Maria s’est retrouvée en France pour les études : elle est venue poursuivre sa formation après avoir obtenu un diplôme de l'Université d'État de Moscou au milieu des années 1990. Au moment du déménagement, elle parlait couramment la langue locale, et n’a donc eu aucun problème d'adaptation. Elle s'est peu à peu plongée dans la vie parisienne, mais n'a pas perdu contact avec sa patrie, notamment grâce au fulgurant développement des technologies de communication s'étant produit à cette même époque. Dans son nouveau pays, la jeune femme a rencontré son mari, et aujourd'hui le couple a deux enfants, de 15 et 11 ans.
« Il va sans dire qu'au début, ils ont commencé à parler russe et bulgare, langue de mon mari. Mais cela ne les a pas empêchés de parler français un peu plus tard, lorsqu'ils sont allés à l'école maternelle », se rappelle Maria. Aujourd'hui, ses enfants se débrouillent également dans d'autres langues, comme l'anglais, tandis que l’espagnol est en ligne de mire.
Selon elle, chaque langue est un monde à part entière, et priver son enfant de la possibilité de la maîtriser sans efforts par la communication quotidienne est un crime. « Je ne comprends pas les parents qui négligent cette opportunité, dit-elle. J'ai rencontré à de nombreuses reprises en France des familles russophones, où les enfants ne parlaient pas la langue de leurs parents. La connaissance d'une langue ce sont de nouveaux horizons, un nouveau cercle de communication, l'accès à une vaste couche culturelle, sans parler du fait que l'apprentissage des langues accroît le potentiel du cerveau ».
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Aujourd'hui, la fille de Maria étudie au lycée dans une classe ayant comme première langue étrangère le russe, mais malheureusement la jeune femme n'a pas réussi à y inscrire son fils. « Le refus a été motivé par un manque de places, ce qui est, à mon avis, très injuste, car l'école est proche de notre maison, nous confie-t-elle. Nous voulions vraiment que notre fils puisse passer son bac de russe ».
Si le russe est la langue dans laquelle elle continue à leur parler, Maria remarque que dernièrement, elle doit de plus en plus rappeler à ses enfants de s’en servir plus souvent. « En grandissant, ils se "francisent" et même à la maison parlent français entre eux », explique-t-elle.
Cependant, les enfants de Maria, sans l'aide de leurs parents, se sont habitués à l'Internet en langue russe, où ils trouvent des films, de la musique et des vidéos russes. « Mon fils parvient même à communiquer avec des enfants russophones grâce à ses jeux en ligne. Ce n'est pas toujours le vocabulaire standard, mais une langue ce n'est pas seulement la littérature classique. Parfois, j'entends moi-même de nouvelles expressions de la part des enfants », illustre cette mère expatriée.
En plus de communiquer en russe, les enfants de Maria sont restés en contact avec la culture du pays de leur mère à travers le monde de l’audiovisuel. « Petits, mes enfants regardaient principalement de bienveillants et jolis dessins animés, dont la création remonte à l’époque soviétique. Ils les aiment toujours et se souviennent d'eux, bien qu'ils n'aient pas échappé à la vague de l’industrie européenne contemporaine du dessin animé pour enfants. Bien sûr, leurs premiers livres étaient aussi en russe », souligne-t-elle.
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Maria est heureuse que ses enfants ne se sentent pas complètement étrangers lorsqu'ils communiquent avec leurs pairs russophones en Russie. « Si je pouvais donner un conseil aux parents russophones qui élèvent des enfants en France, ce serait sans ambiguïté : enseignez le russe à vos enfants, chantez-leurs des chansons russes, lisez des poèmes et des contes de fées, montrez des dessins animés et parlez russe vous-même. La culture russe est une immense et magnifique partie de la civilisation mondiale », soutient-elle.
