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Le film Dourov a été présenté au Festival international de Moscou. Ce documentaire signé par Rodion Tchepel retrace les étapes clés de la vie du milliardaire de l'informatique Pavel Dourov, qui a fui la Russie.
Une grande partie de ce qui a été montré dans ce biopic avait déjà été décrite dans d'autres biographies de Dourov : ses études à la faculté de philologie, ses relations avec ses camarades de classe, la création d’un réseau social fermé à destination des étudiants, qui deviendra plus tard le réseau social le plus populaire de Russie, comment il en a perdu le contrôle, comment il s'est brouillé avec ses partenaires, son conflit avec les autorités russes, son émigration et son échec dans le lancement de la controversée plateforme blockchain TON.
Cependant, il contient également de nouvelles révélations, qui ont été dévoilées par des collègues, des connaissances, des camarades de classe et des professeurs du discret entrepreneur : Dourov lui-même n'accorde plus d'interviews depuis de nombreuses années et refuse de communiquer avec les journalistes.
Le film de Tchepel ne fait pas exception à la règle, Dourov n'y étant présent que dans des images d'archives : « Pavel est tellement réticent à être associé à la Russie qu'il n'a pas accepté de participer au cadre de ce film destiné à un public russophone, a déclaré le réalisateur, qui s'est rendu à Dubaï à la mi-avril pour lui montrer le film et « ne pas lui nuire » par sa sortie. Pavel a pleinement accepté ce qu'il a vu, même s'il y avait là des choses qu'il ne révèle pas sur lui-même ».
Dourov est déjà disponible sur la plateforme de streaming en ligne Kion, mais uniquement en russe. Nous avons compilé les éléments les plus intéressants.
À l’école, il se voyait déjà en « totem internet »
Comme le veut la tradition, après la fête de fin d'études, tous les diplômés de la classe de Pavel sont venus prendre le thé chez leur professeur principal afin de lui faire leurs adieux. Or, tout en se filmant, ils ont dit comment ils se voyaient dans dix ans.
« Pavel est resté longtemps évasif, puis ils l'ont fait s’asseoir et lui ont dit "Toi aussi parle" et il a marmonné quelque chose de pas très lisible : il a dit "Je serai un totem internet". Une combinaison de mots complètement incroyable – personne n’y a fait attention, je l’ai juste retenue et c'est frappant qu'il l'ait fait », a déclaré Gueorgui Mednikov, le professeur de Dourov.
Dourov a été marié et a deux enfants
Dourov a rencontré sa femme Daria Bondarenko alors qu'il était étudiant. Elle étudiait dans la même université et était engagée dans un travail d'information au sein du conseil des étudiants. « Le journal [étudiant] s'appelait Stouden, Dacha [diminutif de Daria, ndlr] en était la rédactrice en chef », témoigne Maxim Petrentchouk, un camarade de classe de Pavel, précisant qu’à 19 ans ce dernier avait déjà le crâne bien dégarni.
Daria « représentait le type classique de la fille russe, avec un tel visage russe ». Selon lui, un jour, elle est venue voir Dourov et a déclaré : « Pavel Valerievitch, vous êtes une personne tellement brillante, talentueuse et belle, daigneriez-vous m'accorder une interview ? ». En outre, elle lui a demandé de retirer à Petrentchouk le poste de modérateur du forum des élèves parce qu'il « soulève des sujets controversés » et « parle des enseignants ».
« Pavel n'a pas réfléchi longtemps et m'a simplement écrit : "Maxim, en raison de la situation actuelle, notre parti décide de te retirer de ce poste", se souvient Petrentchouk, ajoutant que Dourov s’affichait en public avec Daria, comme s'il essayait de montrer qu’il avait une petite amie. Et c'est d’une part une sorte d'arrogance que Dourov a montrée, d'autre part il était évident qu’il était très tourmenté par ce que les gens autour de lui pensaient à son sujet ».
Le film dit que Dourov et Bondarenko se sont mariés et ont eu deux enfants, mais que maintenant le couple est divorcé.
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Il avait une relation difficile avec ses camarades de classe
Selon Mednikov, le professeur de l'école, Pavel se distinguait des autres élèves. « Il avait un certain nombre de caractéristiques qui ne plaisaient pas à tous ses camarades de classe. Il avait une relation difficile avec une partie de la classe. Il se souciait de la façon dont il était jugé, il avait une ambition très développée ». Au gymnase académique, pour l’intégration duquel il y avait une compétition de 7-8 personnes par place, il était « aiguisé » pour la médaille, mais il était impossible d’espérer obtenir la meilleure note dans toutes les matières en raison du haut niveau d’attentes. Donc, selon l'auteur du film, Dourov a triché partout où cela était possible. Il n'y avait par ailleurs pas de photo de Dourov dans le trombinoscope des diplômés. « Apparemment, il avait une attitude maladive envers la confidentialité », suggère son camarade de classe Dmitri Mironov.
