En images: Tikhvine, patrie de Nikolaï Rimski-Korsakov 

Fondée là où se serait produit un miracle, cette petite localité tint un rôle étonnamment important dans l’histoire de la Russie du Nord-Ouest.

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Monastère de la Dormition de Tikhvine. Vue sud par-delà l’étang Tabory. Photographie prise par William Brumfield le 14 août 2005.

Située à 230 kilomètres à l’est de Saint-Pétersbourg, la petite ville de Tikhvine gravite aujourd’hui dans l’orbite de la capitale du Nord. Plusieurs siècles avant que Pierre le Grand ne fonde sa ville sur les bords de la Néva, Tikhvine était déjà blottie au cœur des forêts septentrionales de la Russie ancienne. Au Moyen-Âge, elle était connue comme le refuge d’une des icônes les plus vénérées de Russie. Le nom de Tikhvine est aussi célèbre pour être celui de la ville où naquit le compositeur Nikolaï Rimski-Korsakov (1844-1908). La maison où il vit le jour est bien conservée et accueille aujourd’hui un musée très intéressant. 

La ville tient son nom de la Tikhvinka, la petite rivière sur laquelle elle fut construite. Il signifie « calme ». Сe petit cours d’eau appartient au bassin du lac Ladoga. Au début du XIXe siècle, il était au cœur d’un petit système de canaux qui menaient à Saint-Pétersbourg.

Les origines de Tikhvine

L’origine de la fondation de Tikhvine remonte à un miracle. On raconte qu’en 1383, une icône de la Vierge portant son enfant flottait dans les airs près de la rivière Tikhvinka. Le type de cette image sacrée est très ancien : il s’agit d’une Hodégétria (en grec, « qui montre la voie »), ainsi nommée parce que la Mère de Dieu (Théotokos) le montre de sa main droite. L’invention d’une icône aussi ancienne à Tikhvine fut interprétée comme un signe de la faveur accordée par Dieu à la Russie.


Monastère de la Dormition de Tikhvine. Vue sud-est de l’église de la Dormition et des chapelles attenantes. Photographie prise par William Brumfield le 14 août 2005.

En 1383, une église en rondins consacrée à la Dormition fut construite à l’endroit de l’apparition miraculeuse de l’icône de la Vierge. Un village (погост – pagost) grandit progressivement autour de l’église qui abritait une des icônes qui serait plus tard parmi les plus révérées dans l’Église orthodoxe russe.

En termes plus prosaïques, Tikhvine bénéficia de sa situation sur les routes commerciales qui menaient du nord-est de la Russie et le sud par le lac Ladoga vers la mer Baltique.

L’abondance de fer des marais dans les tourbières de la région voisine d’Oustioujna favorisa le développement du travail de ce métal dans de nombreuses forges de Tikhvine et d’Oustioujna. Jusqu’à la fin du XVe siècle, ces deux petites villes étaient contrôlées par Novgorod la Grande, ville qui dominait l’économie du Nord de la Russie.

Une icône maintes fois rescapée du feu

Église de la Dormition. Fresques et iconostase. Photographie prise par William Brumfield le 14 août 2005.

L’église en bois de la Dormition demeurait le centre de la petite localité de Tikhvine. Elle fut plus d’une fois détruite par le feu auquel échappa toujours l’icône de la Vierge. Lorsque le grand-prince de Moscou Ivan III (1440-1505) soumit Novgorod, la protection à apporter à l’image sacrée de la Vierge de Tikhvine incomba désormais à Moscou.

Après que l’église de la Dormition eut péri une nouvelle fois dans un incendie en 1500, le grand-prince de Moscou Vassili III (1479-1533), le fils d’Ivan III, ordonna qu’elle soit reconstruite en pierre. En 1507, il fit un don pour financer les travaux d’une église plus grande que celle qui avait brûlé. La nouvelle église, dont la forme générale copiait celle de la cathédrale de la Dormition de Moscou avec ses cinq coupoles, fut érigée entre 1510 et 1515 par l’architecte de Novgorod Dmitri Syrkov avec la bénédiction de l’archevêque de cette ville Sérapion (1444-1516). Une grande iconostase trouva sa place à l’intérieur.

