«Nous vous enterrerons»: que voulait dire Nikita Khrouchtchev?

Russia Beyond (Photos : Bettmann/Getty Images; Pixabay)
Le numéro un soviétique, qui n’y allait pas de main morte dans le choix de ses expressions et ses discours passionnés, a parfois choqué le monde avec certaines déclarations pouvant être perçues comme une menace nucléaire ou une annonce de guerre… Mais, en réalité, tel n’était pas le cas.

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Avant de devenir premier secrétaire du Comité central du Parti communiste de l'Union soviétique (en bref, le numéro un soviétique), Nikita Khrouchtchev a construit sa carrière politique étape par étape à partir du bas. Né dans une famille de mineurs du sud de la Russie, c’était un homme du peuple. Simple, il utilisait un langage très populaire qui ne répondait pas à l’étiquette de la diplomatie et choquait parfois les gens du monde entier.

Nikita Khrouchtchev et Fidel Castro assistent à un événement sportif

Khrouchtchev était célèbre pour ses propos excentriques et son comportement très franc, que d’autres personnalités politiques d'un rang aussi élevé ne se seraient jamais permis. Des mythes et fausses nouvelles à son sujet se sont largement répandus - comme le geste consistant à frapper avec une chaussure lors d'un discours à l'Onu, qui en réalité ne s'est jamais produit.

Il y a eu un autre épisode célèbre - lorsque Khrouchtchev a promis à Nixon « de montrer la mère de Kouzma ». Le dirigeant soviétique a utilisé un proverbe populaire (en déformant un peu son sens) ce qui a mis en émoi les traducteurs et ses interlocuteurs.

Ce que Khrouchtchev n'a jamais hésité à faire, c'est d’affirmer les ambitions soviétiques consistant à concurrencer l'Occident. Il n’y est pas allé de main morte dans le choix des expressions et l'une d'elles était assez étrange : « Nous vous enterrerons ».

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Quand l’a-t-il prononcée ?

Quand, au beau milieu de la guerre froide, un dirigeant puissant dit « Nous vous enterrerons », cela ne peut pas manquer de susciter une énorme attention internationale. Et Khrouchtchev a joué la provocation en prononçant ces mots devant un groupe d'étrangers.

Le 26 novembre 1956, lors d’une réception de diplomates occidentaux, Khrouchtchev a pris la parole. Time Magazine a qualifié ses manières de « pugnaces » et a écrit que Khrouchtchev, décrit comme « trapu », avait tenu « un discours immodéré qui trahissait autant qu'il menaçait ». Au cours de son discours, plusieurs diplomates ont quitté la salle.

Son discours était une réponse aux affirmations occidentales sur la présence de troupes soviétiques en Hongrie et dans d'autres pays d'Europe de l'Est. « Ils nous accusent d'ingérence dans les affaires intérieures de la Hongrie. Ils trouvent les mots les plus effrayants pour nous accuser. Mais quand les Britanniques, les Français et les Israéliens égorgent les Égyptiens, ce n'est qu'une action de police visant à rétablir l'ordre ! », a-t-il dit.

« Vous dites que nous voulons la guerre, mais vous vous êtes mis dans une position que je qualifierais d'idiote, a-t-il déclaré, défendant l'agenda soviétique. Mais nous ne voulons pas en tirer profit. Si vous retirez vos troupes d'Allemagne, de France et de Grande-Bretagne - je parle des troupes américaines - nous ne resterons pas un jour de plus en Pologne, Hongrie et Roumanie. »

Ce discours long et marquant s'est cependant a été repris dans les médias occidentaux de manière sarcastique et la phrase « Nous vous enterrerons » a été sortie de son contexte, faisant les gros titres.

En réalité, évoquant les « États capitalistes », Khrouchtchev a commencé son discours en affirmant que « nous sommes des bolcheviks » et a déclaré : « Que cela vous plaise ou non, l'histoire est de notre côté. Nous vous enterrerons ! ».

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Qui enterrera qui ?

Avec J. F. Kennedy

Les Américains considéraient la phrase de Khrouchtchev comme une menace, voire une menace de guerre nucléaire, et semblaient véritablement inquiets. Plus tard, lors de la visite de Khrouchtchev aux États-Unis en 1959, le maire de Los Angeles de l'époque, Norris Poulson, a déclaré à Khrouchtchev : « Nous ne sommes pas d'accord avec votre phrase largement citée "Nous vous enterrerons". Vous ne nous enterrerez pas et nous ne vous enterrerons pas. Nous sommes satisfaits de notre mode de vie. Nous reconnaissons ses lacunes et essayons toujours de l'améliorer. Mais si nous sommes mis au défi, nous nous battrons jusqu'à la mort pour le préserver. »

La phrase a été chantée par Sting dans sa célèbre chanson Russians de 1985 qui contient les paroles suivantes :

En Europe et en Amérique, il y a un sentiment croissant d'hystérie

Conditionné pour répondre à toutes les menaces

Dans les discours rhétoriques des Soviétiques

  1. Khrouchtchev a dit « nous vous enterrerons »

Je ne souscris pas à ce point de vue

Ce serait une chose si ignorante

Si les Russes aiment aussi leurs enfants.

L'incompréhension massive du contexte a conduit les gens à penser que les Soviétiques tueraient et enterraient tous les Américains, ce qui n'est certainement pas ce que Khrouchtchev voulait dire. S'exprimant plus tard en 1959 en Yougoslavie, Khrouchtchev a répété sa propre phrase et a commenté qu'il ne voulait pas dire creuser une vraie tombe avec une pelle. « Ce que j'avais en tête, c'était les perspectives d'évolution de la société humaine. Le socialisme succèdera inévitablement au capitalisme », a-t-il déclaré.

Ce qu'il voulait dire, c'est que les bolcheviks et plus largement - le communisme - survivraient, tandis que le capitalisme était voué à l'effondrement. Ce n'était pas une idée propre à Khrouchtchev et absolument pas une menace envers l'Occident. Khrouchtchev paraphrasait Karl Marx, qui avait l'habitude de dire que le prolétariat était le « fossoyeur » du capitalisme.

À la tribune de l'Onu

Parfois, les gens se trompent en pensant que la phrase « Nous vous enterrerons » n'a été prononcée que lors du discours de Khrouchtchev à l'Onu en 1960. C’est faux, cependant, il a une nouvelle fois utilisé cet idiome.

« Parlons, discutons, mais réglons les questions du désarmement général et complet et enterrons le colonialisme maudit de toute l'humanité », a-t-il martelé.

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