Comment l'Église orthodoxe russe lutte-t-elle contre le coronavirus?

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VICTORIA RYABIKOVA
Un ensemble de règles est apparu dans les églises afin de contenir l’épidémie de coronavirus. Cependant, tout le monde n’accepte pas de s’y plier…

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À la mi-mars, alors que plus de 50 cas de coronavirus avaient déjà été enregistrés en Russie, des dizaines de personnes se sont entassées entre les murs d'une petite église en bois dans le nord de la capitale - l'icône miraculeuse de la Mère de Dieu de Lokot avait été amenée de la région de Briansk pour la première fois. Des hommes et des femmes ont fait la queue pendant des heures pour l'embrasser, comme le veut la tradition.

L'assistant de l'évêque du diocèse de Jeleznogorsk (région de Koursk), Iouri Chichkov, a assuré que l'icône aidait dans le traitement de l'oncologie et de l'infertilité. Et l'une des paroissiennes, Lioudmila, a déclaré avec confiance dans des propos cités par les médias : « Le coronavirus ne se glissera pas entre les baisers. En général, je pense qu'il est impossible de s'infecter dans l'église, et encore plus avec une telle icône ! ».

Deux jours plus tard, le 16 mars, le maire de Moscou, a publié un décret interdisant les manifestations de masse de plus de 50 personnes. Des mesures similaires ont été introduites à Saint-Pétersbourg. En quelques jours, le nombre de cas en Russie est passé à plus de 300 personnes. Comment les nouvelles circonstances ont-elles affecté l'Église orthodoxe russe et qu'est-ce qui a changé dans les services en Russie ?

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Reliques et désinfection

Le 10 mars, une infime partie des reliques de Jean-Baptiste a été exposée à la cathédrale Notre-Dame-de-Kazan à Saint-Pétersbourg. Pendant sept jours, 70 000 personnes se sont prosternées devant les reliques. À l'entrée du lieu saint, il y avait des antiseptiques et des désinfectants, et un volontaire essuyait périodiquement la surface de la boîte contenant les reliques. Personne n'a renoncé à les embrasser, mais certains l’ont fait sans retirer leur masque.

Des innovations dans le processus de baiser aux reliques sont apparues grâce aux nouvelles règles de l'Église orthodoxe russe approuvées par le patriarche de Moscou et de toute la Russie Cyrille.

Le document propose :

- d’effectuer uniquement des baptêmes individuels avec désinfection des cuves ;

pour l'onction, d’utiliser un coton-tige et une serviette en papier;

de traiter régulièrement avec des solutions désinfectantes les icônes que les paroissiens embrassent ;

après chaque participant, d’essuyer la surface avec un « tissu imbibé d'alcool puis le tremper dans de l'eau qui sera ensuite jetée ».

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De plus, les paroissiens ne peuvent pas embrasser la main du prêtre ni embrasser le crucifix et le calice lors de la confession.

Le clergé lui-même doit se désinfecter les mains toutes les deux heures, aérer régulièrement les temples et mesurer également la température du corps avant chaque début de journée de travail.

Enfin, les prêtres doivent « expliquer à leurs ouailles que l'accomplissement des exigences et des restrictions imposées doit être compris comme le respect des paroles de la Sainte Écriture : "Ne tentez pas le Seigneur votre Dieu" ».

Pas uniquement l'Église orthodoxe russe

Responsable de l'archidiocèse catholique de la Mère de Dieu, à Moscou, l'archevêque Pavel (Paolo) Pezzi a également publié des recommandations sur la prévention du coronavirus pour les prêtres.

Les recommandations disent que les églises doivent être pourvues de désinfectants, et lorsque la messe est célébrée, les prêtres doivent « arrêter la communion et prendre soin de se nettoyer les mains avec un désinfectant » si les doigts touchent les lèvres d’un participant. Il faut rappeler aux ouailles les notions d'hygiène et aux prieurs qu'il est possible de participer à la communion en dehors de la messe. Les recommandations seront valables jusqu'au 3 avril 2020.

Les prêtres des monastères bouddhistes en Russie incluront dans leurs services des prières pour la protection contre les coronavirus, et un nettoyage humide sera effectué dans les lieux de culte. De plus, les temples effectuent souvent une fumigation avec une composition bouddhiste antiseptique.

L'administration spirituelle des musulmans de Russie, à son tour, a recommandé de suspendre les prières collectives cinq fois par jour et le vendredi, et d'organiser une lecture individuelle des cinq prières quotidiennes par l'imam de service.

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Violer les règles au nom de la foi

Malgré les nouvelles instructions, certains croyants préfèrent combattre le coronavirus avec leurs propres méthodes. Le 18 mars, le chef du district de Kirov dans la région de Léningrad, Andreï Gardachnikov, a expliqué n’avoir « pas pu tenir » et avoir organisé une procession. Il en a parlé sur Instagram.

Quelques heures plus tard, les commentaires sous le message concernant l'annonce de la procession religieuse ont été fermés et le lendemain, Gardachnikov a expliqué pourquoi l'événement devait avoir lieu.

« La procession n'est pas seulement une forme de prière commune, mais aussi une puissante médecine spirituelle, à laquelle nos ancêtres pieux avaient recours à la fois pendant les fêtes et pendant les épidémies et les pestes. La procession consacre la zone à travers laquelle elle passe, l'air lui-même et, bien sûr, les personnes qui y participent. Parce que là où est le Christ, il ne peut y avoir d'impureté », a écrit le chef de district.

La traditionnelle procession religieuse de Pâques aura également lieu à Volgograd. Le métropolite de Volgograd et Kamychinsk Theodore croit dans la nécessité de processions religieuses même pendant la pandémie de coronavirus.

« Nous connaissons de nombreux exemples où de telles maladies infectieuses se sont arrêtées lors d’une procession avec l'icône de la Mère de Dieu. Par conséquent, le cortège ne doit pas être considéré uniquement comme un groupe de personnes réunies en un seul endroit, mais comme purification », a déclaré le métropolite.

Des processions quotidiennes auront lieu dans le centre de Moscou. Ceci a été annoncé sur Instagram par le gouverneur du monastère Vyssoko-Petrovski de Moscou, l’higoumène Piotr (Eremeïev).

De son côté, l’archidiacre de l'Église orthodoxe russe Andreï Kouraïev a toutefois appelé les Russes à renoncer à participer aux processions religieuses.

« Dans un certain nombre d'autres domaines, de tels événements ont déjà été annulés, car il y a un danger lors de telles réunions de personnes. (...) Même si le cortège a lieu, il y aura une image télévisée, un message d'actualité, beaucoup de gens diront : "Pourquoi mettez-vous des gens en danger ?". Il vaut mieux exclure de tels événements, il est plus facile de donner l’exemple avec votre prière »,a déclaré Kouraïev.

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