Adopté à 4 ans, il reliera à pied la Bretagne à la Russie en quête de ses origines

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ERWANN PENSEC
Un voyage initiatique, c’est ainsi que Jean-Eldar Ollivier, 22 ans, qualifie son imminent périple entre Brest et Astrakhan, aux abords de la mer Caspienne. Recueilli dès sa tendre enfance par une Française, il souhaite aujourd’hui réunir les morceaux de l’incomplet puzzle de son histoire personnelle en rejoignant, à pied, sa ville natale.

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Placé à sa naissance dans un orphelinat d’Astrakhan, ville du Sud de la Russie, c’est à quatre ans que Jean-Eldar Ollivier a, adopté par une Française, quitté sa patrie originelle. De cette dernière, il ne conserve que de vaporeux souvenirs : une bataille de boules de neige, quelques moments de vie. Sa langue maternelle s’est elle aussi évanouie dans les tréfonds de sa mémoire.

Ayant gagné Brest, à l’autre bout du continent, il développera avec sa mère adoptive une relation conflictuelle. Privé de ses racines, c’est par conséquent dans l’écriture qu’a trouvé refuge celui qui se définit aujourd’hui comme un poète itinérant.

« À 20 ans, après deux ans de rupture où je ne l’avais pas vue, elle m’a donné mon dossier d’adoption quand je suis allé la revoir, alors que je croyais qu’il n’y en avait pas », nous confie le jeune homme.

Le dossier, contenant de nombreuses archives, lui a révélé de précieux indices quant à ses origines. Il y a en effet trouvé l’identité de sa mère biologique, mais aussi les contacts de juges et autres notaires impliqués dans la procédure. Plus encore, il y a découvert qu’Eldar n’est autre que le prénom que lui avait accordé sa mère à sa venue au monde et non, comme il le pensait jusque-là, celui qui lui avait été attribué à l’orphelinat. Il apprendra enfin de ces documents l’existence d’une sœur, restée à Astrakhan, ainsi que la raison de son abandon : l’incapacité de sa mère à subvenir aux besoins de son enfant.

« À partir de là, je me suis dit que j’aimerais bien aller retrouver ma famille biologique », assure, déterminé, Jean-Eldar.

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En quête de réponses

Pour cela, c’est une véritable odyssée que prépare aujourd’hui notre interlocuteur, porté par une foule de questions demeurant sans réponses. Jean-Eldar ambitionne en effet de rejoindre sa ville natale à pied, un trajet de près de 3 900 kilomètres à vol d’oiseau depuis la pointe bretonne, mais nécessitant bien des détours. Un défi de taille, qu’il a toutefois à cœur de relever.

« La démarche de vouloir y aller à pied, c’est de faire une sorte de périple initiatique, un voyage libérateur, quelque chose qui pourrait me permettre de me libérer des questions que j’ai, et en même temps de faire quelque chose de vraiment constructeur. On ne fait pas un voyage initiatique en avion », insiste-t-il.

Lors de cette aventure, Jean-Eldar pourra compter sur l’hospitalité de connaissances résidant sur son itinéraire, qu’il s’agisse du Nord de la France, de la Belgique, ou encore de l’Ukraine, où une amie l’aidera à reconquérir les bases de la langue de Pouchkine. À Astrakhan, il bénéficiera également de l’appui de la traductrice ayant à l’époque joué le rôle d’intermédiaire pour son adoption.

S’il envisage de passer près d’un an sur les routes jusqu’au delta de la Volga, où se situe Astrakhan, sur place, Jean-Eldar ne se fixe pas de limite. Souhaitant tout d’abord retrouver son orphelinat et y obtenir de plus amples renseignements, il n’a en réalité pas encore tenté de retrouver sa mère sur les réseaux sociaux, bien qu’il ait d’ores et déjà appris, du dossier d’adoption, que d’origine kazakhe, elle se serait ensuite installée dans la République voisine de Kalmoukie.

« Je pense que je préfère faire des recherches directement là-bas, avec des gens qui s’y connaissent, parce que j’ai entendu des histoires un peu bizarres : quelqu’un à qui on a fait croire pendant dix ans qu’ils étaient sa famille biologique, mais en fait pas du tout. Et ça me fait un peu peur, du coup je préfère vraiment faire les choses en face à face », précise-t-il.

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Préparatifs en ces temps de restrictions pandémiques

Le grand départ est finalement prévu pour ce printemps, et ce, malgré la Covid-19 faisant encore rage à travers l’Europe.

« Ça a été un peu compliqué, mais par exemple, pendant le dernier confinement, je suis allé en Belgique, parce que là-bas ils n’étaient pas confinés, et ça m’a permis de continuer mon entraînement physique en faisant de la marche. C’était déjà un bon point. Et sinon, là je suis venu à Lyon car c’est un peu le centre entre deux massifs, le Massif central et les Alpes, et donc j’ai pu m’entraîner un peu », relate le Brestois.

Les frontières ne devant pas être pour lui un obstacle insurmontable, Jean-Eldar disposant encore de la citoyenneté russe, l’objectif est aujourd’hui de réunir le matériel et les fonds nécessaires à une si éprouvante randonnée, estimés selon lui à 6 000 euros.

« J’ai un sac de 85 litres, dans lequel il y aura ma tente, mon duvet, toutes mes affaires pour pouvoir survivre en autonomie, tout en sachant que j’aimerais bien aussi dormir le plus possible chez l’habitant durant mon trajet », explique-t-il.

Afin de concrétiser ce projet, une centaine de donateurs ont rassemblé près de 3 350 euros dans le cadre de sa campagne de financement participatif, tandis que sa banque, le Crédit mutuel de Bretagne, lui a remis un chèque de 1 000 euros. Une seconde cagnotte sera inaugurée au lancement de son périple et une partie de l’argent récolté sera reversée à l’UNICEF.

Enfin, interrogé sur la façon dont il appréhende son voyage, ainsi que sur ce qu’a jusqu’à présent représenté la Russie dans sa vie, le jeune poète affiche un certain recul défensif.

« Un peu plus que les autres pays, mais franchement j’ai préféré garder mes distances avec ça parce que ça me rappelait juste ma situation d’enfant adopté et du coup ça me faisait un peu mal. En m’y replongeant, c’est intense, mais il faut bien que j’avance », conclut-il. Et d’avancer, il n’en aura guère le choix face aux vastes étendues le séparant de sa destination.

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