Un pied de nez à la pandémie: petite histoire de trois projets franco-russes

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VALERIIA ANIKUSHINA
Visant à rapprocher les deux pays, les projets humanitaires, culturels et surtout économiques franco-russes se heurtent depuis de longs mois à des obstacles causés par la pandémie, dont la seconde vague fait toujours rage. Russia Beyond est allé à la rencontre de ceux qui sont parvenus à franchir les barrières imposées par le virus et se reconvertissent pour pouvoir poursuivre leurs activités

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Pour Kungur et la solidarité en 2020 

Aujourd’hui, l’association Pour Kungur réunit des dizaines de familles à travers le monde ayant adopté des enfants dans un orphelinat de la ville homonyme, dans l’Oural. Créée il y a plus de dix ans par un couple français, Hélène et Jean-Sébastien Texier, elle offre aujourd’hui son soutien à dix maisons d’enfants et à un sanatorium de la région de Perm. Outre l’aide financière, il s’agit d’un appui moral qui se traduit par de nombreux échanges culturels, humains et même artistiques. 

Cependant, l’année 2020, qui restera gravée dans l’histoire comme celle de pandémie, a imposé ses propres règles de jeu, telles que l’interdiction des évènements de masse, la fermeture des écoles aussi bien que des frontières, et la suspension des déplacements entre la Russie et la France. 

Près de dix mois après que le virus s’est abattu sur le Vieux continent, nul ne sait toujours quand la vie reprendra son cours normal et les prévisions optimistes se voient basculer par les statistiques inquiétantes. Or, même dans ce contexte, la présidente de l’association, Hélène Texier, ne baisse pas les bras et entretient activement des liens à distance, si bien que, en dépit de l’incapacité de réunir les gens ou de se rendre en Russie, plusieurs projets sont en cours.  

« La situation avec la Covid est compliquée pour les orphelinats, se confie Hélène, Il y a eu des nounous confinées dans des orphelinats pendant des jours et sans pouvoir rentrer chez elles, et ce, dans le souci de protéger les enfants ; pareil pour des visites de l'extérieur qui ont été interdites ». Cette année, l’association a donc été contrainte d’annuler ses marchés de Noël avec de l’artisanat russe et des livres bilingues, mais aussi de déplacer en ligne le projet-vidéo, prévu pour avril 2020 et dédié au poète Sergueï Essenine qui a fini par prendre la forme d’un site d’exposition de dessins faits par des enfants d’orphelinats et d’autres établissements recevant des mineurs.

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L’aspect financier est encore un facteur à prendre en compte, dont dépend la mise en place des projets. Et lorsque la situation n’est pas favorable, il faut « se creuser la tête » afin de trouver des idées à la fois intéressantes et utiles. Ainsi, nonobstant les contraintes, deux projets se déroulent activement en ce moment.

Le premier, « Une carte de Noël - Un sourire », déjà devenu traditionnel, est l'échange annuel de cartes de vœux entre les enfants français et russes. Cependant, il est plus compliqué de les envoyer à Perm cette année, car d’habitude elles se font accompagner par le théâtre francophone « Vis-à-vis » de l’université de Perm. La compagnie vient tous les ans en janvier pour donner des spectacles caritatifs au CRSC de Paris auprès des enfants russes adoptés par des familles françaises ; or l'événement sera cette fois probablement annulé en raison de la pandémie.

Le deuxième, celui d’exposition et concours « Mon conte de Noël et du Nouvel An », est dédié aux contes de fées de Noël et poursuit plusieurs objectifs. Tout d’abord, il s’agit d’un projet culturel de découverte des contes de fées russes et du monde entier. Puis, il contient un aspect de soutien psychologique : des dessins sont installés dans les endroits où il n’y a presque plus de visites à cause de la pandémie et « où les gens sont un peu plus tristes qu’ailleurs ». Comme l’explique Hélène : « c’est comme si les enfants venaient à eux à travers les dessins, vers ces gens dans les Ehpads, dans les centres de santé ou pour handicapés, ». Enfin, il y a aussi le côté éducatif : dans le cadre de la promotion de cette initiative, Hélène se rend dans des écoles de l’Hexagone dans le but de sensibiliser les enfants à la solidarité. « Ça ne va pas révolutionner la planète, mais j’explique aux enfants que déjà à leur âge ils peuvent aider les autres et apporter un peu de joie et que ça ne coûte rien, à part un peu de don de soi ». 

Tsar Voyages, ou repenser le tourisme

L’histoire de l’agence Tsar Voyages, créée par un couple franco-russe, Elena et Benoit Lardy, débute par la fondation en 2004 d’un petit service réceptif à Moscou à destination des français expatriés pour leur permettre de découvrir la Russie. Après avoir occupé rapidement le créneau vacant sur le marché touristique et gagné la confiance de leur clientèle cible, ils décident d’ouvrir des bureaux à Paris et Saint-Pétersbourg et de s’occuper aussi des voyages d’affaires. À partir de 2010, l'agence s'implante en France pour simplifier la vie des clients français. 