Église de la Dormition. Pilier sud-ouest et dais protégeant l’icône de la Vierge de Tikhvine. Photographie prise par William Brumfield le 14 août 2005.

L’église de la Dormition en brique blanchie à la chaux dominait le reste des constructions en bois du village. Durant le 3e quart du XVIe siècle, en 1560, Ivan IV le Terrible (1530-1584), le fils de Vassili III, fonda un monastère près de l’église. La construction des bâtiments fut confiée à Fiodor, le fils de Dmitri Syrkov. Il déplaça les maisons situées autour de l’église pour libérer l’espace pour le monastère qu’il entoura d’un rempart en gros rondins. Cette fondation devait aussi servir de fortin destiné à protéger la région des incursions des Suédois, ennemis de longue date de la Russie.

Église de la Dormition. Fresques de l’Apocalypse de la galerie ouest. Photographie prise par William Brumfield le 14 août 2005.
 

En 1581, dans la partie sud du monastère, fut érigée l’église en brique de l’Intercession et un réfectoire d’un étage attenant et une grande salle à manger, qui nous sont parvenus dans un bon état de conservation. En 1600, un campanile élevé à l’est de l’église de l’Intercession vint compléter l’ensemble. Il fut largement transformé par la suite. Partiellement détruit à l’automne 1941, ce clocher a été reconstruit selon un plan qu’on pense être l’originel.

Le Temps des Troubles et le retour de la prospérité

Monastère de la Dormition de Tikhvine. Campanile et réfectoire de l’église de l’Intercession (1581). Photographie prise par William Brumfield le 14 août 2005.

Au début du XVIIe siècle, Tikhvine traversa de nombreuses épreuves. Après la mort du tsar Boris Godounov en 1605, la Russie plongea dans une période de chaos destructeur connue comme le Temps des Troubles : en l’absence d’un héritier au trône de Moscou incontesté, plusieurs camps qui s’affrontaient, dont celui de prétendants polonais, attisèrent le feu d’une déflagration sociale qui consuma bientôt presque toute la partie européenne de la Russie.

Monastère de la Dormition de Tikhvine. Église de l’icône de la Vierge prise de la porte ouest du mur d’enceinte du monastère. Photographie prise par William Brumfield le 14 août 2005.

En 1609, certaines factions incitèrent la Suède à s’opposer à la Pologne. Le projet échoua l’année suivante et la Suède mit à profit le chaos ambiant pour renforcer ses positions économiques et repousser la Russie loin de la mer Baltique. En 1611, des troupes suédoises placées sous le commandement de Jacob de la Gardie (1583-1652) prirent Novgorod puis Tikhvine. Mais, fin 1613, les habitants de la petite ville se soulevèrent contre la garnison suédoise qui y était stationnée. Lorsque les Suédois lancèrent une opération punitive, ils se réfugièrent dans la clôture du monastère d’où ils repoussèrent plusieurs assauts.

Monastère de la Dormition de Tikhvine. Cloître ouest et porte de l’église de l’Ascension (1676-1679). Photographie prise par William Brumfield le 14 août 2005.

La défense héroïque de Tikhvine en 1613 permit d’éviter à Moscou que son pouvoir ne s’érode plus encore dans le Nord-Est. La guerre d’Ingrie, épisode peu connu de l’histoire russe, se conclut par la paix de Stolbovo en application de laquelle la Moscovie récupérait Novgorod mais était repoussée du littoral baltique.

Monastère de la Présentation. Vue sud-est du clocher et de l’église des Saints- Catherine-et-Augustin (1820).

Avec le retour de la paix revint la prospérité économique dont Tikhvine et le monastère de la Dormition profitèrent. Endommagée par plusieurs incendies dans les années 1620, la Dormition fut restaurée : ses murs intérieurs furent couverts de fresques dans le style de Iaroslavl et une nouvelle iconostase à 6 rangs fut érigée.

Si les fresques de l’église elle-même furent repeintes par Logine Choustov en 1794-1797, on peut toujours admirer celles de l’Apocalypse dans la galerie ouest  qui datent du XVIIe siècle.

Domination du monastère de la Dormition puis autonomie de la ville

Vue sud-est de l’église de la Transfiguration (1693-1748, agrandie dans les années 1870). Photographie prise par William Brumfield le 14 août 2005.

