Comment la pandémie a-t-elle impacté l’industrie aérienne russe?

Vladimir Astapkovitch/Sputnik
Après une annulation temporaire des vols internationaux et une baisse de la demande pour les vols intérieurs, les compagnies aériennes russes, tout comme l'industrie aérienne mondiale, connaissent une crise profonde. Nous vous expliquons comment les transporteurs russes tentent de compenser les pertes et vous indiquons quand les premiers vols entre la Russie et l'Union européenne pourraient être rétablis.

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Des pertes colossales

Face à la propagation du virus, la Russie a, le 30 mars 2020, procédé à la fermeture de ses frontières, tandis que les mesures de confinement instaurées ont entrainé une réduction drastique des vols intérieurs. Les compagnies aériennes russes ont ainsi été confrontées à une réduction massive du trafic de passagers.

À l'aéroport de Krasnoïarsk (Sibérie)

Par exemple, Aeroflot, la plus grande compagnie aérienne du pays (comprenant les transporteurs Aeroflot, Rossiya et Pobeda), en avril 2020, a vu ses trajets diminuer de 95% par rapport à la même période en 2019, a déclaré son PDG Vitali Saveliev lors d'une réunion avec le président russe Vladimir Poutine.

Au total, en Russie, la baisse du trafic de passagers en avril 2020 s'élevait à 91,8%, a rapporté TASS, se référant à l'Agence fédérale du transport aérien (Rosaviatsia). La baisse globale du nombre de vols des compagnies aériennes russes de janvier à mai 2020 s'est quant à elle portée à 44,6% par rapport à la même période l'année dernière.

Les pertes de l'industrie aérienne russe n'ont pas encore été calculées, mais en février 2020, le ministère des Transports a estimé à 1,6 milliard de roubles (19,93 millions d’euros) les pertes des compagnies aériennes russes dues à la seule suspension des vols vers la Chine. Au 25 juin 2020, Rosaviatsia a déjà alloué 9,75 milliards de roubles (121,47 millions d’euros) de subventions aux compagnies aériennes nationales. En outre, le gouvernement leur a accordé en mai dernier 23,4 milliards de roubles (291,53 millions d’euros) supplémentaires, mais cela pourrait ne pas suffire, selon les experts.

Les compagnies aériennes russes pourraient en réalité perdre un total de 550 milliards de roubles (6,85 milliards d’euros) en 2020, a déclaré au journal Vedomosti Sergueï Zaïtsev, expert en aviation au sein de la société internationale de conseil Bain & Company. Des prévisions fondées sur le fait que la demande de vols intérieurs reviendrait au niveau de 2019 d'ici décembre 2020, tandis que l'interdiction des vols internationaux durerait jusqu'à la fin juillet 2020.

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Transport de marchandises et réductions sur les billets

Afin d'éviter que les avions de passagers ne restent inactifs dans les aéroports, les compagnies aériennes russes ont commencé à les utiliser pour le transport de fret, tant en soute qu’en cabine, explique Maxim Piadouchkine, directeur général du magazine Aviatransportnoïé obozrenié. Sept compagnies aériennes russes ont en effet reçu l'autorisation de procéder de la sorte en avril 2020, selon le site web de l'Agence fédérale du transport aérien.

Aéroport moscovite de Cheremetievo

Dans le but d'augmenter la demande de vols, les compagnies aériennes ont par ailleurs réduit les prix des vols à l'intérieur de la Russie de 23% en juin 2020, selon le site web de l'Association des tour-opérateurs de Russie (ATOR).

La compagnie aérienne Pobeda (filiale low-cost d'Aeroflot) a ainsi introduit des réductions allant jusqu'à 60%, mais de nombreux passagers ont peur de contracter le coronavirus dans d'autres villes et refusent de prendre l'avion après avoir acheté un billet, a toutefois déclaré le PDG d'Aeroflot.

