Pourquoi la Russie a-t-elle abattu un ancien satellite soviétique?

Sciences & Tech
NIKOLAÏ LITOVKINE
Certains experts affirment que la Russie cherchait à montrer qu’elle était elle aussi en mesure de se défendre dans l'espace, et supposent que le missile S-500 est à l'origine de cette «performance», critiquée par les États-Unis.

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Le Commandement spatial américain (Spacecom) a condamné la Russie le 15 novembre 2021 pour avoir abattu un ancien satellite soviétique.

Selon les Américains, Moscou a utilisé un missile antisatellite à ascension directe (DA-ASAT) et créé dans l'espace 1 500 débris susceptibles de mettre en danger d'autres objets évoluant en orbite.

Moscou a expliqué sa décision en faisant référence à la nécessité de rester en phase avec l'activité de l'armée américaine dans l'espace.

Déclaration du ministère russe de la Défense

Les médias russes ont reçu une déclaration officielle du ministère de la Défense indiquant qu'il avait mené avec succès un essai de missile, au cours duquel il avait abattu un satellite inactif nommé Tselina-D (le nom que le ministère de la Défense utilise pour ce satellite, tandis que les Américains et d'autres médias l'appellent Cosmos-1408).

Selon le ministère de la Défense, ce test est une mesure de riposte à la nouvelle stratégie spatiale américaine et aux tests en cours des dernières versions des navettes spatiales sans pilote X-37.

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« Les États-Unis ont créé un commandement spatial en 2020 et ont officiellement adopté une nouvelle stratégie spatiale. L'un de ses principaux objectifs est d’"obtenir un avantage militaire global dans l'espace" », a commenté mardi le commandement militaire russe.

Le ministère de la Défense affirme que la partie américaine a activement, mais en toute discrétion, développé et testé des dernières capacités offensives de divers types en orbite, y compris les dernières modifications du X-37.

Le commandement militaire a ajouté qu'il considérait de telles actions comme une menace et indiqué qu'elles étaient incompatibles avec les objectifs déclarés d'utilisation pacifique de l'espace.

« Dans cet esprit, le ministère de la Défense mène des activités planifiées afin de renforcer ses capacités de défense pour exclure la possibilité de dommages soudains à la sécurité du pays dans la sphère spatiale et au sol par le biais des technologies spatiales étrangères existantes et futures », a déclaré le département militaire.

Quel système d'armes la Russie a-t-elle utilisé ?

Le ministère russe de la Défense ne révèle officiellement pas quel système a été utilisé pour abattre l’ancien satellite soviétique.

À l'heure actuelle, il n'existe en Russie que deux systèmes d'armes capables de détruire un objet dans l'espace - le système de défense aérienne S-500, ainsi que le tout récent S-550.

« Nous pouvons supposer qu'il s'agissait du véritable lancement en situation de combat du système de missile sol-air S-500 de cinquième génération, capable de sélectionner des cibles spécifiques dans l'espace proche et de les abattre », a déclaré Igor Korotchenko, rédacteur en chef du magazine Défense nationale.

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Selon lui, les données des tests montrent que le S-500 neutralisera les menaces liées aux nouvelles armes orbitales manœuvrantes, réutilisables et capables de transporter tous types d'armes, y compris des armes nucléaires.

« La Russie voulait montrer qu'elle est capable d'éliminer les menaces provenant de l'espace proche. Il convient de mentionner que le S-500 et le S-550 sont des armes exclusivement défensives. Leurs tâches consistent à répondre aux nouveaux types de menaces militaires qui se matérialiseront dans les cinq prochaines années en orbite terrestre », mentionne Korotchenko.

Ces tests sont-ils une première mondiale ?

En aucune façon. Les États-Unis et la Chine ont déjà mené des tests similaires au cours des dernières décennies.

« Ces tests ont été menés par la marine américaine qui a abattu un de ses satellites avec un de ses missiles anti-orbitaux et par l'armée chinoise, qui a utilisé des missiles tirés du sol pour détruire l'un de ses satellites », a déclaré à Russia Beyond Alexandre Khramtchikhine, ancien directeur adjoint de l'Institut d'analyse politique et militaire.

Le premier test de ce type a été effectué en 2007 par les forces chinoises. Le pays a détruit un véhicule qui se trouvait sur une orbite de 865 kilomètres. Cela a produit plus de trois mille débris traçables, dont beaucoup sont encore en orbite aujourd'hui.

En 2008, les États-Unis ont abattu le satellite de reconnaissance USA-193 défectueux. Contrairement au test précédent, celui-ci était un peu mieux organisé. Le fait est que l'appareil était en orbite basse et allait bientôt entrer dans l'atmosphère. Ainsi, la plupart des débris sont sortis de l'orbite assez rapidement. Cependant, la plupart ne signifie pas tous.

Néanmoins, l'expert suggère que ce type d’opérations est dangereux car les débris peuvent endommager les stations spatiales et d’autres satellites évoluant en orbite.

« Lorsqu'une nation veut retirer d'orbite un satellite, elle l'abaisse manuellement et le fait plonger dans le sud-est du Pacifique aux côtés d'autres satellites obsolètes », a rappelé Khramtchikhine.

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