Comment est née Volgograd, l’unique ville linéaire au monde

Tourisme
OLGA MAMAÏEVA
L'on tente aujourd'hui de concrétiser les expériences des théoriciens et architectes soviétiques en Arabie saoudite, où débute la construction d’une nouvelle ville de 170 km de long pour la bagatelle de 200 milliards de dollars.

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Il semblerait que parmi les nombreux projets architecturaux et théories utopiques, l'idée d'une ville linéaire, que formeraient de grandes rues étendues, occupe une place particulière. En effet, ce concept est apparu dès le XIXe siècle, mais il a suscité un intérêt bien plus important chez les architectes soviétiques des années 1920-1930. De ce fait, l’un d’entre eux, Nikolaï Ladovski, a par exemple proposé de relier Leningrad (aujourd’hui Saint-Pétersbourg) à Moscou, et ce, en changeant le réseau urbain de cette dernière. Ainsi, la rue Tverskaïa, le principal axe radial de la ville qui a porté de 1932 et jusqu’au crépuscule de l’ère soviétique le nom de Gorki, devait devenir le vecteur essentiel du développement de la ville et la voie de liaison des deux capitales.

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L'architecte et théoricien de l'urbanisme Nikolaï Milioutine dans son célèbre livre Sotsgorod (1930) a présenté son propre concept d'une ville linéaire. Cet ouvrage était basé sur l'idée de décentraliser l'industrie et de placer les quartiers résidentiels en face des zones industrielles. Grâce à cette structure, la ville pourrait se développer indéfiniment, évitant la formation de zones à trop forte densité. Cependant, toutes ces conceptions théoriques sont restées sur le papier, bien qu'à différents moments elles aient eu beaucoup d'adeptes. 

L’expérience de Volgograd 

L’idée d’une ville linéaire n’a été concrétisée  qu’une seule fois en Russie. C’est Volgograd qui est devenue le lieu de cette expérience d’urbanisme à grande échelle. Elle a obtenu sa forme allongée dès le XVIe siècle en raison de son emplacement historique le long des rives de la Volga. Cette structure était due à la nécessité de transporter le long du fleuve des marchandises produites par des usines locales et des ateliers artisanaux. Autour de ces centres industriels, des quartiers résidentiels se sont également formés, tous ensemble « enfilés » sur l’axe unique que représentait la rivière. C’est un schéma similaire de développement du territoire urbain qui a persisté après la révolution. Ainsi, de nouvelles zones sont apparues, comme les cités ouvrières qui se sont étendues le long de la rive sur une distance allant jusqu'à 30 km.

Durant la Seconde Guerre mondiale, plus de la moitié des bâtiments de Volgograd (qui fut nommée Stalingrad de 1925 à 1961) ont été détruits. En effet, lors de la célèbre bataille de Stalingrad, des quartiers résidentiels entiers ont été rayés de la surface de la Terre. Cependant, au cours de l'après-guerre, la ville a continué à se développer linéairement, puisque selon le plan général de 1945, la rive a été libérée des usines, des entrepôts, et des constructions militaires qui séparaient les quartiers résidentiels de la Volga.

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Un gros chantier

Le plus grand chantier d'après-guerre s'est déroulé ici sur le mont du kourgane Mamaïev au bord des rives de la Volga, où la statue de l’appel de la Mère-Patrie a été inaugurée le 15 octobre 1967. Le sculpteur Evgueni Voutchetitch, l'architecte Iakov Bielopolski, ainsi que l'ingénieur-concepteur Nikolaï Nikitine (l'un des créateurs de la tour de radio-télédiffusion Ostankino à Moscou) ont travaillé sur cette statue. Puisque l'édification du mémorial a été engagée par Stalingradgidrostroï, société à l'origine du barrage de Volgograd, ont été utilisés les mêmes matériaux : béton, métal et granit. 

Avant le début de la construction, le kourgane Mamaïev a été nettoyé pendant plusieurs mois des mines, des obus et des bombes aériennes. En outre, des fosses communes ont été ouvertes et transférées sur un site voisin. Ensuite, sur le terrain dégagé, des collines artificielles et des pentes ont été créées, puis ont été posés les supports et les fondations du monument principal. Plusieurs édifices ont été érigés sur le kourgane Mamaïev : la sculpture Résister jusqu’à la mort, des murs mémoriels en ruines, mais aussi la Salle de la Gloire militaire et le monument de l’appel de la Mère-Patrie. Ce dernier est inscrit dans le livre Guinness des Records et est devenu à son époque la plus haute sculpture du monde. Sa hauteur totale est de 85m (des pieds à la pointe de l’épée), tandis que celle du personnage en lui-même est de 52m (de la tête aux pieds). Initialement, le monument avait été conçu deux fois plus petit. Toutefois, à la demande du secrétaire général Nikita Khrouchtchev, Voutchetitch a « agrandi » la statue, de sorte qu'elle soit plus grande que la statue de la Liberté, aux États-Unis. 

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En 2010, 28 localités, y compris l'île de Sarpinski, ont été incluses dans la composition de Volgograd, ce qui a changé la configuration de la ville sur la carte. Néanmoins, le principe de la construction linéaire persiste encore. En effet, aujourd’hui, son aire urbaine s'étend sur 70km le long des rives de la Volga, tandis qu’en son point le plus large, elle ne dépasse pas les 10 kilomètres. Grâce à cette disposition, l’on trouve ici la rue Prodolnaïa (Longitudinale) qui, de par ses 50 km, s’impose comme la plus longue de Russie.

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