Ioulia a rencontré son futur mari Maxim, un Russe, dont les proches ont obtenu l'asile politique aux États-Unis, lors d'un voyage touristique dans le pays. Laissant amis, parents et un emploi dans une banque à Moscou, la jeune femme est partie de zéro. Le couple a traversé beaucoup de choses, y compris des tentatives de divorce. Aujourd'hui, huit ans après son départ de Russie, ils élèvent deux jeunes enfants – Emily, cinq ans, et Nicolas, quatre ans.
Aux États-Unis, il existe tant de nationalités qu'il n'y a tout simplement pas de système d'éducation commun, témoigne Ioulia. Ceci dit, selon elle, les familles américaines enseignent systématiquement les bonnes manières à leurs enfants. « J'aime le fait qu'ils sont toujours polis, qu'ils disent "bonjour", "merci", "désolé" », dit-elle. Elle ne rejette pas la culture locale et y intègre ses enfants en douceur, mais elle aimerait qu'ils préservent la partie russe d'eux-mêmes.
À la maison, toute la famille parle russe. « Max et moi avons un accord : nous devons nous corriger mutuellement si l'un de nous commence à mélanger les langues et à insérer des mots anglais. C'est pourquoi, bien sûr, les enfants connaissent très bien la langue », assure-t-elle.
Selon la jeune femme, chaque voyage à Moscou se termine avec deux valises de livres pour enfants. « Nous avons une tradition : le soir, je leur lis deux ou trois contes de fées russes, puis je chante des berceuses. Sans cela, Emily et Nicolas ne peuvent pas s’endormir », confie Ioulia.
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Jusqu'à l'année dernière, les enfants de Ioulia côtoyaient un jardin d’enfants russe local, mais en 2018, ils sont passés à une école maternelle américaine. Emily s'est adaptée assez rapidement, mais pour le cadet, Nicolas, cela a été plus difficile. Ioulia était très inquiète pour son fils. « Quand j’allais au travail après la maternelle, des pleurs d’enfants résonnaient dans mes oreilles », se rappelle-t-elle. Finalement, Nicolas y a trouvé un ami russophone et son acclimatation s'est faite plus en douceur.
Chaque week-end, Ioulia emmène ses enfants à l'église orthodoxe russe et leur enseigne également la prière. « Je crois que dans le monde fou d'aujourd'hui, il est très important que les enfants aient foi en Dieu, pour qu'ils puissent toujours trouver la paix de l’âme », affirme-t-elle.
L'un des conseils que Ioulia donne aux parents se trouvant dans la même situation qu’elle est de raconter à leurs enfants des histoires de famille. « Il faut évoquer l'endroit où maman, papa, les grands-parents sont nés, étudier ensemble la carte du pays et nommer les villes », explique-t-elle.
Ioulia dit qu'Emily pose beaucoup de questions à ses parents sur ses origines. « Il est difficile pour elle de comprendre pourquoi ses parents sont nés en Russie tandis qu’elle est venue au monde en Amérique, pourquoi tous les membres de sa famille connaissent deux langues tandis que les gens qui l'entourent à l’école et dans la rue ne connaissent que l'anglais, dit-elle. Cependant, Emily se considère comme Russe, elle le dit elle-même : "Je suis une petite fille russe". Elle aime se comparer aux beautés russes des coloriages que j'ai rapportés de Moscou ». Quant à Nicholas, il semble de son côté avoir un penchant pour la culture américaine.
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Ioulia, qui s'efforce de garder ses enfants en contact avec sa langue et sa culture d'origine, admet néanmoins que plus tard ils sont susceptibles de se considérer tout de même comme des Américains. Mais elle voit cela avec philosophie : « L'essentiel est qu'ils sentent et comprennent qu'ils possèdent un monde intérieur riche qui combine au moins deux cultures », conclut-elle.
Svetlana a rencontré son futur mari marocain lorsqu'il étudiait à Iaroslavl. En 2005, le couple a déménagé en Afrique du Nord avec leur fils de cinq ans. Quand on lui demande s'il a été difficile de s'adapter dans ce nouveau pays, elle hausse les épaules : « C'est difficile à dire, ça fait 15 ans. La vie au Maroc est très différente de celle en Russie, et il est même impossible de les comparer ».
