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Située au sud des monts Oural et traversée par la rivière Miass, Tcheliabinsk est l'un des lieux largement ignorés qui forment le pilier de l'industrie lourde russe. Quand l'anonymat relatif de la ville a été brisé par l'impact d'une météorite en février 2013, il est apparu que peu d'observateurs extérieurs en savaient beaucoup sur la septième ville de Russie. Mais Tcheliabinsk possède un héritage architectural varié, qui reflète les changements sociaux fondamentaux survenus au cours du siècle dernier.
Sergueï Prokoudine-Gorski, chimiste et photographe russe, a révélé quelques-uns des trésors architecturaux de la ville lors de son premier voyage dans les monts Oural durant l'été 1909. Ce voyage était une extension de son projet de photographier la grande diversité de l'Empire russe au début du XXe siècle. En mai 1909, Nicolas II a invité Prokoudine-Gorski à la résidence impériale de Tsarskoïé Selo afin qu'il montre ses images de la Russie au moyen d'un projecteur élaboré. À la suite de cette présentation, la cour impériale a décidé de soutenir financièrement le photographe pour qu'il continue ses voyages, ce qui lui a permis d'accélérer le rythme et l'étendue de son travail.
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Rempart frontalier
Tcheliabinsk a été fondée à l'automne 1736 en tant que maillon d'une chaîne de forts conçus pour protéger les lignes d'approvisionnement entre les greniers de la Sibérie occidentale et le nouveau territoire d'Orenbourg, à la frontière sud de la Russie. Des troupes cosaques et des colons se sont installés dans les vastes steppes alors parcourues par les tribus bachkires, qui ont répondu à leur arrivée en attaquant fréquemment les convois d'approvisionnement et les avant-postes russes. En 1739, le fort de Tcheliabinsk abritait plus de 1 000 habitants.
Située dans une région riche en métaux et en fonderies (comme dans la ville de Kasli), Tcheliabinsk est restée une cité de marché locale pendant plus d'un siècle. En 1774, son existence paisible fut troublée par l'occupation de la colonie pendant deux mois lors de la Guerre des Paysans, une rébellion étendue et prolongée de serfs, Cosaques et Bachkires menée par Emelian Pougatchev.
La croissance de la ville a accéléré dans les années 1890 avec la construction du chemin de fer Transsibérien, qui a transformé Tcheliabinsk en carrefour important dans le Sud de l'Oural et en porte d'entrée vers l'Est. Encouragées par les réformes agricoles et les promesses de terres riches en Sibérie, des milliers de familles paysannes sont alors allées dans les centres de réinstallation de Tcheliabinsk, où elles ont reçu des soins et des fournitures rudimentaires pour le pénible voyage vers la Sibérie.
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En 1897, la ville avait une population diverse de 20 000 habitants, comprenant une communauté juive dont la synagogue est toujours en activité. Les décennies prérévolutionnaires ont vu la construction de nombreuses églises orthodoxes, dont certaines ont été restaurées pendant l'époque post-soviétique. Tcheliabinsk compte également plusieurs mosquées.
L'agriculture et la construction d’élévateurs à grain a stimulé le développement commercial au début du XXe siècle. Grâce au transfert à Tcheliabinsk du principal point de douane oriental, l'industrie lucrative du thé chinois était désormais traitée dans les usines de triage de la ville. Tout cela a été rendu possible par le chemin de fer.
Révolution et industrialisation
Dans la décennie qui a suivi la visite de Prokoudine-Gorski, la guerre, la Révolution et la guerre civile ont fait des ravages, mais Tcheliabinsk s'est relevée et sa population avait triplé en 1926. Le lancement du premier plan quinquennal de l'Union soviétique en 1928 et la collectivisation de l'agriculture qui en découlait ont causé de grands bouleversements sociaux. Cependant, à Tcheliabinsk, l'avancée rapide vers l'industrialisation a transformé son apparence et a fait quadrupler sa population en à peine plus de dix ans.
Une immense usine de tracteurs devait faire entrer l'agriculture soviétique dans l'ère des machines et, avec l'ajout d'une usine métallurgique, Tcheliabinsk a rejoint Magnitogorsk dans la production d'acier et de produits sidérurgiques. Signe du début d'une nouvelle ère, les bâtiments administratifs et les projets de construction de logements étaient maintenant réalisés dans un style soviétique fonctionnel.
À cause du début de la guerre sur le front de l’Est en juin 1941, beaucoup d'usines d'industrie militaire de l'Ouest de l'Union soviétique ont dû être évacuées à Tcheliabinsk, et les fabriques locales ont été réaménagées pour produire des armes. L'usine de tracteurs ainsi reconvertie produisait des chars en telles quantités qu'elle est devenue célèbre sous le nom de « Tankograd » (Tankville).
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Avec la reconstruction du pays après la guerre, la demande pour l'acier et la machinerie de Tcheliabinsk a augmentée. La région est également devenue un centre pour la recherche et la production d'armement nucléaire.
Mais cet essor industriel, technologique et militaire a eu un prix, et Tcheliabinsk est devenue réputée pour être l'une des villes les plus polluées de l'Union soviétique. En 1957, des déchets nucléaires stockés au complexe nucléaire Maïak, à environ 75 km au nord-ouest de Tcheliabinsk, ont explosés, causant ainsi l'une des pires catastrophes de ce type avant Tchernobyl.
Renaissance post-soviétique
Dans les années 90, Tcheliabinsk et son industrie lourde ont fait face à de graves difficultés financières. Les habitants ont noté sarcastiquement que, au moins, l'air était plus facile à respirer. La situation économique s'est ensuite redressée. L'usine métallurgique de Tcheliabinsk, appartenant à l'entreprise internationale Mechel, et l'usine de tracteurs de la ville, emploient à nouveau des milliers de personnes.
Le grand nombre d'établissements d'enseignement supérieur, avec en première ligne l'Université d'État du Sud de l'Oural et l'Université d'État de Tcheliabinsk, ont grandement participé à cette reprise économique. Tcheliabinsk est également le siège d'une métropole et d'un diocèse de l'Église orthodoxe russe. La ville de briques rouges animée que Prokoudine-Gorski a photographiée depuis la rivière Miass a réussi à concilier son patrimoine culturel et spirituel avec les évolutions contemporaines.
Au début du XXe siècle, le photographe Russe Sergueï Prokoudine-Gorski a mis au point un processus complexe pour la photographie couleur. Entre 1903 et 1916, il a voyagé au travers de l'Empire russe, et a pris plus de 2 000 photographies en utilisant ce processus, qui impliquait trois expositions sur une plaque de verre. Il a quitté la Russie en août 1918, et s'est finalement installé en France avec une grande partie de sa collection de négatifs sur plaque de verre. Après sa mort à Paris en septembre 1944, ses héritiers ont vendu la collection à la bibliothèque du Congrès américaine. Cette dernière a digitalisé la collection de Prokoudine-Gorski et l'a mise en libre-accès pour le public au début du XXIe siècle. Un grand nombre de sites internet russes en proposent désormais des versions. En 1986, l'historien de l'architecture russe et photographe William Brumfield a organisé la première exposition des photographies de Prokoudine-Gorski à la bibliothèque du Congrès américaine. À partir de 1970, Brumfield, travaillant alors en Russie, a photographié la majorité des sites visités par Prokoudine-Gorski. Cette série d'articles juxtaposera les vues de Prokoudine-Gorski sur les monuments architecturaux avec les photographies prises par Brumfield plusieurs décennies plus tard.
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