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Un soir de février 1837, dans la banlieue de Saint-Pétersbourg, un coup de feu a retenti, blessant non seulement un homme de petite taille aux cheveux bouclés, dont la veste rouge-verte à carreaux s’en est instantanément retrouvée tâchée de sang, mais aussi la littérature russe. L’auteur de ce tir était le lieutenant Georges d'Anthès, dont le nom a acquis ce jour-là l'immortalité en Russie, la victime de ce duel n’ayant été nul autre qu’Alexandre Pouchkine, illustre poète... Le motif ? La jalousie.
Les historiens sont encore perplexes quant à ce qui a poussé cet homme venu dans l'Empire russe pour faire carrière à courir activement après l'épouse de l’homme de lettres.
Certains pensaient que d'Anthès, rejeton d'un modeste noble alsacien, était aveuglé par l'amour pour la femme de Pouchkine, Natalia Gontcharova. Il semblait que le Français n’était effectivement pas indifférent à la première beauté de l'Empire russe, à laquelle il n’accordait aucun répit, tant lors des événements mondains que chez elle, lui rendant d’incessantes visites et lui transmettant par le biais des serviteurs des notes au contenu osé.
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D'autres pensaient que l'intérêt délibéré pour la femme de Pouchkine n'était qu'un écran derrière lequel le Français cachait des détails secrets de sa vie personnelle. Le terrain fertile pour de telles rumeurs était la relation entre d'Anthès et l’émissaire du roi hollandais, le baron Louis Heeckeren, qui avait adopté le jeune homme après son arrivée dans l'Empire russe. Quoi qu’il en soit, d'Anthès avait trop fortement harcelé Natalia et dépassé toutes les limites.
À noter qu’il existe toute une série d'autres théories ambiguës basées sur les hypothèses et les déclarations des contemporains du poète. Mais, cependant, nous en resterons là.
Un premier défi en duel a été évité grâce à la participation du baron Heeckeren, qui a organisé en deux semaines le mariage de son fils adoptif avec la sœur de l'épouse de Pouchkine, Ekaterina Gontcharova. Cependant, le militaire français a continué de faire la cour à Natalia, désormais sa parente, tandis qu’à l'adresse de couple Pouchkine étaient envoyées d’offensantes lettres anonymes, dans lesquelles le poète était catégorisé comme appartenant à « l'ordre des cocus ». Cela, Pouchkine ne pouvait naturellement plus le supporter.
Les conditions de l’ultime duel ne donnaient pas aux deux adversaires la chance de survivre, seuls 10 pas séparant leur barrière respective (ligne tracée au sol) et le tir pouvant être effectué à n’importe quelle distance de celle-ci. D'Anthès a été le premier à tirer. Cadre militaire, il n’a, bien sûr, pas manqué sa cible. La balle a touché Pouchkine au ventre. Cependant, selon les témoins, le poète a trouvé la force de tirer lui aussi et a blessé le Français à la main. Deux jours plus tard, Pouchkine, qui ne pouvait être soigné par la médecine de l'époque, est décédé dans son appartement sur les berges de la Moïka, à Saint-Pétersbourg.
Suite à la mort du poète, d'Anthès n’a pas été exécuté comme l'exigeaient les lois établies sous Pierre le Grand, mais rétrogradé et expulsé du pays. Il est peu probable que quelqu’un aurait alors pu supposer qu’une carrière vertigineuse attendait encore ce jeune homme, qui n'avait même pas eu le temps de finir Saint-Cyr à cause de la révolution de juillet 1830. Cela a pourtant été le cas, mais en France, et non dans l'armée, mais dans le service civil. Bien que d'Anthès ne brillait, selon le témoignage de ses contemporains, ni par son esprit, ni par son éducation, il se démarquait par ses grandes ambitions.
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De retour chez lui avec sa femme russe, d'Anthès a vécu paisiblement pendant un certain temps dans un village d'Alsace. Toutefois, même les événements tragiques dans lesquels il avait été impliqué en Russie n'ont pu détruire ses ambitions. Ainsi, peu à peu, Georges s'est engagé dans la politique et a reçu une place à la Constituante, y intervenant pour le parti du neveu de Napoléon Ier, Louis-Napoléon Bonaparte. Or, son flair ne l’a pas déçu : en 1848, Louis-Napoléon est devenu président de France, puis a aboli la république et rétabli l’Empire. Après son triomphe, celui qui était ainsi devenu Napoléon III n'a pas oublié le fidèle d'Anthès et l’a nommé sénateur à vie avec un salaire de 30 000 francs par an.
Malgré la chute de Napoléon III en 1870, et par conséquent, du nouvel effondrement de sa carrière, d'Anthès a vécu jusqu'à 83 ans et est mort entouré de ses enfants et petits-enfants. De la mémoire de ses proches, il n'a jamais regretté l'assassinat du poète russe, et à toutes les questions à ce sujet, il répondait généralement : « Et si c’est moi qui avait été tué ? Après tout, je suis devenu sénateur ! ».
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