Néanmoins, cette année, la compagnie aérienne prévoit de transporter 30 millions de passagers (soit 50% du trafic de l’an dernier), notamment par des vols vers des stations balnéaires russes. Au 6 juillet 2020, la fréquence et la géographie des vols vers la Crimée ont par exemple déjà été rétablies au niveau de 2019, comme le rapporte le site web de l'aéroport international de Simferopol. Depuis début juin, 100 000 touristes ont en outre déjà visité Sotchi.

De manière générale, l'industrie aéronautique russe devrait être en mesure de se remettre des effets de la pandémie de coronavirus d'ici septembre 2021, a déclaré le chef du ministère des Transports, Evgueni Ditrikh. Le directeur du Centre pour le soutien scientifique de la politique de l'État dans le domaine de l'aviation civile, Alexander Fridliand, est quant à lui en désaccord avec cette prévision : selon lui, le secteur aérien, sans soutien gouvernemental massif, ne pourra retrouver le niveau de 2019 qu'en 2024.

Le gouvernement n'attend pour sa part pas de faillite de compagnies aériennes russes, notamment grâce à un soutien financier, a déclaré Sergueï Ivanov, le représentant spécial du président russe pour la protection de la nature, l’écologie et les transports.

Pourtant, l'une des principales compagnies aériennes russes, Utair, a d’ores et déjà annoncé la suspension de ses remboursements de prêts.

« Le coronavirus a causé des dommages à l'ensemble du secteur de l'aviation, et même la suppression des mesures restrictives pour les vols n'annulera pas les conséquences des circonstances de force majeure, car le rétablissement complet du trafic aérien et du trafic de passagers prendra du temps », a précisé la compagnie dans son rapport. Toutefois, le transporteur aérien n'a pas encore déposé son bilan.

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Vols vers l'Union européenne

Le 6 juillet 2020, le président russe Vladimir Poutine, lors de sa rencontre avec le directeur d'Aeroflot, a déclaré qu'il était encore difficile de prévoir la date d'ouverture des frontières de l'Europe aux touristes russes.

Vladimir Poutine et le PDG d'Aeroflot, Vitali Saveliev

« Ce que nos partenaires dans de nombreux pays, y compris en Europe, vont faire n’est pas clair, entre eux ils ne peuvent toujours pas se mettre d’accord. Et il n'est pas clair quand ils ouvriront leurs frontières et leurs territoires aux ressortissants de pays tiers, y compris aux citoyens russes, même pendant les vacances d'été », a souligné le chef d’État.

À son tour, Rosaviatsia a prolongé l'interdiction des vols vers la Russie pour les étrangers jusqu'au 1er août 2020. Interfax, citant ses propres sources, a d’ailleurs affirmé que la Fédération de Russie n'autoriserait pas les vols internationaux tant que la situation épidémiologique dans toutes les régions du pays ne serait pas normalisée. Tout d'abord, la Russie ouvrira alors ses frontières aux pays de la CEI, puis à ceux de l'Union européenne.

Néanmoins, certaines compagnies aériennes russes effectuent déjà des vols internationaux, malgré la fermeture des frontières. Par exemple, Aeroflot vend des billets pour des vols cargo de Moscou vers des dizaines de villes – Francfort, Paris, Londres, New York, Rome, Séoul, Tel-Alive, etc.

Un représentant de la compagnie aérienne, Mikhaïl Demine, a déclaré au quotidien Vedomosti que la compagnie peut en effet transporter des personnes sur des vols de fret, mais pas n’importe quels passagers, uniquement ceux qui sont autorisés à entrer, comme les diplomates et les Russes ayant la double nationalité ou un permis de séjour d'un pays étranger.

À partir du 7 juillet 2020, les billets de Moscou vers Alicante et Nice sont également vendus par la compagnie aérienne russe S7, selon le site web du transporteur. En outre, ce dernier a reçu l'autorisation d’effectuer des vols charters de rapatriement en provenance d'Espagne et de France. Ces vols ne sont accessibles qu'aux citoyens du pays de destination, de l'Union européenne et de l’espace Schengen.

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