Commémoration de l’Armistice: les Russes ayant combattu pour la France reçoivent un hommage

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MARIA TCHOBANOV
Le 103e anniversaire de l'armistice de la Grande Guerre, célébré hier, 11 novembre, a été l'occasion de commémorer, à Paris et dans d’autres villes françaises, la mémoire des soldats et des officiers du corps expéditionnaire russe, ainsi que des Russes, qui, par la volonté du destin, se sont retrouvés en France et ont rejoint l'armée française dès les premiers jours de la guerre pour combattre un ennemi commun.

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Ils ont été près de huit mille, officiers, sous-officiers et hommes de troupe russes, morts aux combats, en captivité, ou disparus pendant la Première Guerre mondiale en France. Des centaines de tombes dans les cimetières militaires français portent des noms russes, mais la plupart des victimes n’ont pas de sépulture, leurs dépouilles gisant dans des fosses communes ou étant dispersées sur les lieux de la bataille du Chemin des Dames et d'autres affrontements sanglants qui resteront dans les mémoires comme les moments les plus tragiques de la Grande Guerre.

Dégradées par le temps et le manque d’entretien, de nombreuses tombes sont aujourd’hui en mauvais état et ont besoin d’une intervention rapide. Ces dernières années, un certain nombre de sépultures et de monuments ont été mis à jour et complétés par des informations supplémentaires (résultant du travail méticuleux de recherche dans les archives) par l’association Mémoire russe, créée dans le but de préserver les monuments militaires russes et soviétiques en France. Grâce à cette association, certains noms oubliés, dont des héros autrefois glorifiés, remontent à la surface et rappellent les pages héroïques de notre histoire commune.

Destin français d’un pilote russe

Ainsi, ce 11 novembre, le drapeau russe a été déposé au carré militaire du cimetière de Saint-Cloud sur la tombe de Victor Fedorov, (1885-1922), pilote militaire, as français d’origine russe, Chevalier de la Légion d’Honneur.

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Ancien étudiant de la faculté de droit de l'Université de Kharkov (aujourd’hui en Ukraine), expulsé pour appartenance à l'organisation des sociaux-démocrates, en 1908, Victor, fuyant la police politique tsariste, émigre en Europe. En France, lors du déclenchement de la Première Guerre mondiale, il s'engage au 2e régiment de la légion étrangère. Pour son courage, il reçoit le grade de caporal. Le 23 février 1915, il est grièvement blessé à Craonne. Après sa convalescence, il obtient un transfert dans l'aviation.

Il obtient son brevet de pilote militaire le 27 novembre 1915 à l’école de Buc, puis, le 21 janvier 1916, après un passage par l’école de perfectionnement d’Ambérieu, il est affecté à l’escadrille C 42. Le jeune pilote effectue ses premières missions de guerre dans les Vosges, où il est nommé sergent. Plus tard, il part avec un détachement de son escadrille au renfort de l’aviation française qui se bat sur le secteur de Verdun, où, le 14 mars, il remporte sa première victoire à bord d’un Caudron G4 biplace. Avec courage et détermination, il remporte une victoire après l’autre, ne manque pas d’occasion de chasser, souvent plusieurs appareils ennemis en même temps, et gagne le surnom de cosaque de l'air russe de Verdun.

Il est grièvement blessé lors d’un combat contre 3 avions allemands en avril et, une fois rétabli et promu au grade de sous-lieutenant, parvient à se faire affecter à la mission militaire française de Roumanie, destinée à renforcer l’aviation de ce pays.

Puis, en décembre 1916, Fedorov est affecté à la mission française dans l’Empire russe, d’abord comme instructeur à l’école d’aviation d’Odessa (aujourd’hui en Ukraine), ensuite, impatient de combattre les Allemands, il obtient une affectation à l’escadre du capitaine Kazakov, l’as des as russe. Muté comme instructeur à l’école d’aviation de Sébastopol, il tombe malade et doit être hospitalisé à Moscou. Avec l'arrivée des bolcheviks au pouvoir, Fedorov quitte la Russie avec le contingent des pilotes français en mars 1918. En France, il repart au front au sein de l’escadrille SPA 89, avec le grade de lieutenant et remporte deux nouvelles victoires homologuées. Cependant, le 16 octobre, il est pris à partie par 3 Fokker qui criblent son SPAD de plomb. S’étant posé de justesse dans les lignes alliées, il repart à l’hôpital où il finit la guerre. Affaibli par les multiples blessures reçues durant le conflit, Victor Fedorov s’éteint à Saint-Cloud le 4 mars 1922, à l’âge de 36 ans.

À l'occasion du centenaire de sa mort, en mars 2022, une plaque commémorative rappelant les exploits du pilote légendaire devrait être installée sur sa tombe par l’association Mémoire russe.

Restituer la mémoire

Au cimetière Saint-Roch, à Valenciennes, dans le carré militaire de la guerre 14-18, 208 tombes portent des noms et prénoms russes. Ce sont les sous-officiers russes capturés par les Allemands lors de l'opération offensive Broussilov. Ils n'ont pas laissé leur vie dans des tranchées, fusil à la main, ils sont morts épuisés par les travaux forcés, malades et affamés. Certains ont été enterrés sur le lieu même de leur décès, ensevelis dans des fosses communes. Dans le Nord-Pas-de-Calais, ils sont près de mille cinq cents à avoir été fait prisonniers par les Allemands. En 1927, une stèle dédiée à ces hommes a été inaugurée au cimetière de Valenciennes. Une cérémonie commémorative a été organisée en mémoire des victimes en présence des représentants de l’ambassade de Russie et des membres de l’association Mémoire russe.

Une autre cérémonie modeste a également eu lieu au Nord de la France, dans le cimetière du Blanc Seau à Tourcoing, où 8 soldats russes morts en captivité sont enterrés et où se trouve un petit monument avec une épitaphe unique « Aux héroïques combattants russes qui ont donné leur vie pour le salut de leur Patrie ! », restauré par l'association Mémoire russe.

À Paris enfin, l’Ambassadeur de Russie en France, Alexeï Mechkov, a déposé une gerbe de fleurs au pied du monument « À la mémoire des soldats du corps expéditionnaire russe qui ont combattu en France en 1916-1918 », sur la place du Canada. Le mémorial a été inauguré sur les quais de Seine, à proximité du pont Alexandre III et du Grand Palais, en juin 2011. Depuis, tous les ans, le jour de l’Armistice, c’est le lieu de rencontre de descendants des soldats et officiers du Corps expéditionnaire russe, qui sont restés en France après la Grande Guerre, de représentants des associations et de tous ceux qui ne sont pas indifférents à ces pages héroïques et tragiques de l'histoire.

Dans cet autre article, nous revenions en image sur la légendaire épopée du Corps expéditionnaire russe en France.