Pont Alexandre III de Paris, symbole et témoin de l’amitié franco-russe

Histoire
IRINA DOUBOVA
Le pont Alexandre III, au cœur de Paris, n’a de cesse d’émerveiller touristes et locaux par son faste inégalé. Pourtant, certainement nombreux sont ceux à l’emprunter sans connaître l’origine de son édification. Russia Beyond fait donc la lumière sur ce symbole architectural de l’amitié franco-russe.

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Situé dans le 8earrondissement de Paris, reliant les Invalides et l’avenue Winston Churchill, le pont Alexandre III est un lieu emblématique de la capitale pour maintes raisons. Parmi les 37 ouvrages permettant de traverser la Seine, celui-ci est considéré comme le plus beau et est prisé de tous pour sa décoration si détaillée et son génie d’ingénierie. Toutefois, l’histoire de cette construction d’une longueur totale de 160 mètres pour une largeur de 45, ne mérite pas moins d’attention que son côté esthétique. Ce pont portant le nom d’un empereur russe est en effet un symbole de l’amitié entre les deux pays qui s’est développée à la fin du XIXe siècle.

Deux alliés, deux ponts

Comme toute alliance, celle-ci a certes eu des prémisses historiques, d’ailleurs non les plus radieuses : d’un côté, la France n’ayant pas supporté l’humiliation de la défaite en 1870 rêve de reprendre sa revanche face à l’Allemagne. De l’autre, l’empereur russe se méfie du rapprochement entre l’Autriche-Hongrie et le nouvel empire allemand. Alors, dès 1891, le président de la République Sadi Carnot et l’empereur russe Alexandre III travaillent pour aboutir à une convention secrète. Cette alliance militaire franco-russe ratifiée par les deux gouvernements dès début 1894 garantissait un soutien mutuel en cas d’attaque d’un pays membre de la Triplice, à savoir l'Empire allemand, l'Autriche-Hongrie et l’Italie. Cette coopération militaire est respectée et les deux pays seront de loyaux alliés durant la Première Guerre mondiale, jusqu’en 1917, date à partir de laquelle la Russie désormais soviétique se retire du conflit continental.

Mais cette alliance n’est pas seulement militaire, elle permet aussi un rapprochement économique et culturel entre ces deux grandes nations. La France, dans le but de rendre honneur à son nouvel allié russe, fait donc construire dans sa capitale ce pont d’une valeur symbolique inestimable pour l’amitié franco-russe. De la même volonté que son père de renforcer l’amitié franco-russe, l’empereur Nicolas II arrive à Paris le 7 octobre 1896, où il est accueilli par une vraie frénésie populaire. Alors accompagné de son épouse Alexandra Romanova pour cette visite diplomatique, il pose avec le président Félix Faure à Paris la première pierre de ce projet ambitieux de pont. Le président Faure, lors du discours préliminaire, déclare : « la France a voulu dédier à la mémoire de votre Auguste Père l’un des grands monuments de sa capitale ». Alors, le nom du défunt père de l’empereur est attribué à cette œuvre, soit Alexandre III.

Cette visite de leur nouvel allié est considérée comme une réussite majeure des deux parties et Félix Faure sera à son tour invité à visiter Saint-Pétersbourg et ses palais en 1897. 

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Naissance d’un patrimoine

La construction de la gare des Invalides en 1893 rendait nécessaire la construction d’un pont pour désencombrer les voies de circulation du quartier. Mais ce pont, autant pratique qu’il soit, présentait aussi un défi stylistique : obtenir une vue plongeante sur les Champs-Elysées et les deux nouvelles merveilles architecturales depuis l’esplanade des Invalides, située rive gauche. En effet à l’occasion de l’Exposition universelle de 1900, le Petit Palais et le Grand Palais prennent la place du Palais de l’Industrie et des Beaux-arts, construit lui pour l’Exposition universelle de 1855 et démoli en 1896. Les ingénieurs français Jean Résal et Amédée Alby avaient donc comme indication de conception le respect d’une condition unique : le pont devait être assez plat pour ne pas cacher la vue sur la plus belle avenue du monde, mais il ne devait pas aussi entraver la navigation.