Il s’est transformé en macho pour le bien du développement de son projet
Dans les premières années qui ont suivi la création de VKontakte (équivalent russe de Facebook), ses connaissances ont commencé à remarquer de « drôles de traits » chez Dourov. « Il ajoutait constamment des strip-teaseuses à ses amis, certains modèles d'escorte. Dourov essayait de créer une sorte d'image macho. Il misait sur le fait qu'il était dans un environnement informatique, qu'il était entouré de programmeurs. Mais à l'époque, un programmeur était juste un nerd. À un moment donné, ce geek voyait donc la belle image de Dourov entouré de nymphes et ressentait le désir de déverser ses talents et ses idées dans Vkontakte », a déclaré Petrentchouk.
Il a décidé d'émigrer après l'arrivée à son domicile de l’OMON
Début décembre 2011, après l'élection de la Douma, des manifestations de masse ont commencé en Russie, avec des rassemblements organisés et gérés principalement par des groupes d'opposition fermés sur VKontakte. Les fonctionnaires du FSB ont par conséquent demandé à l'administration du réseau social de bloquer ces groupes, mais Dourov a refusé.
Le 11 décembre, des membres de l’OMON (équivalent russe des CRS) ont frappé à la porte de l'appartement de Dourov à Saint-Pétersbourg. Le film ne fournit pas de détails sur cette visite des forces de l'ordre, mais il est affirmé que c'est à ce moment-là que Dourov a réalisé qu'il ne travaillerait plus à VKontakte et ne vivrait plus en Russie. Ce même jour, il a réfléchi à la nécessité de disposer d'un canal de communication sécurisé avec son frère aîné Nikolaï, l'un des principaux développeurs de VKontakte, qui a créé tout le « moteur » du réseau social. Trois ans plus tard, Dourov a effectivement quitté la société, ainsi que la Russie, et a lancé Telegram.
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Le projet de blockchain TON est l'idée de son frère
Nikolaï Dourov est encore plus secret que son célèbre frère. On ne l'a jamais vu parler à la presse. « Nikolaï a eu l'un des rôles les plus importants, peut-être même le plus important. Il est l'idéologue de cette blockchain, il a contaminé Pavel avec cette idée dans une plus large mesure », a déclaré le vice-président de Telegram, Ilia Perekopski.
Selon lui, « tous les investisseurs du monde » voulaient investir dans TON. « Le défi n'était même pas de collecter de l'argent, mais de choisir à qui en prendre », a-t-il déclaré. En octobre 2019, la Securities and Exchange Commission (SEC) a toutefois intenté un procès contre Telegram, ce qui a mis fin au projet, bien que TON fût prêt à être lancé. Dans le film, le capital-risqueur Pavel Tcherkachine, qui a investi dans le lancement de TON, qualifie l'opération d'escroquerie – l'argent serait allé à la marque personnelle de Dourov – et l'équipe de Telegram d'escrocs de haut vol. Selon Perekopski, le fait est que les régulateurs n'étaient tout simplement pas d'accord avec leur vision du monde.
Le blocage de Telegram en Russie a coûté à Dourov 75 000 dollars par heure
En 2018, le régulateur russe Roskomnadzor a commencé à bloquer Telegram en Russie. La raison : le refus de la direction du service de fournir aux renseignements, comme l'exige la loi russe, les clés permettant de décrypter la correspondance de ses utilisateurs. Afin de contourner les restrictions, la messagerie a augmenté plusieurs fois le nombre d'adresses IP (les fournisseurs de télécommunications ont essayé de les bloquer), passant de 8 000 à 15,5 millions. Or, la location d'une adresse IP coûte environ 0,05 dollar par heure. Cela signifie que l’entreprise dépensait pour cela 75 000 dollars par heure, estime Vladimir Ampelonski, ancien porte-parole de Roskomnadzor.
Il voulait créer la première école privée en Russie
Lors d'une réunion en 2011, Dourov a proposé à Gueorgui Mednikov d’ouvrir « la première école véritablement privée » en Russie. « Mes enfants sont encore jeunes, ils devront étudier quelque part, je veux faire une très bonne école, semblable à celle où j'ai étudié. Je veux que cette école ne prenne pas un kopek de l'État et des parents. Je veux que ce soit la première et peut-être la seule école véritablement privée de ce pays. Quand il y a un conseil d'administration, un dépôt, avec les intérêts duquel cette école existe », cite l'enseignant de Dourov. Puis Pavel « a commencé à avoir de très sérieux problèmes », et le projet a dû être reporté.
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