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Ayant vu le jour en 2009 en tant qu’agence éditoriale proposant ses services à de grandes maisons, c’est en 2015 que Macha Publishing a pris la décision d’ajouter une corde à son arc en débutant, parallèlement à son activité principale, l’édition de ses propres collections. Elle apparait aujourd’hui, pour les amateurs de littérature, comme un médiateur privilégié en matière d’œuvres originaires de Russie ou y ayant trait. Un positionnement qui, selon son équipe, tombait à point nommé.
« La création de Macha Publishing n’était, au début, pas forcément liée à la Russie, puisque nous sommes avant tout un éditeur qui crée du contenu sur divers sujets pour les grandes maisons d’édition. Mais effectivement, dans notre équipe, il y a des gens d’origine russe, et il y a 5 ans, comme on développait aussi des contenus pour le marché russe, notamment pour Hachette, on s’est dit qu’on avait une position unique entre deux cultures, entre la France et la Russie, et on avait l’impression de vraiment comprendre les deux d’une manière un peu plus approfondie. Or, à cette époque-là, une opinion générale un peu négative commençait à s’installer en France quant à la Russie, nous explique Marie Renault, fondatrice de la société et expatriée russe vivant en France depuis 30 ans. Pour moi, c’était peut-être une occasion de proposer au lecteur français quelque chose que nous avions la possibilité de sélectionner directement sur le marché russe, sans passer par des intermédiaires ».
Une stratégie répondant aussi à une soif du lectorat français, avide de se familiariser avec la littérature contemporaine russe.
« C’est vrai que, généralement, les maisons d’édition ont un catalogue bien défini avec une ligne éditoriale un peu restrictive. Du point de vue du lecteur, je pense qu’il y avait vraiment une demande, surtout à cette époque-là, 2000-2010. La littérature russe, qui était jusqu’à la fin des années 90 une littérature post-soviétique, s’ouvrait vraiment vers un large public. C’était un moment où on découvrait ce qu’était vraiment la littérature russe contemporaine. Macha arrivait donc au bon moment », renchérit Alexandra Calmès, éditrice chez Macha Publishing.
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Une fenêtre fidèle sur la Russie
Au sein d’un secteur fortement concurrentiel, dominé par une poignée de géants, Macha Publishing a depuis su s’assurer une confortable place, avec une quinzaine de titres par an, allant de classiques bilingues de poche à des publications jeunesse, en passant par de beaux livres de collection, et occupant une niche qu’elle a su faire sienne par cette double vision.
« Dans n’importe quelle grande maison d’édition où on a été, on a vu comment c’était. Ce sont des équipes, qui sont toutes très professionnelles, mais qui n’ont pas ce bilinguisme, ce biculturalisme, cet amour de la Russie que moi j’ai personnellement. Et de montrer la Russie qui est ouverte, au-delà des clichés, est important pour moi, relate Marie. Je peux lire le texte en russe. Je peux comprendre qu’il peut convenir à la France par son esprit, par son ouverture au monde, proposer une fenêtre sur cette culture russe contemporaine, moderne et au-delà de tous les filtres politiques ».
Un désir de proposer une retranscription fidèle de la Russie au lectorat français qui implique également une haute exigence linguistique en matière de traduction.
« C’est ça aussi la différence avec les grandes maisons d’édition, c’est que, par exemple chez Gallimard, vous aurez un comité de lecture et tout un service de correction orthotypo’, de traducteurs, mais l’éditeur, s’il adapte un livre du russe, ne va pas vérifier lui-même que ça colle bien, que le ton est juste, il se repose sur ses traducteurs. Là, quand on traduit, Marie est derrière chaque phrase », souligne Alexandra.
« Je fais confiance bien sûr à nos équipes, mais je suis capable vraiment de juger si ça va ou pas, et je ne vais pas juste choisir la bonne formule grammaticale qui colle. Si je sais que le sens est différent, que ça ne sonne pas pareil, qu’on a perdu l’humour, qu’on a perdu la métaphore et ce qui fait le style, on va retravailler. C’est d’ailleurs comme ça qu’on a travaillé sur Petrouchka [œuvre de Dina Rubina], on a dû un petit peu plus approfondir la traduction pour éviter le cliché, les lieux communs, et pour transposer tout ce pétillant de la langue d’origine », ajoute Marie, admettant que, selon elle, « le travail de traducteur est de presque devenir transparent, […] de s’effacer devant le livre ».
Une méticulosité qui n’a pas tardé à porter ses fruits, puisque Macha Publishing a rapidement été repérée par Dilisco, distributeur et filiale du groupe Albin Michel, ce qui lui permet aujourd’hui d’être représentée tant dans des librairies indépendantes que dans de grandes chaînes, à l’instar de La Fnac, Cultura et Furet du Nord.
Cette interculturalité n’a également pas manqué de séduire les auteurs eux-mêmes, qui y voient l’opportunité d’une meilleure mise en valeur, plus individualisée.
« En termes d’impact, les auteurs ont parfois aussi intérêt à venir chez nous, car ce n’est pas seulement une question de travail éditorial. Dina Rubina avait été éditée [par d’autres maisons], mais c’est la première fois que les gens en entendent vraiment parler. Et pourtant, on n’a pas du tout les mêmes machines. Mais c’est juste que ce sont des maisons d’édition qui font des choix, qu’ils défendent plus ou moins, alors que nous, quand on prend un livre, on va forcément le défendre parce qu’on en a moins. On a plus d’énergie à y consacrer », assure Alexandra, soutenue par Marie, qui qualifie cela de véritable « aventure humaine ».
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Surmonter le frein pandémique
L’équipe de Macha Publishing met en effet un point d’honneur non seulement à adapter avec fidélité les textes des auteurs, mais aussi à accompagner ces derniers dans leur promotion auprès du public, et ce, dans le cadre de multiples événements. L’on peut ainsi citer la rencontre organisée, en octobre 2019, à l’Inalco, avec Dina Rubina (Le Syndrome de Petrouchka, Du côté ensoleillé de la rue), ou la visite, la même année, d’Andrei Astvatsatourov (Il est interdit de nourrir les pélicans, Les Gens à nu) au festival des Étonnants Voyageurs, à Saint-Malo. La société est en outre de toutes les grandes dates, de la Foire du livre de Francfort aux Journées du livre russe de Paris.
L’année 2020, marquée par la pandémie, a toutefois apporté ses correctifs dans le calendrier de l’entreprise. Si les ventes de livres n’ont accusé qu’une légère baisse l’an passé (-2% de chiffre d’affaires pour l’ensemble des acteurs du marché national français, contre +5% en 2019), les manifestations culturelles, elles, ont été en majorité annulées.
Dans l’attente de pouvoir à nouveau prendre part aux salons et autres rendez-vous littéraires, la maison est cependant parvenue à redoubler d’imagination pour réunir les deux extrémités de la chaîne éditoriale, conviant écrivains et lecteurs à de nombreuses conférences en ligne. Enfin, les projets collaboratifs ne manquent pas non plus, et Macha Publishing se réjouit notamment de la récente reprise, par les éditions Pocket, de ses traductions de l’œuvre de Rubina.
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