Pas de pitié: trois ennemis de l’URSS abattus à l’étranger

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Dans les années 1930-1950, le renseignement soviétique n'a jamais eu de remords à éliminer les politiciens problématiques. Retour sur le destin de trois hommes qui furent exécutés par des agents soviétiques à l'étranger.

« Il n'y aura aucune pitié pour les espions et les traitres à la patrie » : tel était le titre d'un article du journal d'État, Bolchevik, en 1937. Cette phrase pourrait aussi être la devise des services secrets soviétiques, le mot traitre se référant à toute personne dont les actions nuisaient quelque peu au Parti communiste et aux intérêts de ses dirigeants tout-puissants.

Les espions soviétiques n'ont ménagé ni leurs efforts, ni leur argent pour exterminer les « ennemis de l'État », même s'ils vivaient très loin de la Russie. Cette méthode de lutte contre les rivaux politiques était particulièrement populaire sous le règne de Staline, mais elle a persisté après sa mort.

Alexander Koutepov – un leader « blanc » en Europe

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L'officier impérial russe Alexander Koutepov (1882 – 1930) a consacré sa vie à servir la monarchie. Lorsque la Révolution d'octobre éclata en 1917, il sut immédiatement de quel côté de la barricade il se trouverait. Le colonel (et futur général) Koutepov est devenu l'un des principaux commandants de l'Armée blanche, contribuant à unifier les forces antibolcheviques pendant la guerre civile (1917–1922). Mais ses talents n'ont pas empêché le Mouvement blanc d'échouer, l’obligeant à fuir la Russie pour l'Europe en 1920.

La croisade de Koutepov contre le communisme a toutefois continué, et en 1929, il est devenu président de l'Union russe des forces armées (ROVS), une organisation d'émigrés du mouvement blanc désireux de vaincre les bolcheviks. En tant que président des ROVS, Koutepov a organisé des attentats terroristes en URSS, comme l’explosion au Club central du Parti communiste de Leningrad. Il n'est donc pas surprenant que les agents de l'OGPU (nom du renseignement de l’époque) aient décidé de réagir.

On ne sait toujours pas précisément ce qui est arrivé à Koutepov (et toutes les informations officielles restent classées), mais il a été vu pour la dernière fois en vie à Paris le 26 janvier 1930. Selon les mémoires de Pavel Soudoplatov, un ancien espion soviétique, deux agents habillés en policiers français ont arrêté Koutepov dans la rue et l'ont conduit dans une voiture. Après les avoir entendu parler russe, Koutepov a tenté de fuir et est mort soudainement d'une crise cardiaque. Une autre version prétend que les agents qui tentaient d'enlever Koutepov lui ont accidentellement administré une dose excessive de morphine, provoquant sa mort.

Léon Trotski – un bolchevique en disgrâce

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Au cours de la guerre civile, Léon Trotski (1879–1940), un chef bolchevik de longue date et commandant talentueux qui fonda l'armée rouge, a souvent été désigné comme le deuxième homme du parti (après Vladimir Lénine). La popularité et l'influence de Trotski semblaient inattaquables, mais le temps a prouvé que ce n'était pas le cas.

Après la mort de Lénine en 1924, Staline a lentement évincé les partisans de Trotski hors du gouvernement et a concentré tout le pouvoir entre ses mains. En 1927, Trotski fut exclu du Parti communiste, et il fut peu après exilé de l'URSS. Les pays européens le rejetant l’un après l’autre sous la pression de Staline, Trotski finit de l'autre côté du monde, au Mexique.

Mais Staline se rendit vite compte que laisser son ennemi fuir le pays était une erreur. Même en exil, Trotski continuait à publier des livres et des articles dénonçant le régime de Staline, « pervertissant » ainsi  les idéaux du marxisme et de la révolution. Il essayait également de créer un mouvement socialiste antistalinien mondial. Staline a alors décidé de se débarrasser de son adversaire.

Pavel Soudoplatov, directeur adjoint du département étranger du NKVD, a planifié l'assassinat: un stalinien espagnol, Ramón Mercader, feignant d’être un admirateur de Trotski, a accédé à son premier cercle et lui rendait souvent visite dans sa maison de Coyoacán. Le 20 août 1940, alors qu’ils étaient seuls dans une pièce, Mercader est passé à l’action. Alors que Trotski se penchait sur la table pour regarder de plus près un article que Mercader lui avait apporté, il frappa Trotski avec un pic de glace, le blessant mortellement.

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Bien que sa blessure à la tête atteignît environ 7 centimètres de profondeur, Trotski a survécu près d’une journée. Mercader fut finalement condamné à 20 ans de réclusion dans une prison mexicaine où il est resté jusqu'en 1960. Après sa libération, Mercader a déménagé en URSS et les autorités lui ont décerné la médaille de Héros de l'Union soviétique. Il est enterré à Moscou.

Stepan Bandera – un symbole du nationalisme ukrainien

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Aujourd'hui encore, Stepan Bandera (1909 – 1959) reste l'un des personnages les plus controversés de l’espace post-soviétique. Beaucoup d'Ukrainiens le considèrent comme un combattant de la liberté qui a mené les mouvements anti-polonais et antisoviétiques dans l'Ukraine occidentale des années 1920–1930. Beaucoup d'autres en Ukraine et en Russie, en particulier ceux restés fidèles au passé soviétique, le condamnent pour sa collaboration avec les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale et des massacres de civils innocents. Une chose est certaine: il était un ennemi inflexible de l'URSS.

Au début des années 1950, Bandera, qui avait été par le passé prisonnier au camp de concentration de Sachsenhausen, s'est installée à Munich où il a coopéré avec les services de renseignement occidentaux dans l’espoir de détruire le communisme et de libérer l’Ukraine. Il avait déjà été la cible de plusieurs tentatives d'assassinat, de sorte que ses partisans l'ont supplié de quitter la ville pendant un certain temps. Bandera accepta, mais avant de partir, il fut finalement assassiné suite à une dernière tentative.

Le 15 octobre 1959, l'agent du KGB Bohdan Stashinsky attendait Bandera à l'entrée de son immeuble et tenait un pistolet à seringue chargé de cyanure caché dans un journal plié.

« Qu'est-ce que tu fais ici? », a demandé Bandera à Stashinsky, qui l'a frappé mortellement de son journal. Ironie du sort, deux ans plus tard, Stashinsky, qui avait réussi à quitter les lieux sans être arrêté par la police, s’est enfui pour l'Allemagne de l'Ouest avec sa femme et a demandé l’asile politique. Il a avoué avoir tué Bandera et a passé quatre ans en prison.

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