Starobinets, une jeune femme menue aux yeux de biche, s’est imposée comme la « reine de l’horreur » russe, bien que sa prouesse littéraire l’ait également élevée à la catégorie élitiste de « fantastique intellectuel ». Née en 1978, c’est aussi une journaliste réputée.
De fait, Starobinets possède un talent singulier, même s’il n’est pas certain que la traduction de son premier recueil l’introduira à un public étranger. Le personnage principal de Je suis la Reine, Maxime, se métamorphose en quelque chose de démentiel, plus sombre encore que Frank, l’enfant dans l’œuvre controversée de Iain Banks, Le Seigneur des guêpes. Tout comme la maladie mentale explique les actes diaboliques de Maxime, l’histoire s’abîme dans l’horreur viscérale, se concentrant sur la mue et la décadence, et une renaissance monstrueuse.
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La nouvelle Les règles commence assez simplement avec un enfant atteint de troubles obsessionnels-compulsifs. Là encore, Starobinets fait preuve d’une compréhension adroite des stratégies et raisonnements quotidiens, laborieux, des malades mentaux. Néanmoins, la misère de Maxime n’est pas complètement incompréhensible. À l’instar des autres personnages de Starobinets, le garçon est engendré dans un environnement oppressant et triste. Ses parents semblent tout du moins favoriser sa métamorphose. Sa mère, pitoyable, ne fait rien tandis qu’il se renferme sur lui-même, sauf pour menacer les autres. Maxime devient gros et laid. Des insectes lui rampent dans le nez. Il mange les déjeuners des autres enfants. Il stocke du sucre. Il coud des choses dans son coussin. Il surveille les menstruations de sa sœur. Sa mère découvre son journal, un morceau de poésie révélateur d’un esprit des plus malades et de la désintégration de la personnalité.
Beaucoup d’enfants ont des moments quand ils doivent compter ou répéter des mots, convaincus que sinon quelque chose de terrible arrivera. C’est effectivement ce qui arrive à ce petit garçon, et une voix dans sa tête lui explique que les « règles » vont devenir beaucoup plus compliquées. C’est une voix qui fait froid dans le dos.
Les désordres et maladies mentaux sont un motif pour l’auteur. Au premier abord, c’est une manière d’expliquer les malheurs, la tragédie et le mal dans ces textes. Mais il y a autre chose qui sent mauvais dans le frigo (dans l’une des nouvelles, le personnage principal tombe amoureux de la nourriture avariée dans le réfrigérateur). En d’autres termes, la maladie n’explique pas la profondeur de la monstruosité.
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Il existe une théorie selon laquelle toute l’anxiété, l’impuissance et la rage d’une famille peut se dissimuler et suppurer dans un seul membre vulnérable, celui qui tombe malade, voire se transforme en monstre. C’est comme ça que Starobinets voit la société elle-même.
Est-elle plus qu’un écrivain de nouvelles d’horreur ? En Russie, on la compare à Stephen King et même à Kafka. À travers les personnages schizophrènes d’anti-contes de fée, ses nouvelles communiquent quelque chose d’urgent, même si cela reste insaisissable. Le lecteur ne distingue pas toujours le réel de l’imaginé, mais comprend bien que la négligence n’est jamais bénigne, dans une famille ou une société, et que tous les monstres proviennent du sein d’une mère.
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