Gabrielle Lazure: le Festival de Honfleur, occasion de mieux comprendre la Russie

L’actrice, réalisatrice et auteur Gabrielle Lazure présidera le jury du 26e Festival du cinéma russe de Honfleur qui aura lieu du 20 au 25 novembre. Dirigé les années précédentes par Safy Nebbou, Frédéric Beigbeder, Stéphane Freiss, Vincent Perez et d’autre cinéastes exceptionnels, le jury sera, pour la première fois dans l’histoire du festival, entièrement féminin. Russia Beyond a rencontré Gabrielle Lazure à quelques jours du lancement de cet évènement tant attendu par les cinéphiles.

Russia Beyond : Comment vous êtes-vous retrouvée à la tête du jury du festival du cinéma russe ?  

Gabrielle Lazure : Ce n’est pas vraiment un hasard, j’ai participé au dernier film d’Igor Minaev, réalisateur russe qui vit en France, La robe bleue. C’est Igor qui a proposé ma candidature à Françoise Schnerb [Présidente du Festival du cinéma russe à Honfleur, ndlr]. À ce moment, il n’y avait qu’une seule personne dans le jury – Dinara Droukarova, une actrice russe qui tourne en Russie et en France. Nous avons déjà travaillé ensemble dans un autre jury et je l’ai trouvée très sympathique. J’ai accepté cette invitation et j’ai fait une liste de toutes les réalisatrices que j’aimais bien, puisque cette année le festival rend hommage aux femmes.

Souvent dans les festivals on se retrouve presque qu’avec les acteurs, qui, bien sûr attirent plus facilement le public et les journalistes, mais personnellement, je préfère discuter cinéma avec les réalisateurs, scénaristes ou producteurs – des personnes qui connaissent vraiment le métier d’une autre manière. Donc, j’ai fait venir deux réalisatrices : Sylvie Verheyde et Sandrine Veysset, qui ont été rejointes par Sylvie Braibant, journaliste et rédactrice en chef à TV5Monde. Finalement, on se retrouve entre cinq femmes.

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Russia Beyond : Que pensez-vous de cette décision inédite de former un jury exclusivement féminin dans un monde cinématographique dominé par les hommes ?

Gabrielle Lazure : Je ne pense pas que le jury féminin aura une quelconque manière particulière de juger. Quand le jury est complètement masculin, personne ne dit rien. D’ailleurs, récemment j’ai vu un film québécois extraordinaire, magnifiquement bien réalisé, Chien de garde, qui représente le Canada pour les Oscars cette année. C’est le premier film d’une jeune réalisatrice, Sophie Dupuis, et on dirait vraiment que c’est un film de mec. Une sorte de Scorsese à la québécoise, un genre de polar, mais très émotionnel, très psychologique et avec un rythme très soutenu. Elle a fait beaucoup répéter les acteurs et le jeu est vraiment extraordinaire, on y croit complètement. Je pense que les femmes (pas toutes, évidemment) ont peut-être cette capacité et cette sensibilité particulière de diriger les acteurs. Mais en général, le cinéma, comme beaucoup d’autres formes d’art, reste très masculin.

Russia Beyond : Quel sont vos points de repère dans le cinéma russe ?

Gabrielle Lazure : Je connais très mal le cinéma russe contemporain, j’en suis restée à Tarkovski que j’adore. J’ai aussi connu, à l’époque du cinéma Cosmos rue de Rennes, à Paris, Kontchalovski, Mikhalkov. Mais je crois que le cinéma russe a beaucoup évolué. Ce à quoi je pense, surtout, c’est qu’en Russie et même dans d’autres pays de l’Est, en général, les acteurs sont formidables, ils ont l’école de Stanislavski, leur jeu est authentique, très vrai, organique, peut-être moins intellectuel qu’en Occident. Même si le cinéma lui-même est intellectuel, souvent le jeu d’acteurs est assez physique, émotionnel, il a ce côté immédiat et sincère qui me plaît beaucoup. C’est le cinéma, qui a beaucoup inspiré les cinéastes à travers le monde.

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Russia Beyond : Y a-t-il un personnage qui vous inspire personnellement, chez les classiques russes ?

Gabrielle Lazure : Je pense à Tchekhov, à ces héroïnes, pleines de tragisme. En tant qu’actrice, j’aime jouer des émotions fortes, des histoires tragiques, des personnages un peu fous, qui ont des problèmes mentaux, ou qui se prostituent, qui se droguent, quelque chose qui sort de l’ordinaire. En tant que spectatrice, j’aime voir des films qui m’emmènent en voyage mystique, spirituel, qui me font sortir de moi-même, me poser des questions. Quand on ne rentre pas vraiment dans un film, quand on n’est pas embarqué dans l’aventure avec le cinéaste, on s’accroche à des défauts et on ne remarque que ça. Souvent, les premiers films des réalisateurs sont intenses, on y met beaucoup d’énergie, j’espère voir ça au festival.

Russia Beyond : Qu’attendez-vous du festival de Honfleur ?

Gabrielle Lazure : Le rôle de ce genre de festivals c’est entre autres de montrer des films pas trop importants, à petits budget, comme des premiers films, de les faire connaitre. J’ai été dans de nombreux jury et ce que je trouve formidable, c’est qu’on découvre des films qui, malheureusement, parfois n’ont pas de distributeurs et ne sortent jamais en salle. Sans festivals on ne les verrait jamais. Et on peut y voir de petites pépites, des œuvres merveilleuses mais qui ne sont peut-être pas assez commerciales. C’est difficile de trouver une distribution aujourd’hui. Le cinéma d’auteur, ce n’est pas simple, mais je l’adore. Je préfère des œuvres plus personnelles, quand le cinéaste prend un peu de risque, se met en danger et propose quelque chose d’original. C’est ce que j’aime dans les festivals.

Je ne suis jamais allée en Russie et je suis curieuse de rencontrer les cinéastes russes. Après avoir vu les films au festival, je pense que je me ferai une idée un peu plus nette de la Russie, cette expérience va me permettre de voir à quoi ressemble la Russie d’aujourd’hui.

Biographie

Actrice, réalisatrice, chanteuse et auteur, Gabrielle Lazure naît à Philadelphie et grandit à Montréal. En 1978, alors qu’elle est étudiante en psychologie, elle s’installe à Paris et devient comédienne. Elle débute au cinéma avec Alain Robbe-Grillet dans La Belle Captive. Elle tourne dans plus de 70 films et téléfilms, principalement en France, mais aussi au Canada et aux États-Unis. En août 2018, elle tient un rôle principal dans Une Manière de Vivre, le dernier long-métrage de Micheline Lanctôt, avec Laurent Lucas. Depuis la rentrée elle est l’une des héroïnes du nouveau feuilleton quotidien de France 2 Un si Grand Soleil. Son récit autobiographique Maman…Cet Océan entre Nous est sorti le 19 septembre aux éditions l’Archipel. Une séance de dédicaces par Gabrielle Lazure est prévue sur le stand de la Librairie du Globe le 23 novembre.

Pour avoir un aperçu du programme de cette 26e édition du Festival de Honfleur, retrouvez ici notre précédent article à ce sujet.

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