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Anton Tchekhov a écrit plus de 500 nouvelles qui, en termes de profondeur et de style littéraire, ne cèdent en rien aux grands romans d'autres écrivains. Il a été le premier à décrire non pas la quête grandiose du héros ou de grands drames, mais la vie quotidienne dans sa simplicité. Les héros de ses histoires se dissolvent le plus souvent dans les circonstances et la routine, comme dénués d’aspirations propres. Ses contemporains étaient ravis - ces personnages sont de vraies personnes. Tchekhov ne les juge pas : il se contente de fixer sur eux le regard d'un observateur détaché.
Maxime Gorki a écrit à Tchekhov que personne ne savait écrire sur des choses simples aussi bien que lui. « Après votre histoire la plus insignifiante - tout semble grossier, écrit non pas avec une plume, mais avec une poutre ». Voici dix chefs-d’œuvre que vous devez connaître.
Caméléon, 1884
La nouvelle narre un petit épisode qui s'est produit sur la place du marché de la ville de N. Un chien a mordu l'orfèvre Khrioukine au doigt. Il crie au scandale et le superviseur de la police Ochoumelov est appelé pour régler le problème. Dans un premier temps, le représentant de la loi est indigné et crie qu'il faut abattre au plus vite le chien en fuite et infliger une amende à son propriétaire. Mais dès qu'il apprend que le chien appartient à un général, son opinion change. « Comment a-t-il bien pu te mordre ?! » Cependant, par la suite, il s’avère qu'il n'appartenait peut-être pas au général… Alors il faut l’abattre ! Mais ce serait quand même le chien du frère du général ! « Alors c'est leur chien ? Très heureux... »
L'une des premières nouvelles de Tchekhov, que tous les écoliers connaissent et qui montre comment quelqu’un peut changer d'avis en fonction de la personne à qui il a affaire – selon qu’il parle avec des gens haut placés ou avec des personnes ordinaires.
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Vanka, 1886
Vanka, neuf ans, n'a ni père ni mère, il est apprenti chez un cordonnier. La veille de Noël, alors que tout le monde est parti travailler, Vanka sort une feuille de papier froissée et commence à écrire une lettre à son grand-père. Le garçon écrit que le cordonnier le maltraite, qu’il est mal nourri, qu’on le bat pour des broutilles et que les autres apprentis se moquent de lui. Le garçon demande à son grand-père de venir le chercher, promet d'obéir et d'aider. « Je voulais courir au village à pied, mais je n'ai pas de bottes, j'ai peur du gel. »
Un miracle de Noël va-t-il se produire ? Dans la vraie vie, les miracles sont rares… Au lieu de l'adresse exacte, le garçon écrit sur l'enveloppe - « Grand-père au village ». Il est peu probable que la lettre trouve son destinataire. Cette adresse est souvent citée par les Russes, elle désigne lettre vouée à être perdue, une bouteille à la mer.
Kachtanka, 1887
Un petit chien, croisement d’un teckel et d’un chien errant, s'est égaré - son propriétaire s'est saoulé et l'a perdu de vue. Dans la rue, un étranger prend pitié de lui et l'emmène, le nourrit et le garde, lui donnant le surnom de Kachtanka. Le nouveau propriétaire s’avère être un artiste de cirque qui décide d’impliquer le chien dans ses spectacles. Lors d’une des premières représentations, quelqu'un l’appelle par son ancien surnom - c’est l’ancien propriétaire qui est venu au cirque.
Tchekhov humanise le chien et ses pensées et le dote de sentiments, rendant sa différence avec les hommes frappante. Le toutou est attaché à son vieux maître, et même quand il est rassasié, en s'endormant dans sa nouvelle demeure, il lui manque et il se souvient avec nostalgie des moqueries de son fils. Il n'échangera jamais son propriétaire contre le confort, de la nourriture chaude et même la gloire d'un artiste de cirque ; quand son ancien maître l’appelle, il court immédiatement vers lui.
L’Étudiant, 1894
Alors que l'étudiant de l'académie théologique rentrait chez lui, le froid s’est installé et le vent a commencé à souffler. Ses pensées étaient lugubres, il méditait au fait que le même vent soufflait sous Riourik et sous Pierre le Grand, depuis mille ans - et pendant tout ce temps rien n'a changé, la même pauvreté, le même désir et la même ignorance règnent alentour. En chemin, l'étudiant rencontre deux paysannes, des veuves de son village – une mère et une fille. Par ennui, il commence à leur raconter l'histoire biblique de la façon dont Pierre a renié le Christ et suggère que c'était une nuit comme celle-ci, terrible et froide. La mère fond en larmes en entendant ses paroles. Et l'étudiant comprend qu'elle souffre vraiment des tourments de Pierre et de tout ce qui se passe près d'elle...
Au cours de cette nouvelle, l’étudiant subit une transformation incroyable. Lire l'Evangile et les livres religieux est ennuyeux pour lui, et seule une collision avec de vraies personnes et leurs expériences réelles lui ouvre les portes d’une certaine compréhension du sens de la vie.
