Run for Planet: courir pour sauver la forêt sibérienne, le pari fou d’une Française

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ERWANN PENSEC
Traverser le continent eurasiatique au pas de course et reboiser la Sibérie, tel est le défi de Run for Planet. Laure Ansart, présidente de cette association, a présenté à Russia Beyond cette initiative écolo-sportive visant à préserver l’un des biomes terrestres les plus essentiels.

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« Courir à pied sur de si incroyables distances, c’est se mettre à hauteur d’homme et être témoin des évolutions de notre planète », assure Laure Ansart, spécialiste en communication et présidente de l’association à but non lucratif Run for Planet.

Composé d’une dizaine d’individus aux profils des plus divers, ce collectif est à l’origine d’une idée aussi louable qu’ambitieuse : contribuer à la restauration des massifs forestiers de Sibérie avec, pour mise en lumière, un exploit sportif hors-norme. L’objectif ? Planter 15 millions d’arbres, soit le nombre de foulées nécessaires pour parcourir les 12 600 kilomètres séparant les deux extrémités du continent. Un projet d’envergure que les membres de l’équipe espèrent concrétiser en 2021, malgré un calendrier bouleversé par la crise sanitaire mondiale actuelle.

Aux racines de l’initiative

C’est en août 2019, à la suite d’un périple en Transsibérien, que cette audacieuse idée a germé dans l’esprit de Laure. Si cette experte en accompagnement de PME françaises sur le marché russe avait d’ores et déjà constaté un vif désir de ses partenaires locaux d’améliorer leurs performances environnementales, la situation alarmante des forêts de Sibérie, ravagées par des incendies d’une ampleur sans précédent l’été dernier, a fini de la convaincre d’agir.

Aussi, à son retour, a-t-elle proposé à Serge Girard, quadruple champion du monde de traversées transcontinentales et désormais président d’honneur de Run for Planet, qui désirait organiser une course à destination de Vladivostok depuis la France, d’associer son projet à une initiative de reforestation. Une suggestion ayant aussitôt plu à cet actif sexagénaire.

Ce dernier courra par conséquent sur plusieurs tronçons, mais c’est le sportif Christophe Vissant qui a toutefois été choisi pour accomplir la prouesse de fouler l’entièreté de l’itinéraire. La Russie, il la connait déjà, puisqu’ayant relié, en 2013 et toujours en courant, Marseille à Gorno-Altaïsk, dans le Sud de la Sibérie, soit 7 458 kilomètres en 108 jours.

Pour ce qui est de l’aspect écologique, l’association projette de reboiser pas moins de 34 000 hectares sur le sol sibérien. Cèdres, pins, hêtres, … Run for Planet compte bien évidemment respecter les essences locales, et ce, non pas en achetant des pousses, mais en cultivant les arbres directement depuis la graine, le tout, en collaboration avec les gardes forestiers.

« Notre contribution de 15 millions d’arbres est un "petit pas" pour la reforestation. Nous avons par ailleurs bien l’intention qu’il fasse boule de neige pour planter des centaines de millions d’arbres en Sibérie ces prochaines années », s’enthousiasme Laure.

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Où en est le projet ?

En pleine pandémie de coronavirus, le développement de cette initiative s’en retrouve cependant chamboulé. Ainsi, alors que l’association a été administrativement fondée fin février dans les Hauts-de-France, l’inauguration de son bureau de représentation à Moscou ne pourra se faire qu’une fois les frontières rouvertes, nous explique notre interlocutrice. Néanmoins, les choses avancent.

« Nos recherches concernant la plantation des arbres sont en plein essor en Russie. L’un de nos partenaires nous propose les 14 hectares nécessaires à la nurserie, à Saint-Pétersbourg et en Carélie, pour nos tests, avec la participation de scientifiques russes spécialisés dans les cultures du Grand Nord. Nous discutons avec les scientifiques d’Universités à Moscou, Tomsk et Krasnoïarsk pour les techniques de plantation des 15 millions d’arbres », poursuit Laure Ansart.

Et d’ajouter que les membres de Run for Planet bénéficient d’ores et déjà du soutien d’entreprises russes ainsi que des administrations françaises dans le pays. Le Ministère russe des Ressources naturelles et de l’Écologie a également été sollicité en vue d’un partenariat.

En outre, une première cagnotte citoyenne en ligne a été lancée afin de financer le placement en pépinière de 3 000 à 5 000 arbres. À ce jour, plus de 50% des 6 000 euros souhaités ont été récoltés.

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Urgence, ça brûle

Des arbres, la Sibérie en a effectivement bien besoin. Malgré son statut de plus vaste forêt au monde et sa couverture, en Russie, de près de 700 millions d’hectares (soit environ 13 fois la France métropolitaine), la taïga fait en effet ces dernières années face à plusieurs menaces.

Particulièrement médiatisés l’an dernier, les incendies s’y montrent d’année en année de plus en plus violents. Selon les données du Service aérien de protection forestière de Russie, si en 2016 les feux de forêt en Sibérie s’étaient étendus sur 2,5 millions d’hectares, en 2017, ce nombre se portait déjà à 4,5 millions, à 8,6 millions en 2018 et à 10 millions en 2019.

« Bien que les feux de forêt soient fréquents dans l’hémisphère nord entre mai et octobre, la latitude ainsi que l’intensité de ces incendies sont particulièrement inhabituelles. Les températures de juin dans les régions de Sibérie touchées par les pires incendies ont été de près de 10° supérieures aux moyennes enregistrées entre 1981 et 2000 », a déclaré à ce propos en juillet 2019 Claire Nullis, porte-parole de l’Organisation météorologique mondiale.

Un phénomène qui, amplifié par la déforestation dont l’ampleur alarmante est observable par vue satellitaire, n’est selon Laure Ansart pas prêt de s’atténuer : « Malheureusement, le climat a été particulièrement doux cet hiver dans l’hémisphère nord. Il est très probable que ces incendies de Sibérie fassent les gros titres à la fin du printemps 2020… », avance-t-elle au sujet de cet écosystème apparaissant pourtant comme l’un des principaux puits de carbone sur Terre.

« Je pense que la crise sanitaire actuelle est un signal d’alerte aux populations, qui facilite la prise de conscience collective. Nous ne pouvons pas continuer à dégrader la planète comme nous le faisons depuis des décennies. Cette dégradation, pour notre continent eurasiatique, nous en portons tous la responsabilité car nous en profitons tous sans trop nous poser de questions », conclut la fondatrice de Run for Planet qui, dès l’an prochain, espère, grâce à sa noble initiative, contribuer à inverser la tendance.

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