Huit Américains devenus lauréats du Prix d’URSS pour la paix

Histoire
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À l'époque de Staline, les dirigeants soviétiques ont décidé de décerner un prix honorifique de la paix à des étrangers, quelles que soient leurs opinions politiques. Tout au long de son existence, cette distinction a été remise, entre autres, à ces citoyens américains.

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Le prix international « Pour la consolidation de la paix entre les peuples » était l'un des plus prestigieux de l'Union soviétique. Il a été institué en 1949 et, jusqu'en 1955, il s'appelait prix Staline pour la paix, mais après le démantèlement du culte de la personnalité du leader, il a été rebaptisé du nom de Lénine.

Chaque année, le prix était décerné à 5-10 citoyens de n'importe quel pays du monde, « indépendamment de leurs différences politiques, religieuses ou raciales, pour des services distingués dans la lutte contre les bellicistes et pour le renforcement de la paix ». Le lauréat recevait une médaille, un diplôme et une récompense en espèces (environ 25 000 dollars au taux de change de ces années-là). Un comité spécial décidait de l'attribution du prix.

Arthur Moulton en 1950

Moulton (1873-1962) était un évêque protestant et un activiste social. En tant que prêtre ordinaire, il a participé à la Première Guerre mondiale, servant comme aumônier dans l'artillerie de campagne et dans un hôpital militaire en France. Après le conflit, il a repris la chaire en tant qu'évêque dans l'Utah, aux États-Unis, mais s'est retiré en 1946 pour travailler à la paix dans le monde. Il a par la suite refusé la récompense en espèces du prix Staline, déclarant que « la seule récompense que je souhaite obtenir en œuvrant pour la paix est la paix ».

Par ailleurs, en 1950, l'URSS a décerné le même prix à un autre grand ecclésiastique, le prieur de la cathédrale de Canterbury, en Angleterre, Hewlett Johnson, qui était considéré comme un grand ami du pays et un partisan des idées du communisme.

Paul Robeson en 1952

Le chanteur et acteur afro-américain Paul Robeson (1898-1876) était un combattant acharné de la ségrégation raciale aux États-Unis et avait une grande sympathie pour l'Union soviétique, affirmant qu'il n'y avait pas de préjugés raciaux en URSS car il s’agissait d’un pays multiethnique. En raison de cette position, Robeson a reçu beaucoup d'attention de la part du FBI et, plus tard, ses concerts ont été interdits aux États-Unis.

En 1934, Paul s’est rendu à Moscou à l'invitation du réalisateur soviétique Sergueï Eisenstein pour jouer dans un projet portant sur le racisme aux États-Unis ; projet ayant cependant échoué. « Ici, pour la première fois de ma vie, je marche en toute dignité humaine. Vous ne pouvez pas imaginer ce que cela signifie pour moi en tant que noir », a cité Scott Nollen, son biographe, selon les propos de Robeson à Moscou. En 1949, il est à nouveau venu en URSS pour une tournée et a même interprété des chansons en russe.

Au début des années 1950, Robeson a été inscrit sur la « liste noire d'Hollywood » pour ses convictions anti-américaines et a été interdit de séjour à l'étranger. En revanche, en 1952, l'URSS lui a décerné le prix Staline pour la paix.

À la mort de Staline, il a écrit un article émouvant faisant l'éloge de sa politique d'« amitié des peuples ». Le chanteur américain a également visité l'URSS plus tard : en 1958, il a donné des concerts en URSS, est apparu à la télévision et a rencontré le public soviétique.

Howard Fast en 1953

Le père de l'écrivain américain Howard Fast (1914-2003) était originaire de l'Empire russe. Critique de la haine raciale et membre du Parti communiste américain, Fast a passé un certain temps en prison pour ses « activités anti-américaines », où il a commencé à écrire son célèbre roman Spartacus, sur une ancienne révolte d'esclaves. Il sera plus tard adapté par Stanley Kubrick et deviendra l'un des films étrangers les plus populaires de tous les temps en URSS.

En 1953, Fast a reçu le prix Staline pour la paix et ses romans ont été largement publiés dans les journaux soviétiques et dans de nombreuses langues de l'URSS. Cependant, il a ensuite changé d'attitude à l'égard de la politique soviétique et a été relégué aux oubliettes dans le pays.

Lire aussi : Pourquoi l’URSS sermonnait-elle les États-Unis sur l’égalité raciale?

William Du Bois en 1959

L'activiste social et auteur William Du Bois (1868-1963) a été le premier Afro-Américain à recevoir un doctorat de l'Université Harvard, en 1895. Au début du XXe siècle, il a fondé l’Association nationale pour la promotion des gens de couleur et a également soutenu la croisade américaine contre le lynchage, initiée par Paul Robeson.

