Opinion: Je hais les gens dans le métro de Moscou

Komsomolskaya Pravda/Global Look Press
Nous vous parlons souvent de ce qu’il se fait de mieux dans notre pays. Mais quel intérêt de ne pas aller au-delà? Aujourd’hui, permettez-moi de sortir des sentiers battus et d’expliquer pourquoi rien ne me donne plus envie de déménager dans une autre ville que les utilisateurs du métro moscovite.

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Hommes, femmes, enfants, chacun pour sa pomme

La station Novokouznietskaïa – non loin des bureaux de Russia Beyond – est une structure sphérique avec une entrée, une sortie et une dizaine de distributeurs de tickets. Franchement, vous ne voulez pas être dans les parages vers 18h. Deux options s’offrent à vous : quittez votre travail à 17h30 ou attendez au moins 19h. Sinon, préparez-vous à passer au hachoir, car lorsque l’on regarde depuis nos bureaux du cinquième étage, l’on a réellement l’impression que de la viande hachée passe les portes de la station.

Pour être honnête, les Russes ont toujours construits des espaces urbains incitant au chaos et aux incivilités. Le Japon en est le contre-exemple : peu importe l’espace disponible, les Japonais adorent faire la queue tout en restant scotchés sur leur téléphone pour passer le temps. Mais quand les Russes tentent de se frayer un chemin vers le métro en heure de pointe, on dirait une scène de The Walking Dead. C’est comme si chacun s’engageait dans une course contre la montre, piétinant les autres pour atteindre le distributeur de tickets. Le concept de queue est ici inexistant, tout autant qu’aux intersections routières encombrées du pays, qui laissent penser que quelqu’un a tout simplement hacké le système des feux tricolores.

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Maximiser l’espace disponible, même si plus personne ne peut respirer

Il faut ensuite faire la queue pour entrer dans la rame, et si vous avez de la chance de l’attendre là où s’ouvriront les portes, il vous restera toujours un point à régler : respirer. Alors que dans le wagon, l’alimentation en oxygène chute à des niveaux martiens, trois à cinq personnes supplémentaires se pressent dedans, se collant à vous, étouffant votre cage thoracique, tout en vous faisant respirer leur haleine fétide.

Seule une personne ayant déjà vécu ici peut comprendre pourquoi je préfère attendre le prochain train, c’est un reste de mon éducation soviétique. Jamais l’on ne nous a enseigné à considérer l’espace personnel d’autrui, car c’est un luxe inutile.

Pintades et autres animaux fantastiques

Une autre tendance, que j’ai pu observer dans le métro moscovite, me rend vraiment fou : vite, vite, tu te dépêches de me doubler, pour te mettre juste devant moi, à mon niveau, et ensuite ralentir la cadence. Sérieux ? Tu passes tout ce temps à me doubler et maintenant tu marches plus lentement que moi ? Comment ça a pu te venir à l’esprit de venir te mettre dans mes pattes ?

Savez-vous aussi qui fait cela ? Un oiseau originaire d’Afrique, la pintade. Ce volatile bleuté avec des taches blanches et une crête est vraiment des plus curieux : vous roulez sur une piste, et là, cette créature n’a pas les capacités cognitives suffisantes pour simplement bifurquer et sauver sa vie. Avec une détermination qui lui est propre, elle préfère continuer à courir tout droit comme une flèche, comme si elle venait de déclencher des explosifs C-4 et qu’elle devait absolument quitter le bâtiment avant qu’il n’explose. Mais, au moins, elle court la pintade. Les Russes, eux, vous doublent, et font en sorte que vous marchiez au même rythme que le leur.

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C’est la même chose dans la rame. Vous signaler être prêt à sortir en vous positionnant devant la porte, et là, des Russes de tout âge, de tout sexe, se placent entre vous et la porte.

« Retire-toi de mon chemin ! »

Maintenant, au tour de ces dames. Vous allez sans doute me détester pour ça, mais le métro moscovite rendra n’importe quel homme sexiste.

Pendant que l’Occident se dirige vers le triomphe du féminisme, nous sommes ici au royaume des preux chevaliers et des gentes dames.  Dès leur plus tendre enfance on répète aux filles qu’elles sont des princesses et qu’elles peuvent faire tout ce qu’elles désirent, y compris ralentir tous les passagers quand elles utilisent WhatsApp.

Vous les remarquerez facilement, c’est celles qui en général obtiennent une note d’au moins 8/10 pour le style.

À force de trajets dans le métro, j’en suis arrivé à ébaucher une théorie : les femmes de 17-33 ans sont des chefs d’entreprise qui signent des contrats à six zéros tous les jours. Comment expliquer que neuf fois sur dix, lorsqu’une vingtaine de personnes tentent d’en dépasser une autre sans succès, il s’agit toujours d’une femme avec un smartphone. Seule une personne sur le point d'étendre ses activités minières à la Chine pourrait être tellement plongée dans sa conversation que les bruits de pas bruyants derrière elle n'auraient aucun effet. Mais, je m'écarte du sujet....

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Le pire est à venir

Depuis environ 2011, la construction de nouvelles stations va bon train. En 2018, 17 nouvelles stations, en 2019, 10. Certaines lignes se développent jusqu’à des villages en banlieue, ce qui décuple la fréquentation du métro.

Moscou est en pleine expansion, et les gens vont devoir faire attention à leur tour de taille : les appartements sont plus petits, les centrales électriques sont en surrégime, les routes rétrécissent, la circulation est comparable à celle de Los Angeles, c’est la gentrification à tout va, les loyers explosent. Et dans tout cela, le métro a du mal à tenir la route. Bientôt, on va avoir des fermiers avec leurs fourches, leur foin et leurs chèvres qui poseront leurs cornes sur les sièges réservées aux femmes enceintes et aux personnes âgées.

En 2017, le service public a annoncé qu’il fallait « éviter les métro aux heures de pointe, sauf nécessité absolue ». Malheureusement, c’est pile le moment où on pourrait rester bloqués dans les bouchons pendant des heures.

La ville est comparable à Pékin ou Londres, simplement en une version moins bien organisée quand on en vient aux flux de passagers effectuant un changement entre deux stations.

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Mais nous ne sommes pas forcément impuissants face à ces changements. Les Russes sont très adaptables. De mon point de vue, Il suffit juste d’être plus respectueux dans l’espace public. Cet article est un texte d’opinion donc vous êtes maintenant libre de retourner aux articles qui encensent « l’âme russe », mais laissez-moi tout de même terminer avec une dernière pensée : Moscou peut paraître la PIRE capitale du monde, un qualificatif que les habitants de Los Angeles, Londres ou Paris n’hésiterons pas à attribuer à leur ville. Voilà pourquoi la gentillesse spontanée des Russes m’est si chère, elle élève nos esprits, nous inspire, parce qu’elle est malheureusement trop rare. La densité urbaine nous rend mauvais, c’est dommage.

Si cette opinion ne vous a pas fait fuir, découvrez ici en vidéo la station souvent considérée comme la plus somptueuse du métro moscovite.

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