De manière générale, Svetlana a réussi à s'assimiler dans ce pays, où elle a eu deux autres enfants. Ainsi, alors que l'aîné a maintenant 17 ans, les plus jeunes ont aujourd’hui 12 et 8 ans. Ses enfants parlent bien le russe et participent activement aux activités de l'association Maison Russe au Maroc, dont elle est l'une des fondatrices.
« Je n'essaie pas de préserver la culture russe chez mes enfants, cela se fait naturellement », explique-t-elle son principe fondamental d'éducation. De plus, selon Svetlana, elle se rend régulièrement avec ses enfants en Russie, de même que sa mère vient fréquemment au Maroc. « Après le départ de leur grand-mère, les enfants commencent à utiliser des phrases complètement nouvelles, parce que moi je choisis un vocabulaire simple, mais pas elle », s’amuse-t-elle. Le fait que la plupart des amis de Svetlana soient originaires de Russie joue également un rôle important, puisque cela signifie que ses enfants peuvent passer du temps avec d'autres enfants de familles russophones.
Il n'est en outre pas surprenant que le fils aîné de Svetlana parle mieux sa langue maternelle que ses cadets. Sa mère se souvient l'avoir emmené à l'école russe de l'ambassade, où les cours n'ont lieu qu'une fois par semaine, mais avec une lourde charge de travail dans toutes les matières. Néanmoins, Svetlana est persuadée que le succès de son fils aujourd'hui est davantage lié à sa propre motivation : « Je ne peux pas le forcer à apprendre le russe, c'est son choix, explique-t-elle. Il veut parler au niveau d'un locuteur natif, sans accent, passe beaucoup de temps sur l'Internet russophone, regarde YouTube et lit des articles ».
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L'un des conseils les plus importants que cette femme donne aux autres mères qui essaient de garder leur enfant en contact avec sa seconde patrie est de ne pas avoir peur de communiquer avec lui uniquement en russe jusqu'à l'âge de la scolarité. Svetlana est également très familière avec les craintes quant au fait que les enfants puissent ne pas être capables d'apprendre la langue locale. « Mon aîné avait des difficultés à apprendre l'arabe, alors j'ai décidé que je donnerais plus de langue locale aux cadets. En fait, ça n'a pas marché mais ils se sont rattrapés à l'école, raconte-t-elle. Il n'est donc pas nécessaire de penser que cela pourrait nuire à l'enfant, il apprendra la langue locale en un an ou même en quelques mois ». Selon elle, les parents qui ont eu peu ou pas de contact avec leurs enfants en russe peuvent en réalité le regretter. « Les enfants viendront et diront à 15 ans : "Maman, pourquoi ne m'as-tu pas parlé russe ?" Mais il sera déjà trop tard », certifie-t-elle.
Tout en s'engageant dans des activités publiques pour promouvoir la culture russe auprès des enfants de ses compatriotes au sein de son association, Svetlana tente également de se laisser guider par le principe de processus naturel de transmission des connaissances. Les activités de la Maison Russe au Maroc plongent ainsi les enfants dans le monde de la communication personnelle en utilisant le vocabulaire du quotidien, les aident à maîtriser les formes de l'étiquette de leur seconde patrie, leur donnent des leçons d'histoire à travers les célébrations traditionnelles russes comme le 8 mars (Journée de la femme) et le Jour de la Victoire, et leur présentent la culture russe au travers de concerts et concours de lecture.
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Aujourd'hui, l'association regroupe 60 familles, soit au moins 180 personnes, et la préparation des grands événements peut prendre plusieurs mois. « Notre travail ne consiste pas seulement à enseigner la langue russe, nous voulons que nos enfants se sentent chez eux parmi les Russes, souligne Svetlana. Bien sûr, plus tard, ils décideront eux-mêmes de l'endroit où ils vivront, nous leur offrons simplement la possibilité d'absorber deux cultures à la fois ».
Vous êtes expatrié en Russie et hésitez à placer votre enfant dans une école locale habituelle ? Voici le témoignage d’une jeune française y ayant été scolarisée.
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