Une belle occasion pour élargir son expertise se présente à l’agence dans le cadre de l’année croisée franco-russe de 2010, plus précisément lors de l’organisation du salon « Art de vivre à la française » qui s’est tenu à Moscou. Le président de l’agence, Benoît Lardy, s’en souvient : « c’était une très belle opération : on a fait voyager tous les exposants, c’est-à-dire plus de 100 entreprises françaises ». Grâce à cette expérience, la gamme de services actuels de Tsar Voyages s’étend « de l’organisation des chachliks dans la forêt à un cortège pour le président de la République française ». Puis, l'agence a été choisie en 2018 par la Fédération française de Football (FFF) pour l’accompagnement de l’équipe de France pendant la Coupe du monde en Russie

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Alors que l’entreprise était ainsi sur une telle belle lancée, l’arrivée du coronavirus a apporté ses ajustements. Contrainte d’annuler tous les dossiers, l’agence a dû complètement se transformer. La tâche essentielle consistait à changer de locaux, surtout à Moscou, et le mode de fonctionnement, afin de réduire les coûts et les risques sanitaires. « On s’est mis en télétravail et parallèlement au sous-sol après avoir passé des années au dernier étage », plaisante le président d’agence. Cependant, ce déménagement s’avère avantageux, car le nouveau bureau avec un grand espace d'exposition permet de recevoir des invités. Ainsi, début décembre, le Bazar de Noël y a été organisé avec une exposition d’art et d’artisanat russes. Le Marché de Noël avec le concept identique s’est tenu aussi dans les locaux de l’agence parisienne. 

Le président de Tsar Voyages admet que les efforts de toute l'équipe sont concentrés actuellement sur l’axe de créativité, tout en conservant ses savoir-faire et contacts développés. Ainsi, la mise en place de deux nouveaux projets a été fortement poussée par la pandémie. Nommé « Tsar Nature », le premier suppose l’ouverture d’une base touristique écologique dans la région de Iaroslavl, à côté de Rostov Veliki. C’est une tentative de « refaire vivre un petit village russe », où Elena, la femme de Benoît, a passé son enfance, en construisant deux maisons panoramiques, une izba russe traditionnelle et des tentes exploitables pendant l’hiver. Comme l’explique Benoît Lardy, « c’est un projet à destination des amoureux de la nature et de l’écologie, non seulement français, mais aussi russes, et le tout dans un cadre malgré tout confortable ». Une fois la pandémie terminée, le deuxième projet « Tsar Visit », qui est déjà en ligne, repartira en premier. Il s’agit d’une plateforme de vente « d’une expérience inoubliable au cœur du voyage » : des excursions classiques à l’Ermitage ou au Kremlin ou sportives, par exemple, un voyage en chiens de traîneau, ainsi que des ateliers de création des cocktails ou d’un dîner chez l’habitant à Moscou. Par conséquent, Tsar Voyages se transforme progressivement aussi en agence événementielle. 

Livres bilingues: nouvelle approche de l’apprentissage du russe et du français

Polyglotte, philologue, sociologue et grande amatrice d'art, Nathalie Gigounova-Komarova a créé en 2015 à Paris l’association « Plateforme de Perspectives du Développement International» (PPDI) dont l’activité est orientée vers trois directions : « Alliance, Culture et Maison d’édition bilingue Natania ».

En poursuivant un rapprochement socioculturel, scientifique, et humanitaire entre les pays, son objectif principal est de soutenir les talents artistiques. Le support aux jeunes diplômés en art, que ce soit d’origine française ou russe, se fait donc par le biais de l’édition des livres. En effet, si Nathalie est responsable du contenu, ces jeunes talents participent à l’élaboration de l'accompagnement visuel : des illustrations, du design graphique et de la mise en page. En outre, le côté événementiel avec l’organisation des expositions d’artistes et sculpteurs russes et français, accompagnées par des concerts de chanteurs, de musiciens et même de comédiens de toutes nationalités, est l’une des occupations majeures de PPDI. Or, avec la pandémie cette activité reste actuellement congelée, ce qui empêche aussi la promotion et la vente des livres édités par la Maison « Natania ».

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Le projet « Natania » n'est pas seulement, comme l'appelle la présidente de l’association, « un laboratoire d'art pour les jeunes artistes », mais il concerne aussi la science, l'éducation et les loisirs. Au-delà de l'histoire de la popularisation de la langue et de la civilisation russes dans le milieu francophone, les livres de cette petite édition contiennent une méthode spéciale d'apprentissage de la langue russe à travers des expressions idiomatiques, de l'humour incarné par des anecdotes folkloriques et des grands satiristes russes tels que Jvanetski, Zadornov ou Ranevskaïa. Derrière cette présentation humoristique se cache également la composante éducative : « je suis consciemment cette ligne pour diffuser des connaissances élémentaires sur la Russie : sa géographie, son climat, ses fuseaux horaires ». Une autre caractéristique est leur utilité mutuelle à la fois pour les russophones et les francophones, mais aussi leur accessibilité en termes de compréhension. D’après Nathalie, les profils des lecteurs sont assez divers : « des étudiants intéressés par la langue russe aux traducteurs professionnels et diplomates, et même des expatriés russes qui souhaitent parler le français correctement et enrichir leurs connaissances idiomatiques et culturelles ».

« L’annonce des deux confinements en France coïncidait, comme par hasard, avec l’arrivée chez moi d’un nouveau lot de livres de typographie. Un appartement plein de cartons avec plus de mille exemplaires, des librairies fermées, ainsi que l’interdiction de toutes sortes de foires et surtout des Marchés de Noël… C’était un peu difficile à surmonter », se souvient Nathalie. Cependant, la pandémie n'a pas affecté sa créativité et un autre livre est déjà en cours d’achèvement. En outre, à cause des frontières fermées et du voyage annulé en Russie, elle s’est lancée dans la découverte des régions françaises cet été, en faisant simultanément la promotion réussie de ses livres dans des librairies un peu partout en France.

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