Cinq questions sur le «dégel» de Khrouchtchev en URSS

Valentin Sobolev/TASS
Le «dégel», c’est ainsi que l’on désigne la période durant laquelle Nikita Khrouchtchev a dirigé l’URSS. C’est l’ère des tentatives de corriger les erreurs du totalitarisme de Staline.

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Qu’est-ce que «le dégel»?

Le « dégel » a été une période dans l’histoire de l’Union soviétique caractérisée par la libéralisation partielle de la vie politique et publique, la déstalinisation systématique, la réhabilitation des victimes du régime stalinien, la transition du totalitarisme à une dictature douce, l’assouplissement de la censure et un certain niveau de liberté créative.

Le début du « dégel » peut être attribué au 25 février 1956, lorsque Nikita Khrouchtchev a présenté son discours intitulé « Du culte de la personnalité et de ses conséquences » pour le XXe congrès du PCUS (Parti communiste de l’Union soviétique). Il y a instamment dénoncé le culte de la personnalité de Staline et de nombreux aspects de sa politique.

Ce faisant, Khrouchtchev a eu l’intention de réorganiser le système politique et de reconstruire la confiance des gens dans le Parti. Malgré les libertés établies, l’État a maintenu le contrôle sur tous les processus de la société soviétique.

Le « dégel » a été caractérisé par des contradictions extrêmes. L’ouverture au monde et le désir de normaliser les relations avec l’Ouest allaient par exemple de pair avec la répression de l’insurrection de Budapest contre l’autorité soviétique en 1956, tandis que la discussion sur la libéralisation culturelle et intellectuelle a coïncidé avec la fusillade des ouvriers descendus dans les rues à Novotcherkassk en 1962 et la campagne antireligieuse à grande échelle.

D’où le mot «dégel» vient-il?

Ilya Ehrenbourg

Le terme politique « dégel » a été emprunté au roman homonyme sur la vie de l’intelligentsia ouvrière et créative dans une ville provinciale, écrit par Ilya Ehrenbourg. L’auteur l’a publié en 1954, deux ans avant le fameux « discours secret » prononcé par Khrouchtchev lors du XXe congrès du Parti.

Ehrenbourg a commencé le travail sur son œuvre juste après la mort du « petit père des peuples ». Il y a prudemment exprimé l’idée des changements imminents en URSS. « J’ai voulu montrer à quel point les événements historiques marquants affectent la vie des habitants d’une petite ville et transmettre mon sentiment de dégel, mes espoirs… », a-t-il écrit plus tard dans ses mémoires.

Khrouchtchev appréciait très peu que la période de son règne soit appelée ainsi. Selon lui, ce mot était associé avec la neige boueuse.

Toutefois, après sa démission, à la fin de sa vie, il a changé d’avis et a admis que ce surnom était en fait pertinent.

Comment le «dégel» a-t-il impacté la société soviétique?

Passagers du métro de Moscou

Le processus de déstalinisation et de libéralisation partielle initié par les autorités a impacté tous les aspects de la société soviétique.

L’on a assisté à un assouplissement de la censure dans le domaine de la littérature. Le peuple a obtenu la possibilité de lire la poésie, auparavant bannie, d’Ossip Mandelstam, de Constantin Balmont et de Marina Tsvetaïeva, ainsi que le roman Le Maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov. Le roman court Une journée d’Ivan Denissovitch d’Alexandre Soljenitsyne, qui décrit la vie d’un prisonnier de camp correctionnel de travail, est sorti en 1962.

De jeunes auteurs étaient publiés dans le magazine libéral Novy Mir (Nouveau monde), et la poésie a joui d’un regain de popularité fulgurant. Des poètes tels qu’Evgueni Evtouchenko et Andreï Voznessenski ont littéralement rempli des stades entiers du public qui souhaitaient découvrir leur œuvre.

