De Napoléon à Depardieu: douze Français que chaque Russe connaît

Natalya Nosova
Selon une étude réalisée en 2018, 85% des Russes ont une attitude positive à l’égard des Français. Russia Beyond vous explique quel ressortissant de l’Hexagone est le plus connu en Russie.

Russia Beyond désormais sur Telegram! Pour recevoir nos articles directement sur votre appareil mobile, abonnez-vous gratuitement sur https://t.me/russiabeyond_fr

Napoléon Bonaparte

Si vous avez lu le roman Guerre et Paix de Léon Tolstoï, vous vous souviendrez probablement que l’action du premier chapitre se déroule dans le salon mondain d’Anna Scherer, où les aristocrates russes discutent… en français de Napoléon Bonaparte. Ce n’est pas surprenant, étant donné que l'empereur français était au faîte de sa popularité, les progressistes du monde entier l'admirant pour son succès.

La guerre patriotique de 1812 a été dure pour les Russes : les troupes se sont repliées sous les assauts de l'armée française, qui a finalement pris le contrôle de Moscou. Ces événements ne pouvaient qu'affecter la conscience nationale des habitants de l'Empire russe et, bien entendu, se refléter dans une grande partie de la culture du pays. Ainsi, les habitants de la Russie ne parviennent toujours pas oublier l'empereur français, qui reste associé à de grands bouleversements, son nom étant familier dans le pays. De temps en temps, dans la conversation, vous pourrez entendre : « Ne fais pas ton Napoléon ! » (ne sois pas égocentrique), « C’est un Napoléon de notre époque » (un grand homme)  ou encore « J'ai des projets napoléoniens » (j’ai de grands projets).

« En Russie, comme dans le reste du monde, Napoléon est connu pour une raison principale : il s'agit du dernier personnage de l'histoire à s'être efforcé de conquérir le monde entier, a commenté Gueorgui, historien. La campagne de Russie n'était pas la seule cause de la défaite de l'empereur français, mais les Russes sont convaincus qu’elle a marqué le début de la fin pour l'armée napoléonienne ».

>>> Le «Général hiver», qui était donc ce mystérieux ennemi russe tant redouté par Napoléon?

Alexandre Dumas (en réalité : d’Artagnan !)

Les Trois Mousquetaires, le Comte de Monte-Cristo, La Reine Margot... Pour lire un roman de Dumas, les habitants de l'Union soviétique devaient remettre 20 kg de papiers à recycler, se procurer un ticket, puis faire la queue. Si vous ne parveniez pas à obtenir le livre de cette façon, vous pouviez l’échanger contre une collection de classiques russes ou passer la nuit dans la salle de lecture de la bibliothèque.

L'adaptation cinématographique soviétique des Trois Mousquetaires, dans laquelle l'acteur culte Mikhaïl Boïarski jouait le rôle principal, a également beaucoup contribué à populariser le roman. Le film s’est avéré piquant, plein d’humour, avec une musique envoûtante, de sorte qu’au début des années 80 tout le monde rêvait des aventures des fidèles sujets de la couronne française. À la question « Qui est le Français le plus célèbre en Russie ? », vous pourrez encore aujourd'hui entendre la réponse : « D'Artagnan, bien sûr ! ».

« J'ai lu Les Trois Mousquetaires à l'âge de 7 ans. Je me souviens qu'il s'agissait d'une édition assez ancienne de la bibliothèque de mes parents, se souvient Oleg, âgé de 27 ans. Guerre, intrigues, amour, duels, amitié virile... Le livre m'a tellement émerveillé que je me suis déguisé en mousquetaire lors d'un carnaval scolaire », se rappelle-t-il.

Edith Piaf

« Cette chanteuse survivra, on se souviendra d’elle après sa mort », explique le personnage principal du film culte soviétique Dix-sept moment de printemps, l'éclaireur Issaïev, écoutant à la radio Non, je ne regrette rien.  Et même si le film se déroule dans les années 40 et que la chanson n'a été enregistrée que dans les années 50-60, ces paroles sont tellement vraies !

La popularité d’Edith Piaf en Russie s’explique aussi par le fait que les Russes apprécient généralement les personnes au caractère fort. L'histoire de la petite française aux yeux tristes, qui a sauvé des prisonniers de guerre des camps de concentration allemands, a suscité une profonde sympathie chez les habitants de l'URSS, dont beaucoup avaient récemment perdu des proches pendant la Seconde Guerre mondiale.