Pendant des siècles, la petite localité de Tikhvine fut soumise au monastère de la Dormition. Au tournant du XVIIIe siècle, ses habitants ne se satisfirent plus de cette situation. En 1723, Pierre le Grand, qui voulait réduire les privilèges des monastères, libéra la ville de sa dépendance à la fondation de la Dormition. Un demi-siècle plus tard, Tikhvine obtint officiellement le statut de ville.

Durant le XIXèe siècle, Tikhvine connut une expansion modeste, que ce soit dans le domaine de l’artisanat ou du commerce. 

Musée Rimski-Korsakov. Photographie prise par William Brumfield le 13 août 2005.

Du point de vue culturel, le monument de Tikhvine le plus important est la maison où Nikolaï Rimski-Korsakov naquit et passa son enfance. Ce bâtiment qui domine la rivière Tikhvinka est bien conservé et abrite aujourd’hui un musée consacré au compositeur. Il fut construit en 1801 par Petr Rimski-Korsakov qui voulait une surface assez grande pour organiser bals et réceptions.


Musée Rimski-Korsakov. Salon secondaire avec le piano de Nikolaï Rimski-Korsakov. Photographie prise par William Brumfield le 13 août 2005.

Son fils aîné Andreï (1778-1862), le père du compositeur, en hérita en 1815. Dans le musée sont exposés de nombreux objets ayant appartenu à Andreï Rimski-Korsakov, à sa femme Sofia et à leur fils cadet « Nika ».

Musée Rimski-Korsakov. Salle à manger. Photographie prise par William Brumfield le 13 août 2005.

Nicolas Rimski-Korsakov quitta le domaine familial à l’âge de 12 ans pour entrer à l’École des Cadets de la Marine de Saint-Pétersbourg. Sa famille servait traditionnellement dans la marine.

Musée Rimski-Korsakov. Salon rouge. Photographie prise par William Brumfield le 13 août 2005.

Le futur compositeur n’oublia pas la maison où il avait passé une enfance idyllique. Au cours de ses 6 années d’études à l’École de la Marine, il écrivit 240 lettres à ses parents et venait leur rendre visite. Le musée Rimski-Korsakov possède un piano Becker que le compositeur avait dans son logement de Saint-Pétersbourg. (Jacob Becker commença à fabriquer des pianos dans la capitale russe en 1841).

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Résistance aux nazis et retour de l’icône de la Vierge

Maison en bois du XIXe siècle située rue Rimski-Korsakov. Photographie prise par William Brumfield le 13 août 2005.
 

Au XXe siècle, Tikhvine partagea le sort difficile que connut une grande partie de la Russie. À l’automne 1941, alors que la Wehrmacht marchait sur Leningrad, Tikhvine fut le théâtre de combats acharnés.

Résidence des Volojbeksi située au 4 de la place de la Liberté. Photographie prise par William Brumfield le 14 août 2005.

Jusqu’à ce que Leningrad soit totalement libérée du blocus allemand en janvier 1944, à l’issue d’un siège de près de 900 jours, Tikhvine joua un rôle essentiel dans l’approvisionnement de l’Armée rouge et de la population civile de la région.

Maison du début du XIXe siècle située au 77 de la rue des Soviets. Photographie prise par William Brumfield le 14 août 2005.

En 2004 eut lieu un événement d’une grande importance dans l’histoire de la ville : l’icône de la Vierge de Tikhvine fut rendue au monastère de la Dormition. Au cours de l’été, cette image sacrée fut transportée avec une profonde solennité de Riga, à Moscou puis Saint-Pétersbourg avant de retrouver sa place en l’église de la Dormition de Tikhvine, d’où elle avait été retirée 60 ans auparavant.

Lycée de Tikhvine (bâtiment en bois de la fin du XIXe siècle) situé au 74 de la rue des Soviets. Photographie prise par William Brumfield le 13 août 2005.
 

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Depuis, Tikhvine est devenue un centre important de pèlerinage facilement accessible par la route ou le chemin de fer depuis Saint-Pétersbourg ou Vologda. Mais, la population locale diminue : de 72 000 habitants en 1992, elle n’est plus aujourd’hui que de 54 000.

Mémorial et tombes de soldats tombés lors de la Grande Guerre patriotique. Photographie prise par William Brumfield le 13 août 2005.

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