Du Bois a visité l'Union soviétique à de nombreuses reprises et avait des opinions de gauche, ce qui lui a valu d'être soupçonné de travailler pour les services secrets soviétiques, mais l’idée d’un procès a été abandonnée et Du Bois a été défendu par des personnes influentes, dont Albert Einstein, qui soutenaient son association. En 1959, l'Union soviétique lui a décerné le prix Lénine pour la paix et, en 1961, il a rejoint le Parti communiste des États-Unis. Il a ensuite émigré au Ghana et renoncé à la citoyenneté américaine, désillusionné par le pays.

Cyrus Eaton en 1960

Cyrus Eaton (1883-1979) était un entrepreneur américain d'origine canadienne qui a fait fortune dans l'industrie du gaz et de l'acier. Dans les années 1950, il était à la recherche d'opportunités commerciales en URSS – il s'est rendu plusieurs fois dans le pays et a rencontré Nikita Khrouchtchev. Pour acheter du minerai de chrome à la RSS du Kazakhstan, Eaton a dû enregistrer une nouvelle société au Canada, car au plus fort de la guerre froide, une société américaine n’aurait pas été autorisée à commercer avec l'URSS.

Eaton a tenté d'établir des liens entre l'Amérique et l'Union soviétique et a préconisé un désarmement mutuel. Il a également parrainé la première conférence du Mouvement Pugwash, à laquelle trois professeurs soviétiques ont été invités. Cyrus a finalement reçu le prix pour la paix en 1960. Après cela, il a essayé d'investir dans des projets soviétiques – en construisant un gazoduc à travers la Sibérie et plusieurs gratte-ciel à Moscou, par exemple. Toutefois, ces projets ambitieux ne se sont jamais concrétisés.

Rockwell Kent en 1967

L'artiste Rockwell Kent (1882-1971) était un socialiste et, à ce titre, il n'était que peu apprécié aux États-Unis. En URSS, cependant, pour la même raison, il est devenu très populaire et s’est vu confier la mission honorable de diriger le Conseil national de l'amitié américano-soviétique (il a occupé ce poste de 1957 à 1971).

Le réalisme de la peinture de Kent n'intéressait plus les Américains, mais correspondait tout à fait à l'esthétique de l'art officiel soviétique. Dans les années 1960, le peintre a fait don de nombre de ses toiles au peuple soviétique, ce qui lui a valu d'être nommé membre honoraire de l'Académie soviétique des arts. De plus, en 1967, il a reçu le prix Lénine pour la paix, dont une partie de la récompense financière a été dépensée par Kent pour des œuvres de charité.

Linus Pauling en 1970

Avant de recevoir le prix soviétique pour la paix, le chimiste américain Linus Pauling (1901-1994) avait été récompensé par deux prix Nobel, celui de chimie en 1954 et celui de la paix en 1962. Pauling est connu dans le monde entier comme un scientifique dont les intérêts de recherche allaient de la mécanique quantique à la biologie moléculaire (il est considéré comme l'un des fondateurs de cette discipline). Il a également été un vulgarisateur et un promoteur actif de la science, ainsi que des relations scientifiques internationales.

Pauling était en outre actif dans les affaires publiques. Il s'est élevé contre la prolifération des armes nucléaires, prouvant leur impact négatif sur l'atmosphère et le danger pour les générations futures. C'est cette lutte pour la paix qui a été louée sous Brejnev, même si, dans les années 1950, l'URSS avait critiqué ses idées chimiques « bourgeoises » et « pseudo-scientifiques ».

Angela Davis en 1979

La communiste noire Angela Davis (née en 1944) était incroyablement populaire en URSS. Afro-Américaine, militante des droits de l'homme, de gauche, elle était une idole pour de nombreux citoyens soviétiques. Lorsqu'en 1970, elle a été arrêtée et emprisonnée pour conspiration et participation à une prise d'otages et à un meurtre, le slogan « Liberté pour Angela Davis ! » a été largement diffusé en Union soviétique et des enfants du pays lui ont écrit des lettres alors qu’elle séjournait en prison.

Après sa libération, Davis s'est rendue en URSS à plusieurs reprises, rencontrant des admirateurs, participant à des réunions du mouvement des femmes soviétiques et se produisant au Festival de la jeunesse. Avant d’être lauréate du prix pour la paix en 1979, elle avait reçu une médaille à l’occasion de l’anniversaire de Vladimir Lénine et le titre de docteur honoris causa de l'Université de Moscou en 1972.

Dans cet autre article, découvrez l’incroyable destin d’un descendant d'esclaves américains ayant fait fortune dans la Russie impériale.

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