« On pense qu'Yves Montand, venu en tournée en 1956, a apporté l'un des premiers disques de Piaf au pays des Soviets, a déclaré Ksenia, 35 ans, grande fan de la « môme ». Nous avons toujours eu des cassettes avec des chansons de Piaf à la maison. Quand j'avais seulement quatre ans, ma mère et moi sommes allées au cinéma pour voir le film Piaf. Les premières années. On peut dire que c'est mon premier souvenir conscient de mon enfance ».

Compte tenu de son amour pour la chanteuse, la jeune fille a commencé à apprendre le français et travaille maintenant comme enseignante. Elle a même rencontré Anna Marly, l'auteur russe d'Une chanson à trois temps, Edith. « Il est difficile de dire pourquoi j'aime tant Piaf, se souvient Ksenia. Elle m’accompagne depuis l'enfance. On pourrait se dire qu’Edith est très loin de nous maintenant… Mais il se trouve qu’en réalité, elle est très proche ».

Frédéric Beigbeder

Enfant terrible de la littérature française, Beigbeder est apparu en Russie avec L’Amour dure trois ans et 99 francs. Il a immédiatement charmé le public russe instruit avec son expressivité et son image d'intellectuel porté sur la boisson, démystifiant les mythes de la société de consommation. Aujourd'hui, alors que la vague de sa popularité semblait devoir se calmer, l'écrivain français trouve encore des moyens de susciter l'intérêt des Russes pour sa personne.

« Il aime notre pays et y vient très souvent, il participe activement à la vie nocturne de la capitale, beaucoup de choses sont écrites sur lui, raconte la journaliste russe Ioulia, 30 ans, qui a récemment eu la chance de s'entretenir personnellement avec l'écrivain lors de l'une de ses visites à Moscou. Il a récemment joué dans le film russe Eléphant (2019) et, en collaboration avec la maison d'édition Gorodets, a sorti la série de livres Collection Beigbeder ».

Zinedine Zidane

Malgré les maigres succès de l'équipe de football russe, ce sport est très populaire dans le pays. Si vous demandez aux gens qui est le Français le plus célèbre, l'homme russe de la rue vous donnera de nombreux noms de joueurs de football : Fabien Barthez, Kilian Mbappe, Antoine Griezmann, etc., mais Zinedine Zidane sera à coup sûr le premier de la liste. 

« Bien sûr, tout le monde connaît Zizou - une star du football des années 90 !, s’écrie Pavel, 31 ans, qui rêvait lui-même de devenir joueur de football. Après la victoire de la sélection française à la Coupe du monde en 1998, il y avait dans chaque cour russe des gamins qui portaient un t-shirt acheté au marché portant le nom de Zidane ».

Selon lui, le footballeur français est également célèbre en Russie pour sa participation aux publicités Nike et un peu plus tard au film Trois zéros (diffusé en Russie sous le titre Joue comme Zizou). « Il n'a rien fait de spécial pour la Russie, il joue juste très bien, ajoute Pavel. C’est comme le Brésilien le plus célèbre - Ronaldo, ou les Italiens Gianluigi Buffon et Alessandro Del Piero ».

Jacques-Yves Cousteau

Pour les Russes, Cousteau est devenu l'incarnation vivante de l’homme-amphibie, un jeune homme aux branchies de requins tiré d'un roman de l'écrivain soviétique de science-fiction Alexander Beliaïev. Les aventures passionnantes du scientifique dans les profondeurs de la mer ont été accueillies avec enthousiasme en URSS, où régnait le culte du savoir scientifique et où l’État promouvait l’étude de l’immensité de la planète.

Les Russes manifestent aujourd'hui encore un grand respect à l’égard de Cousteau. Lors du récent scandale entourant la « prison des baleines » dans l’Extrême-Orient russe, son fils est venu en Russie pour donner des recommandations sur la libération des bélugas et des épaulards dans la nature.

« Cousteau est entré dans ma vie dans les années 80, lorsque les premiers magnétoscopes sont apparus en URSS, mais je l’ai mieux connu beaucoup plus tard, lorsque je me suis intéressé à la plongée, explique Nikolaï, 44 ans. Je pense qu’il a su montrer qu’en plus de la course sans fin à l’argent et à d’autres choses insignifiantes, il existe une autre vie pleine de découvertes et d’aventures. En tant que personne éduquée aux livres de Jules Verne, Jack London et Mark Twain, cette façon de penser m’est plus proche ».