Après quatre années de vastes et difficiles travaux, le pont Alexandre III est inauguré le 14 avril 1900 par le président de la République Emile Loubet, à l’occasion de l’Exposition universelle qui se tenait à Paris. Les infrastructures sont réalisées en acier et nécessitent un entretien régulier, mais le pont est entièrement restauré en 1998, rénovation lors de laquelle il retrouve sa couleur d’origine, le gris. Preuve du savoir-faire français de l’époque, le pont Alexandre III est classé en tant que monument historique depuis le 29 avril 1975 et reconnu comme « Patrimoine du XXe siècle ». 

Le pont à travers les grandes époques 

En plus de sa situation géographique idéale permise par le génie français et de sa valeur symbolique d’histoire, le pont Alexandre III porte des particularités architecturales dignes des artistes les plus créatifs de l’époque. La décoration magistrale du pont, l’un des plus ornés de Paris, est d’ailleurs sous l’influence du mouvement de l’Art nouveau, qui régnait durant la Belle Époque.

Concernant la décoration de ce chef d’œuvre artistique, ce sont les architectes Joseph Cassien-Bernard et Gaston Cousin qui en étaient responsables. Plus large pont de Paris, deux énormes compositions de métal réalisées par le sculpteur Georges Récipon l’ornent : les Nymphes de la Seine ainsi que les Nymphes de la Neva, mythique fleuve coulant à Saint-Pétersbourg. L’amitié franco-russe est poussée jusque dans ces moindres détails, qui laissent à penser que Paris et Saint-Pétersbourg partagent une beauté équivalente, représentée par des divinités grecques séjournant dans ces fleuves éternels.

À chaque extrémité du pont Alexandre III figurent deux statues dorées au sommet de pylônes pour une hauteur de 17 mètres. Ces statues en or glorifient à tour de rôle une Renommée célèbre de la France, avec à leur base l’époque correspondante. On trouve alors la Renommée des Arts s’appuyant sur la France de Charlemagne, la Renommée de l’Industrie reposant sur la France de Louis XIV, la Renommée du Commerce sur la base de la France Renaissante et enfin la Renommée des Sciences sur la base de la France contemporaine. En dehors de ces magnifiques sculptures, 32 candélabres d’inspiration pétersbourgeoise éclairent le pont, tandis que les motifs décoratifs le long de ce dernier représentent la faune et la flore maritime.

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Son jumeau russe 

En réponse à cette fabuleuse œuvre et déclaration d’amitié, le pont de la Trinité est bâti à Saint-Pétersbourg, capitale de l’Empire russe et ville aux penchants européens. Construit en 1897 par une compagnie française, à savoir la Société de construction des Batignolles, sa première pierre est posée le 24 août de la même année par le président Félix Faure, à son tour en visite diplomatique chez l’empereur Nicolas II. Ce pont-levant d’une longueur impressionnante de 582 mètres traversant la glaciale Neva est inauguré en 1903, année durant laquelle le bicentenaire de la ville de Saint-Pétersbourg était fêté.

Beauté française, voire parisienne – c’est ainsi qu’au début du siècle passé la presse baptisait le jumeau russe du pont Alexandre III. Ses belles grilles en fonte harmonisant avec les traversées en métal, ses obélisques en marbre et ses lanternes élégantes – tout suscitait l’admiration. 

Bonus : le pont dans la culture pop 

Emprunté quotidiennement par les Parisiens, offrant une splendide vue sur le Quai d’Orsay, rive gauche, et les Champs-Elysées, rive droite, le pont est un endroit de tournage idéal. À de nombreuses reprises, on peut l’observer dans la cinématographie, tant dans le James Bond de 1985 réalisé par John Glen Dangereusement vôtre, que dans Banlieue 13 : Ultimatum en 2009 ou encore dans le Woody Allen de 2011, Minuit à Paris. La chanteuse britannique Adele y a réalisé le clip de Someone like you qui, sorti en 2011 et comptabilisant aujourd’hui 1,5 milliard de vues sur YouTube. Mariah Carey ou encore Mozart l’opéra rock se servent aussi de l’endroit pour y réaliser des clips. Enfin, le célèbre spot publicitaire d’YVSL La Nuit de l’Homme de 2011 avec Vincent Cassel est aussi réalisé en partie sur le pont Alexandre III, lieu merveilleux où chaque direction semble donner sur la splendeur de la capitale française. 

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