La Maison à mezzanine, 1896
L'histoire est contée par un artiste qui mène une vie oisive, et dont la sphère d’intérêts se résume à se promener et à boire du thé. Un jour, il rencontre une veuve avec ses deux filles qui habitent à côté dans une maison à mezzanine. La sœur cadette est jeune et rêveuse, admire les peintures de l'artiste et il tombe amoureux d'elle. L'aînée, tout à l'opposé, est active, étudie avec sérieux, enseigne aux enfants des paysans, reçoit des malades, essaie d'organiser un dispensaire pour les paysans... Son activité irrite l'artiste.
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Tchekhov affronte dans l'histoire deux natures. D'une part, une personne active aux vues très larges, qui considère qu'il est important d'aider le peuple, même avec des choses insignifiantes (Tchekhov lui-même était un adepte de la théorie des petites actions et recevait gratuitement des paysans malades dans son domaine). D'un autre côté, un philosophe qui croit que des changements globaux sont nécessaires, et que jusque-là, il ne vaut pas la peine de bouger le petit doigt.
Ionytch, 1898
Le jeune médecin Dmitri Ionovitch arrive dans une ville de province avec une noble mission - soigner les paysans presque sans être payé. Son seul divertissement consiste à rendre visite à la famille Tourkine le soir. Ils donnent des spectacles et leur fille Katia joue du piano. Le médecin s’éprend d’elle et lui demande sa main, mais elle refuse en prétextant la quête d'un « objectif plus élevé et brillant ».
Au fil des ans, le médecin devient flasque, gros et plus terre à terre. Les soirées au domicile des Tourkine l'intéressent peu, contrairement à l'argent et au confort domestique... Il ne marche plus, mais monte sur ses chevaux (pour Tchekhov, un tel détail est très important). Que se passera-t-il lorsqu'il retrouvera sa Katia ?
Tchekhov peint ici son thème préféré - comment les rêveurs deviennent des gens ordinaires, la vie quotidienne finissant par les absorber.
L’Homme à l’étui, 1898
Belikov, même par temps chaud, porte un manteau et un parapluie dans un étui. En général, toutes ses affaires ont leur étui personnel. Il cache son visage derrière son col. Partout et dans tout il aime l'ordre, il est méfiant et anxieux. Et ce n'est que dans le cercueil qu’une expression presque joyeuse anime son visage – « finalement, ils l'ont mis dans un étui dont il ne sortira jamais ».
Tchekhov montre un homme solitaire qui cherche à se cacher du monde entier dans sa coquille. Sa vie est invisible, si vide et dénuée de sens que personne n’est triste quand il meurt...
L’Homme à l’étui est devenu une expression courante dotée d’une connotation négative – on l’applique aux personnes qui ont peur de s'ouvrir au monde et perdent des opportunités car ils refusent de quitter leur zone de confort.
Les Groseilliers, 1898
Le héros de l'histoire travaille dans un bureau, mais rêve de vivre hors de la ville et d'acheter un domaine où il y aura obligatoirement un groseillier. Il économise sur tout, et épargne chaque centime. Il se marie même pour l'argent, mais sa femme se flétrit et meurt de son avarice. Des années plus tard, le rêve est devenu réalité - le héros s'est transformé en gentleman possédant un domaine et il mange ses groseilles avec avidité.
L'histoire est liée au narrateur L’Homme à l’étui et à l'idée générale d’un égocentrisme excessif. De plus, c'est une réflexion importante de Tchekhov sur le bonheur humain.
Douchetchka, 1898
Olenka était si douce que tout le monde l'appelait tendrement « Douchetchka ». Elle se dissout complètement dans les affaires et le soutien apporté à ses maris - d'abord un impresario de théâtre, puis un responsable d'entrepôt de bois, puis un vétérinaire... Elle est non seulement intéressée et impliquée dans leur activité, mais devient une assistante compétente. Même son vocabulaire change en fonction des intérêts de son mari.
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C'est une œuvre importante sur la nature féminine et le rôle de la femme. À la fin du XIXe siècle en Russie, elles ont cessé d'être uniquement des mères et des épouses - la société a exigé qu'elles soient éduquées, travaillent et apporte quelque chose à la société. Tchekhov réfléchit à ce nouveau rôle, mais ne rend aucun verdict.
La Dame au petit chien, 1899
Un homme et une femme mariés mais malheureux se rencontrent pendant des vacances en Crimée et entament une relation de vacances. L’été fini, ils retournent dans leurs familles respectives, mais se languissent l'un de l'autre. Réalisant qu'ils ont trouvé l’amour véritable, ils commencent à se rencontrer en secret et à rêver d'un avenir commun...
L'histoire a été mise à l’écran plus d'une fois, car elle laisse de la place à l'interprétation. À nouveau, Tchekhov décrit non pas des héros recherchant et luttant pour leur bonheur, mais des personnes qui se laissent porter par les aléas de la vie.
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