Coco Chanel

Les Russes sont apparus plus d'une fois dans la vie de la créatrice de la célèbre maison de couture française : il suffit de rappeler son professeur, Serge Diaghilev, ainsi que ses amants, le grand-duc Dimitri Pavlovitch Romanov et le compositeur Igor Stravinsky. Parallèlement, Coco doit sa renommée en URSS puis dans la Russie moderne à Ernest Beaux, créateur franco-russe de la fragrance Chanel N°5.

En URSS, puis dans les dures années 90, les parfums et les produits Chanel étaient considérés comme le summum du chic, que peu de gens pouvaient se permettre. « Beaucoup se cousaient des vêtements sur le modèle de Chanel selon les patrons du magazine Burda, et dans les salons de coiffure, on proposait des coupes de cheveux à la Coco. Et bien sûr, tout le monde rêvait d’avoir un vrai parfum français, raconte Anna, âgée de 33 ans. Il se trouve que ma mère avait un flacon de Chanel N°5. Elle l’utilisait très soigneusement, littéralement, goutte à goutte. Et elle ne jetait même pas l’emballage ».

>>> Les racines russes du mythique parfum Chanel N°5

La jeune femme se souvient qu’un jour, leur appartement a été cambriolé. À cette époque, personne n’avait d’argent, alors les voleurs n’ont pris que quelques livres et… le précieux parfum. « Bien sûr, la police n’avait aucune intention d’aller les chercher, mais quelques jours plus tard, ma mère a trouvé son flacon sur un marché, se souvient-elle. Le vendeur a juré qu'il s'agissait d'une livraison de France, mais ma mère a reconnu son emballage ! Malheureusement, ma mère n’était hélas plus capable de racheter son Chanel N°5. Aujourd'hui, en Russie, il existe une vaste sélection de parfums, y compris ceux de Chanel, mais ma mère pense toujours que rien ne peut être comparé à cette fragrance-là ».

Jean-Paul Sartre

« Je ne sais pas si cette question est pertinente sur le sujet, mais… je suis intéressée par le travail de Sartre. Faut-il le lire à l’adolescence ? Par quelle œuvre commencer ? », écrit Kristina, 15 ans, dans un groupe VKontakte (analogue russe de Facebook) consacré au philosophe français, avant de recevoir immédiatement la réponse d’un utilisateur portant le pseudo Adam : « Kristina, je n’ai que 16 ans, mais ma première œuvre de Sartre était la Nausée, puis j’ai lu Intimité et Huis clos ». 

Cette conversation est édifiante : aujourd'hui, Sartre est lu en Russie non seulement par les adultes et les « rats de bibliothèque, » mais aussi par la génération des millennials, et rivalise avec Erich Maria Remarque en termes de popularité auprès des hipsters.

« L’œuvre de Sartre, ou d’Albert Camus, résonne aujourd’hui dans le cœur de la jeunesse rebelle et d’autres admirateurs de la tristesse existentielle, de la décadence, de la dépression, du spleen, d’Essenine, de Brodsky et d’Heidegger, explique Grigori, 24 ans, philologue. Cependant, il doit sa popularité auprès de la génération précédente à la sincérité de ses conceptions gauchistes, romantiques et proches des sixties soviétiques. Le lecteur soviétique soutenait la position de Sartre sur la guerre en Algérie ou au Vietnam, tout en ignorant sa position sur le soulèvement hongrois ou le printemps de Prague ».

Jean Reno

L’histoire du meurtrier solitaire Léon, dont le cœur ne connaissait ni l’amour ni la pitié avant de rencontrer une adolescente habitant à côté de chez lui, a fait un véritable carton en Russie à la fin des années 90. Les étoiles ont convergé – des acteurs convaincants, une intrigue passionnante, de beaux plans, et un film qui s’est avéré très conforme à la réalité russe à une époque où le crime était en plein essor dans la vie de l’espace post-soviétique. Cependant, le public russe connaît également d'autres films avec Reno - Nikita, Les Fleuves pourpres, Wasabi, Le Code Da Vinci.

« Léon est, eh bien, le classique préféré de tout le monde. Un tueur cool, au bon cœur, et vous pouvez saisir des échos de Lolita de Nabokov, explique Andreï, âgé de 33 ans. Mais j'ai découvert l'acteur quand j’étais enfant dans Les Visiteurs - c'est le film le plus drôle que j'ai jamais vu ».« Wasabi passait souvent en Russie et les sushis sont très populaires chez nous, alors tout le monde plaisantait sur l’air indifférent avec lequel le héros incarné par Reno mangeait du wasabi », dit-il en riant.

