ont changé la vie de l’Allemande Anja Pabst

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Anja Pabst a grandi en RDA. Lorsqu’elle était enfant, elle a fait plusieurs voyages en URSS et appartenait à l’organisation des pionniers. Elle pense parfois qu’elle aurait dû naître en Russie.

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Anja Pabst a passé son enfance à Schwedt, en RDA. Ses parents avaient un couple d’amis dont la femme était allemande et le mari, russe. Anja jouait souvent avec leur fils et avait même appris une chanson russe pour enfants.

Premier voyage en URSS

En 1980, Anja Pabst et ses parents ont fait un premier séjour voyage en Union soviétique. Ils ont rendu visite à la famille de leurs amis qui habitait à Rostov-sur-le-Don. 

« Sans vouloir être grandiloquente, je dirais n’avoir ressenti aucune barrière à l’époque : nous avons été très bien accueillis et rien n’avait l’air feint. En Allemagne, être convivial et ouvert ne va pas toujours de soi. Pour moi, ce sont deux qualités indispensables dans le travail et dans la vie. »     

Chute du mur de Berlin et début d’une nouvelle vie

Anja Pabst a suivi sa scolarité dans un établissement spécialisé dans l’enseignement de la langue russe. Elle appartient à la dernière génération d’écoliers est-allemands qui a obtenu son diplôme de fin d’études avant la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989. Un mois plus tard, ses parents et elle sont allés pour la première fois à Berlin Ouest. Une de ses premières impressions a été que les Allemands de l’Est et ceux de l’Ouest étaient différents. « Ils le sont aujourd’hui encore », pense Anja Pabst.

« J’ai appartenu à l’organisation des pionniers puis j’ai été membre de l’Union de la Jeunesse allemande libre (l’équivalent est-allemand de l’organisation de la Jeunesse communiste soviétique). L’entraide était pour moi la plus grande valeur qui soit. Nous nous soutenions les uns les autres, comme le font les membres d’une même équipe. Les Allemands de l’Ouest vivaient autrement. La personne qu’ils considèrent la plus proche d’eux, c’est eux-mêmes. Ils pensent avant tout à leur propre intérêt. Bien sûr, il y a des exceptions. »

Études en Russie dans les années 1990

Sa bonne maîtrise du russe permit à Anja Pabst de s’inscrire à l’Institut pédagogique de Kalouga. « En Russie, il y avait alors des tickets de rationnement. Je faisais partie d’un groupe d’une dizaine d’étudiants étrangers. Nous nous partagions les tâches. La mienne était de faire la queue pour le pain. C’était une fête lorsque je rapportais du beurre de Moscou. De même lorsque les garçons achetaient des pastèques », se souvient-elle.

C’était alors le début des années 1990, une époque difficile. La jeune Allemande a obtenu de la vodka avec les tickets de rationnement. Elle l’a échangée contre du sucre et pris un train de nuit pour Engels, dans la région de Saratov, pour l’apporter à la professeur de russe qu’elle avait à l’école.

« Elle était pour moi une seconde mère. Grâce à elle, j’ai découvert et appris à aimer Vyssotski et les chansons de barde, en général, dit Anja Pabst. Je lui ai apporté un sac à dos entier de sucre. Il était tellement lourd que je suis tombée sur le quai de la gare. Je me rappelle comment on m’a aidée à me relever et que j’ai mis beaucoup de temps à arriver chez ma professeur. Ce sont des impressions fortes qu’on n’oublie pas. On ne s’ennuyait pas à cette époque ! »  

En 1992, Anja Pabst est rentrée en Allemagne où elle a travaillé pour un programme d’intégration des immigrés venus des républiques anciennement soviétiques. Elle gardait des liens avec la Russie : elle allait en séjours linguistiques dans l’Altaï, à Samara.

Retour en Russie et installation à la campagne

Anja Pabst est revenue en Russie en 2004, quand on lui a proposé d’assister les Allemands établis dans les pays de la CEI. À l’automne 2009, elle a décidé de se mettre à son compte et a créé son entreprise.

Aujourd’hui, elle est coach d’entreprise et médiateur. Elle aide des PME russes à régler les problèmes qu’elles peuvent avoir leurs employés, le niveau de leurs ventes, la définition de leurs objectifs et leur efficacité.

« Je ne cours pas après l’argent. Je vis à la campagne et j’y vis modestement. Je n’ai même pas l’eau courante. Si tout se passe bien, je ferai faire les travaux nécessaires l’année prochaine. Cette année, j’ai enfin terminé de repeindre les façades de ma maison. Pour moi, il y avait une chose importante : avoir un toit sur la tête. Maintenant que c’est fait, je peux me permettre le luxe de choisir mes clients. Je n’ai pas besoin de grand chose. Le plus important est que mes animaux mangent à leur faim et que j’ai de quoi payer l’essence. C’est tout », explique Anja Pabst.

De son propre aveu, elle préfère la campagne à la ville et le fait de pouvoir travailler à distance lui permet de vivre au grand air. « Ici, j’ai appris à apprécier le silence, à faire chauffer un poêle, les bains. Et, ce dont je suis le plus fière, je sais maintenant fendre du bois ! »

Différence entre les milieux des affaires allemand et russe

Anja Pabst constate que le milieu des affaires russe ressemble de plus en plus à l’allemand. Depuis une dizaine d’années, les entrepreneurs russes contournent de moins en moins la loi.

Les entrepreneurs russes réagissent rapidement, sont mobiles et savent réfléchir selon des schémas non établis. C’est cette créativité qui manque aux Allemands. « Il y a une raison historique à cela. En période de pénurie ou quand beaucoup de choses sont interdites, il faut chercher des solutions originales. Les Russes savent le faire naturellement. »

Les Russes devraient emprunter une de leurs qualités aux Allemands : « Selon moi, il faudrait que les entrepreneurs russes se mettent à la place de leurs clients et prévoient les choses à l’avance. "Cela ira tout seul" ou "Nous résoudrons cette question demain" ne permettent pas toujours aux entreprises de bien se développer. Les Allemands se projettent loin dans l’avenir et envisagent tous les risques ».

Anja Pabst est admirative de la réussite de Stefan Durr, le fondateur de la holding agro-alimentaire germano-russe EkoNiva. « Je suis évidemment ravie que mon compatriote vive et travaille en Russie. C’est aussi un homme remarquable. »

Plus russe qu’allemande

« Je suis restée allemande dans la mesure où je prévois tout à l’avance. Bien que je fasse parfois preuve de spontanéité. Je respecte toujours les contrats à la lettre. Je n’aime pas les dettes. Sur ces plans-là, on ne me refera pas ».

Avec une précision allemande, Anja Pabst fait toujours tout dans les temps et n’aime pas être en retard. Mais, ses amis allemands remarquent toutefois qu’elle s’est russifiée. 

Aija Pabst se plaît à dire que la cigogne qui l’a apportée bébé s’est trompée deux mille kilomètres. Elle aurait dû naître en Russie et non en Allemagne.

Retrouvez l’intégralité de l’interview d’Anja Pabst en russe dans le journal Nation.

Dans cet autre article, découvrez le récit de cet Éthiopien vivant en Russie et ayant décoré la plus grande église du pays.

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