Stalingrad: quelle est la précision historique de ce film culte?

Histoire
ALEXEÏ TIMOFEÏTCHEV
Le film franco-américain Stalingrad a tenté de retranscrire ces événements et reste probablement à ce jour l’œuvre la plus célèbre à son sujet. Mais correspond-t-il réellement aux faits historiques?

« Stalingrad a une juste vision et ressenti de la guerre », a commenté Critics Consensus sur le site de critique cinématographique Rotten Tomatoes. Néanmoins l’histoire d’amour « semble hors de propos » dans ce blockbuster historique portant sur la Seconde Guerre mondiale et sorti en 2001. On pourrait toutefois dire que c’est un euphémisme car bien d’autres choses sortent du contexte aux yeux de nombreux spectateurs russes.

Par exemple, les vétérans résidant dans la ville de Volgograd (nom de Stalingrad depuis 1961) ont été choqués par ce long métrage et ont réclamé son interdiction. Ils se sont en effet plaints de l’image distordue de l’armée Rouge, les commandants étant dépeints en impitoyables despotes, tandis que les simples soldats n’y sont que de la chair à canon dénuée de parole. Aucune réaction n’a cependant été observée du côté des autorités suite à leur appel.

Même si de l’eau a coulé sous les ponts, Stalingrad reste le film occidental le plus populaire au sujet de la bataille du même nom. Des millions de personnes forgent d’ailleurs leur compréhension de ce conflit en se basant sur cette œuvre. Qui donc dispose du point de vue le plus juste concernant sa précision historique, les critiques en ligne ou les vétérans ? Commençons tout d’abord par rappeler qu’il s’agit d’un produit issu de l’art et d’une imagination créative (bien que le scénariste Jean-Jacques Annaud ait assuré dans une interview à un média russe avoir méticuleusement étudié les circonstances de la bataille).

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Wagons fermés

Le point central du film est le duel entre le tireur soviétique Vassili Zaïtsev (joué par Jude Law) et son homologue allemand, le major Erwin König (Ed Harris), qui a réellement eu lieu durant la bataille de Stalingrad, confrontation la plus sanglante de l’histoire et tournant de la Seconde Guerre mondiale. L’armée Rouge a tout d’abord désespérément défendu la ville (été-automne 1942), avant de lancer une controffensive et d’encercler des centaines de milliers de troupes ennemies (automne 1942-hiver 1943).

Or, une image critique des troupes soviétiques est diffusée dès le début du film, lorsque sont présentées les nouveaux régiments, parmi lesquels se trouve le personnage principal, Zaïtsev, qui arrivent sur le front. En chemin, ils sont en effet menacés et humiliés par les commandants, qui leur hurlent dessus. Ils sont par ailleurs transportés dans des wagons couverts bondés, comme du bétail, qui sont même fermés de l’extérieur, on peut le supposer, dans le but de les empêcher de déserter. Néanmoins, selon l’historien militaire Boris Iouline, cela ne peut pas avoir eu lieu dans la réalité car c’était une pratique tout simplement interdite. En effet, en cas d’un raid aérien allemand ou d’un bombardement, les hommes enfermés dans ces wagons auraient été destinés à une mort certaine.

Sans armes

Après avoir atteint la berge opposée, les soldats reçoivent des armes, mais il n’y a pas assez de fusils pour tout le monde, alors la moitié des combattant en obtiennent un, tandis que les autres se voient accorder les munitions allant avec. On dit également aux soldats de récupérer l’arme de leurs camarades tombés au combat. Bien entendu, il ne faut pas être historien ou spécialiste militaire pour comprendre que cela n’a aucun sens : aucun des soldats ne pourrait se battre dans de telles circonstances puisque l’un n’a pas de fusil et l’autre de munitions. Cela reviendrait à dire que les commandants envoyaient leurs soldats au front sans armes.

La situation en termes d’équipement était-elle si catastrophique que décrite dans le film ? Les historiens soulignent qu’il y a effectivement eu des pénuries de fusils, mais uniquement au début de la guerre, en raison de lourdes pertes forçant les autorités à former des régiments souvent pauvrement armés. Néanmoins, à l’automne 1942 la situation était tout autre. « Il n’y a pas eu de soldat non armé à être envoyé à l’attaque… Ce qui est montré dans Stalingrad est un pur non-sens », confirme l’historien Alekseï Issaïev, auteur de plusieurs ouvrages sur cet épisode historique.

L’attaque

L’une des scènes les plus saisissantes de l’œuvre est en outre une offensive par les troupes soviétiques nouvellement arrivées contre les Allemands, aux positions bien défendues. L’attaque, qui a commencé comme un match sportif avec un coup de sifflet, se flétrit rapidement, et lorsque les troupes soviétiques commencent à battre en retraite, elles sont fusillées par un détachement punitif. On se demande alors qui a tué le plus de soldats soviétiques : les nazis ou les Soviétiques eux-mêmes ?

De tels régiments punitifs ont en effet existé dans l’armée Rouge et ils étaient bien chargés de stopper les mouvements de panique dans les rangs et d’empêcher, par la force dissuasive, les retraites non autorisées.

Cependant, le tristement célèbre ordre N°227 de Staline « Pas un pas en arrière ! », qui a autorisé ces régiments à grande échelle, stipulait qu’il ne pouvait y avoir que jusqu’à cinq détachements de ce genre (de 200 soldats chacun) par formation militaire (de plus de 50 000 hommes).

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De nombreuses données sont par ailleurs disponibles sur les actes de ces divisions. Ainsi, entre le 1er août et le 15 octobre 1942, ces dernières ont appréhendé 140 775 personnes ayant abandonné leurs positions.

Or, la majorité a été renvoyée dans les rangs de l’armée (131 000), tandis
que 3 900 ont été arrêtés et 1 189 fusillés (soit moins de 1%).

Alekseï Issaïev pointe de plus du doigt le fait que dans des conditions de guerre urbaine, les détachements punitifs pouvaient difficilement être utilisés efficacement et que par conséquent « leur rôle était minime ».

« Le plus souvent ils étaient utilisés comme régiments de combat habituels ». Toutefois, il semble que de telles scènes cinématographiques aient été conçues afin d’insister sur le message principal : « la plupart des soldats soviétiques avaient besoin d’un fusil dans le dos pour aller au combat »,
affirme un blogueur.

Cela, néanmoins, n’est pas la façon dont les Russes ont été amenés à
voir la bataille de Stalingrad, où de multiples cas d’héroïsme et de sacrifice
ont été enregistrés. Ce courage étant très répandu, il est en effet peu
probable que les troupes soviétiques aient donc été motivées par la peur.

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