Gérard Depardieu

En URSS, on adorait le cinéma, y ​​compris les films étrangers, qui pendant longtemps ont eu du mal à apparaître sur de grands écrans en raison d'une censure stricte. Au début des années 80, le public soviétique se familiarise avec les comédies françaises et tombe immédiatement amoureux de Louis de Funès, de Pierre Richard et, bien sûr, de Gérard Depardieu.

« J'avais 10 ans quand j'ai vu des films avec Depardieu à la télévision. Plusieurs films étaient alors diffusés – Les Fugitifs, Les Compères, La Chèvre, raconte Janna, administratrice d'un des groupes de fans de l'acteur sur VKontakte. Plus tard, j'ai commencé à regarder d'autres films avec lui, certains m'ont choqué ! Par exemple : Les Valseuses, Tenue de soirée et La dernière femme. On se souvient également de lui pour ses rôles dans le Comte de Monte-Cristo, Astérix et Obélix, Cyrano de Bergerac, L'Homme au masque de fer. C'est un acteur très expressif avec un regard qui inspire confiance ».

>>> Comment Depardieu a finalement trouvé la paix en Russie

Ayant conquis les faveurs des téléspectateurs russes, Depardieu se rappelle régulièrement à leur mémoire. Il tient des propos élogieux sur la Russie, s'intéresse aux projets cinématographiques russes et reçoit même la citoyenneté du pays des mains de Vladimir Poutine. Alors qu’en France tout cela est perçu comme une vulgaire tentative d'échapper aux impôts et une banale crise créatrice, les Russes regardent bouche bée la publicité pour le ketchup Baltimore, où le célébrissime Français a l'intention d'avaler son chapeau à cause d'une défaite au billard.

Jacques Chirac

Encore récemment, le monde entier pleurait une figure de la Ve République - le président français Jacques Chirac. Son décès a provoqué une grande résonance dans la société russe et les médias russes n’ont pas tari d’éloges sur sa brillante carrière et ses relations chaleureuses avec notre pays.

Afin de rendre ses derniers respects au « grand ami de la Russie », Vladimir Poutine s'est personnellement rendu à Paris par avion, lui qui auparavant ne participait qu'aux cérémonies de deuil dans l'espace postsoviétique.

On peut dire que Chirac plaisait aux Russes sur un plan purement humain - il s’est attiré le respect du grand pays pour son charme typiquement français et son pouvoir politique, comparable, de l'avis de beaucoup de Russes, à celui de de Gaulle lui-même.

Les Russes rappellent avec une chaleur toute particulière que Chirac connaissait leur langue, leur histoire et leur culture. Ils savent qu'il avait traduit Eugène Onéguine dans sa jeunesse et et qu'il citait Pouchkine, aux côtés de Louis XIV et Charles de Gaulle, parmi les personnes dont il aurait souhaité accrocher le portrait dans son bureau. 

L’attitude des Russes à l’égard de Chirac n’a pas changé, même si le dirigeant français n’était pas toujours d’accord avec le cap politique de Moscou – après tout, les amis ne sont pas d’accord sur tout, pas vrai ?

>>> Ces politiciens étrangers de premier rang maîtrisant le russe

Audrey Tautou

Tous les Russes ne savent peut-être pas qui est Audrey Tautou, mais beaucoup reconnaîtront facilement l'actrice qui a incarné Amélie – film qui lui a valu une grande renommée dans le monde entier, et également en Russie. L'histoire de cette Française qui apporte des miracles dans la vie de ceux qui l'entourent est devenue une sorte d’icône du cinéma français : Paris, les rues de Montmartre, l'amour, les bérets rouges et le café avec de la crème brûlée : tout y est.

« Il est peu probable que je dise quelque chose de plus intéressant que : je connais Tautou pour le film Amélie, commente Aliona, 24 ans, reconnaissant toutefois qu’Audrey a une apparence et un jeu mémorables. On peut même le formuler ainsi : je regarde rarement des films, surtout des émissions de télévision, mais il est difficile de ne pas se souvenir de Tautou », a-t-elle déclaré.

Cependant, certains en Russie sont beaucoup plus enthousiastes au sujet de la créativité de Tautou. « Elle ne ressemble à aucune autre actrice et dans ses films, il n’y a pas de vulgarité bon marché. Elle est très mignonne et naturelle », écrit un internaute dans un groupe de fans de l’actrice sur Vkontakte. 

Par quoi les Russes sont-ils stupéfaits en France ? La réponse, vous la trouverez dans cet autre article.

Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.

À ne pas manquer

Ce site utilise des cookies. Cliquez ici pour en savoir plus.

Accepter les cookies