À quel point est-il aisé de faire des affaires dans le luxe en Russie, pays occupant la 49ème place du classement mondial pour le niveau de vie selon l’ONU ? Les spécialistes de ce marché russe se trouvent en réalité dans l’attente de son rétablissement suite à des années difficiles. Ils se sont par ailleurs réunis pour la cinquième conférence annuelle Marché russe des produits de luxe, organisée par la Chambre de commerce et d’industrie France-Russie (CCIFR) afin d’en déterminer ensemble les facteurs de croissance.
La Coupe du Monde de la FIFA 2018 ainsi que le projet pilote de détaxe qui sera l’année prochaine étendu à l’ensemble du pays, ont joué en faveur de l’industrie du luxe en Russie. Cependant, dans le pays, où les conséquences des sanctions occidentales ainsi que de la chute du cours du rouble sont encore palpables, la clientèle peine actuellement à se trouver.
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Il semble que récemment les marques de luxe ont toutefois changé de stratégie, baissant leurs prix afin de retenir les clients, pour qui il était financièrement plus intéressant de s’envoler à l’étranger pour une séance shopping. Il s’avère toutefois que, bien que maintenant que les prix en Russie se soient rapprochés de ceux proposés en Europe, les avis des experts quant aux perspectives futures divergent toujours.
Ainsi, Alexandre Tchetverikov, vice-président du groupe LVMH, suppose que le marché du luxe en Russie traverse une période plutôt satisfaisante. « En parlant des perspectives, je les vois bonnes. Le luxe continuera à bien se porter, le potentiel n’est pas encore épuisé en comparaison avec d’autres pays, nous commençons à trouver une offre correcte, et à l’avenir nous développerons le commerce en ligne, et réfléchirons à comment vendre sur ce territoire », a-t-il déclaré.
Alexandre Tchetverikov
CCIFRSelon lui, tout cela a été rendu possible grâce au concours de plusieurs éléments. « Il y a quelques années, dans les magasins il n’y avait pas un bon service, maintenant il s’est amélioré. Pour l’acheteur russe, qui arrive dans un magasin en France, en Angleterre, le service est, bien entendu, remarquable, mais il est "pour tous", alors qu’ici, en Russie, il est spécifique, pour son client, poursuit Tchetverikov. Deuxièmement, ici sont inaugurés des magasins de haute qualité, de véritables flagships, ils sont beaux, et commencent vraiment à bien représenter la marque. C’est-à-dire que si nous réunissons tout ensemble : de bons prix, la capacité de travail avec le client, les magasins, cela donne de la matière pour le franc succès de nos marques tant l’année dernière que celle-ci ».
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Malgré les projections optimistes de ce géant du luxe, tous les participants de cet événement ne partagent pas ses prévisions. Et si durant leurs discours presque tous les experts ont attiré l’attention sur le fait que la crise n’était pas encore totalement terminée, et qu’il convenait donc de dresser avec prudence le tableau des perspectives possibles, certains d’entre eux ont formulé leurs positions contraires sans ambiguïté.
« Les tendances du marché du luxe en Russie sont très simples : la crise exerce une pression considérable, assure Irina Koulikova, experte du marché des produits de catégorie luxe au sein de Bain & Company, à Moscou. Les riches, bien entendu, ont perdu un peu, mais la crise s’est fortement exprimée sur la classe moyenne. Une tendance majeure du consommateur russe est la rationalisation, il ne fait plus d’achats compulsifs, tels que venir dans un magasin et acheter aussitôt quelque chose qui lui a plu. Par exemple, ils ont arrêté de prendre d’onéreuses robes de soirée, mais continuent d’acheter des manteaux classiques et des jupes crayon ».
Un avis rejoint par Anna Lebsak-Kleymans, cofondatrice et directrice générale de Fashion Consulting Group, qui a à son tour noté qu’il n’était en Russie pas possible pour les marques de luxe d’attirer le consommateur par leurs prix. « Il est plus intéressant d’acheter certaines choses en Russie plutôt qu’en Chine ou aux États-Unis, mais pas aussi intéressant que de les acheter en Europe. Attirer l’acheteur par les prix, nous ne le pouvons pas, la seule alternative est donc le développement de l’expérience clientèle », affirme-t-elle.
Le salut du marché du luxe tant en Russie que dans le monde, les experts le voient dans la création d’une offre et d’un service qui satisferaient toutes les requêtes des clients de ce secteur, y compris ceux appartenant à la nouvelle génération. En effet, selon Koulikova, à l’horizon 2025, 55% du marché mondial du luxe seront occupés par les représentants de la génération Z (nés après l’an 2000), qui sont des personnes bien différentes des clients traditionnels des boutiques de luxe. Ils rompent, il est vrai, avec les us et coutumes de ce secteur, souhaitent tout et tout de suite, tout en se montrant plus sensibles à l’écologie.
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Néanmoins, à cet égard la Russie pourrait réserver quelques surprises aux compagnies étrangères. Par exemple, la chaîne de boutiques vestimentaires de luxe pour hommes Frame affirme qu’elle continue de travailler avec sa clientèle habituelle, dont le portrait n’a pas changé au cours des deux dernières années selon des études internes. « Pendant que les grands acteurs misent sur la génération Z et y adaptent le marché, nous travaillons avec notre clientèle russe habituelle », a confié Ekaterina Savvidi, partenaire de gestion de la marque. Ce client type est alors un homme marié de 45-46 ans, businessman, top manager, ou fonctionnaire, père de plusieurs enfants, adorant collectionner des choses, la pêche et le golf. Ce client se rend au point de vente 2,5 fois par an en moyenne et dépense à chaque visite environ 200 000 roubles (2 750 euros), précise-t-elle.
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