Bilan du SPIEF
Du 24 au 26 mai derniers s’est déroulé le Forum économique international de Saint-Pétersbourg, grande messe annuelle des milieux d’affaires du monde entier et qualifié à ce titre de « Davos russe ». Cette édition 2018 a cependant eu une saveur particulière, le président Emmanuel Macron ayant pris la décision de s’y rendre en personne.
« C’est très bien, cela a mis la France à l’honneur. Et le président a été très clair sur le fait qu’il fallait que les entreprises françaises continuent à investir, il n’y a pas eu de message contraire à cela, note à ce propos Emmanuel Quidet, fondateur et actuel président de la CCI France Russie, interrogé par Russia Beyond. Du côté français, il y avait une importante délégation de membres du MEDEF, dont un certain nombre n’étaient jamais venus, donc une découverte totale et ils ne s’attendaient pas à cela. Tout d’un coup ils ont pris conscience que la Russie était un pays avec des marchés intéressants pour eux. Je n’ai pas rencontré une seule personne négative sur la Russie ».
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Malgré l’envergure considérable de la délégation française cette année, selon lui, il est néanmoins encore trop tôt pour entrevoir les retombées du forum, dont l’intérêt réside avant tout dans le fait qu’il place chaque année la Fédération de Russie au centre de la carte économique mondiale des lieux où l’on peut investir.
L’impasse des sanctions
Si le président Macron a exprimé lors de cet événement un désir d’accroître les investissements français en Russie, aux yeux d’Emmanuel Quidet, la manière la plus efficace et concrète de le faire serait d’œuvrer à la levée des sanctions économiques américano-européennes. D’autant plus que ces dernières ont pour effet pervers de détruire de l’emploi également en France. Illustrant cela, le président de la CCI France Russie évoque notamment le cas du partenariat entre Alstom et le russe Transmashholding, sociétés qui, en raison des sanctions, se sont vus contraintes de cesser de s’approvisionner dans les usines de Belfort et de s’orienter vers des fournisseurs chinois.
Par ailleurs, il insiste sur l’impact négatif des sanctions sur le financement des projets d’investissements français en Russie. « Dans les sanctions, il y en a une qui est absolument désastreuse, et qui est américaine, ce sont les sanctions financières, qui font que si une banque finance un individu ou une société sous sanctions, elle peut être pénalisée par les États-Unis, nous confie Emmanuel Quidet. Donc que font les banques françaises pour éviter ce problème-là ? Elles ne financent plus rien. Elles sont extrêmement frileuses et ne prêtent plus d’argent pour des projets en Russie car elles sont responsables de l’argent qui y est investi ».
Pour compenser cela, les grandes compagnies ont par conséquent recours à l’autofinancement, tandis que les PME se tournent vers des banques étrangères, des établissements régionaux allemands et italiens notamment, qui font preuve d’une plus grande ouverture de par leur faible présence sur le marché américain. Toutefois, si des alternatives existent en effet pour se défaire quelque peu de l’emprise des sanctions, il n’en demeure pas moins que les relations économiques entre la France et la Russie en pâtissent sévèrement.
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« Malgré tout, le commerce avec la France a baissé de l’ordre de 20% depuis le début de la crise, les investissements, même si on reste en tête, ont quand même considérablement chuté. Donc levons les sanctions, et là on aura un vrai avantage compétitif pour la France », assure en effet monsieur Quidet, faisant allusion au fait que l’Hexagone s’impose encore aujourd’hui comme le second investisseur étranger en cumulé de Russie ainsi que le plus grand employeur étranger sur le territoire russe.
Quelles perspectives d’avenir ?
La politique de substitution mise en place par le gouvernement russe laisse néanmoins entrevoir de nouvelles opportunités pour les acteurs économiques étrangers. En effet, l’accent étant à présent mis sur la production nationale, de nouveaux secteurs se développent en Russie et s’ouvrent à de potentiels investisseurs souhaitant y apporter leurs capitaux et leur savoir-faire.
Emmanuel Quidet souligne à ce propos l’essor, en Russie, de l’agriculture, et de l’agroalimentaire de manière générale, constatant par exemple la multiplication des entreprises de production de fromage ; à pâte dure tout du moins, le pays n’étant pas encore parvenu à reproduire avec succès des fromages à pâte molle dignes des produits français, ajoute-t-il avec le sourire.
Si l’on trouve sur le marché russe de nombreux acteurs français dans le domaine agroalimentaire (Danone, premier producteur de lait en Russie, Lactalis, Savencia, présent au Bachkortostan, ou encore Louis-Dreyfus, multinationale fondée en France), « vous pouvez étudier tous les secteurs, il y a un besoin partout. C’est pourquoi il y a 37 compagnies du CAC 40 en Russie », affirme notre interlocuteur.
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Par ailleurs, malgré les sanctions, qui freinent le développement des démarches de substitution en matière de hautes technologies et d’énergie (les Russes ne disposant par exemple pas encore des technologies nécessaires à la pratique de forages pétroliers offshore et ne pouvant les importer), la Russie semble demeurer une nation attractive sur le plan économique.
« Un jour les sanctions seront levées, mais, même à court terme, cela reste un pays dans lequel il faut investir. Il n’est pas difficile d’investir en Russie, ce n’est pas plus compliqué qu’ailleurs, nous confie Emmanuel Quidet. Quand je vois mes petits camarades qui sont partis dans d’autres pays, ils ont tendance à me dire que finalement c’était plus simple en Russie. L’avantage ici, c’est que si vous avez un marché, vous avez la possibilité de gagner de l’argent, ce qui n’est pas toujours le cas dans d’autres pays, notamment j’ai cru comprendre que c’était plus difficile en Chine ».
Il note en outre le soutien apporté par les autorités russes aux entrepreneurs français souhaitant pénétrer sur le marché national.
« Les Russes voient tous les efforts que les investisseurs français font, et sont donc très ouverts à l’égard des investissements français en Russie. Ils n’hésitent pas à nous mettre en avant dans leurs exemples, et quand on en a besoin, ils nous aident pour continuer à investir. Ils se souviennent de leurs amis, explique-t-il en effet. Il peut y avoir des tensions politiques, mais sur un plan économique, c’est toujours la même chose, on défend les intérêts français, on fait du mieux possible et ils comprennent cela et nous soutiennent dans nos efforts ».
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