Pendant le « dégel », un grand nombre de gens a commencé à découvrir les romans d’auteurs étrangers (notamment Erich Maria Remarque et Ernest Hemingway), ou encore la musique étrangère. En 1962, la tournée de l’orchestre de jazz américain de Benny Goodman a connu un grand succès dans le pays.

Dans le monde du cinéma, des grands dirigeants et des révolutionnaires ardents ont été remplacés par des gens ordinaires qui avaient leurs propres problèmes et aspirations. Par exemple, dans le film de Gueorgui DanieliaJe m’balade dans Moscou (1963), les protagonistes ne réalisent pas d’exploits héroïques, mais flânent simplement au gré de la capitale.

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Dans l’architecture, le somptueux style Empire stalinien avec ses bas-reliefs et des colonnes a cédé sa place au profit de la construction d’immeubles de quatre étages au design standardisé.

Khrouchtchev a annoncé aux architectes déçus : « Les gens ont besoin d’appartements. Ils n’ont pas besoin d’admirer des silhouettes, mais de vivre dans des maisons ! ».

Qui étaient les «soixantards»?

Poètes soviétiques Boulat Okoudjava, Andreï Voznessenski, Robert Rojdestvenski et Evgueni Evtouchenko

Les changements fondamentaux de la société ont mené à l’apparition de l’intelligentsia soviétique connue sous le nom de « soixantards ». Ils croyaient en l’humanisme, en la liberté créative, la liberté d’expression et les droits humains à la vie privée.

Les « soixantards » évoluaient avant tout dans les rangs des artistes, des acteurs, des poètes, des écrivains, des musiciens etc. Ils organisaient des réunions dans des appartements et pouvaient passer des nuits à discuter de la culture, du rôle de l’État ou simplement du sens de la vie.

Malgré le fait que certains d’entre eux sont devenus des opposants aux autorités soviétiques, la majeure partie des « soixantards » croyaient aux idéaux du communisme. Ils proposaient de parvenir à ce modèle politique par le bais de réformes démocratiques modérées.

Quand et pourquoi le «dégel» a-t-il pris fin?

Printemps de Prague

Les autorités n’ont jamais laissé au « dégel » la chance d’aboutir pleinement et ont toujours maintenu un contrôle non ambigu sur les processus sociétaux. Une blague antisoviétique suffisait à traîner quelqu’un devant les tribunaux.

Khrouchtchev a affirmé que « décidant d’initier le "dégel" en y venant délibérément, la direction de l’URSS, y compris moi même, craignait en même temps que cela ne mène à l’inondation qui pourrait nous engloutir et qui serait difficile à gérer… Nous avions peur de perdre les opportunités précédentes de diriger le pays en freinant la poussée des sentiments non souhaitables du point de vue de la direction ».

La prise de pouvoir par Léonid Brejnev en 1964 a marqué le début de répressions vigoureuses contre la dissidence et d’une censure plus stricte. Dès un an plus tard, des procédures judiciaires ont par exemple commencé à l’encontre des écrivains Andreï Siniavski et Iouli Daniel, accusés de propagande antisoviétique.

L’organisation de jeunes poètes SMOG (un acronyme composé de Smelost’, Mysl’, Obraz et Gloubina – Courage, Pensée, Image et Profondeur), fondée en 1965, a, dès l’année suivante, connue une fin prématurée. Elle a été dissoute après son refus de se soumettre à la juridiction des autorités de l’État ; son leader, Leonid Goubanov, a quant à lui été envoyé en hôpital psychiatrique pour subir un traitement forcé.

La fin du « dégel » est associée à la répression de la période de libéralisation de la Tchécoslovaquie en 1968, aussi connue sous le nom de Printemps de Prague. De nombreux« soixantards » ont soutenu les Tchécoslovaques, ce qui leur a valu d’être à leur tour soumis à des répressions et les a poussé à rejoindre le mouvement dissident. La soi-disant « période de stagnation » a alors commencé dans le pays.

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