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La poliomyélite (polio) est une maladie aux racines très anciennes. Une gravure sur pierre égyptienne datant d'environ 1403-1365 av. J.-C. montre un jeune prêtre paralysé avec de graves déformations du pied indiquant cette maladie. Les populations humaines ont connu la polio à différentes époques. Ce n’est qu’en 1908 que les médecins autrichiens Karl Landsteiner et Erwin Popper sont parvenus à la conclusion qu’il s’agissait en fait d’une infection virale. On pense également que les révolutions industrielles et sociales ont largement contribué à la propagation de la polio.
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Épidémies de polio aux États-Unis
À la fin des années 40, les flambées de poliomyélite aux États-Unis rendaient handicapées en moyenne 35 000 personnes par an, selon les Centers for Disease Control and Prevention (CDC). En 1952, les États-Unis avaient déjà enregistré 57 628 cas. De plus en plus d'enfants d'âges différents ont succombé à cette maladie transmissible, qui provoquait une paralysie vertébrale et respiratoire.
« Et finalement, le cataclysme a commencé - mal de tête monstrueux, épuisement, nausée sévère, fièvre terrible, douleur musculaire insupportable, suivie en quarante-huit heures de paralysie », a décrit Roth dans son roman très réaliste.
Ce n'était cependant pas la première flambée de polio aux États-Unis. En 1916, New York était durement touchée par la maladie pour la première fois. Plus de 2 000 personnes sont mortes dans la seule Big Apple, principalement des enfants. Dans tout le pays, le nombre de morts a atteint au moins 6 000, et des milliers de personnes se sont retrouvées paralysées à vie. En 1921, le futur président des États-Unis, Franklin D. Roosevelt, a reçu un diagnostic de paralysie infantile, ou poliomyélite.
La panique et la peur montaient chez les adultes et les enfants. L’épidémie de polio n'a pas cessé de s'intensifier dans la chaleur estivale, entraînant la fermeture des piscines, parcs et autres lieux publics fréquentés par les enfants.
La maladie alors incurable condamnait ses victimes à se déplacer à perpétuité avec des béquilles ou en fauteuil roulant. On ne savait pas grand-chose de la polio, à part qu’il s’agissait d’une maladie hautement contagieuse qui se propageait par contact entre les gens, d’une personne à l’autre.
Dans les années 1950, la poliomyélite est devenue une menace pour la santé mondiale, frappant les États-Unis et l'URSS, et se propageant comme une traînée de poudre à travers l'Europe, l'Asie et l'Afrique.
Au début des années 1950, le premier vaccin antipoliomyélitique a été mis au point par le médecin américain pionnier Jonas Salk (dont la mère avait immigré aux États-Unis de Russie). Ce vaccin contenait un virus de la polio « tué » (ou inactivé) et conservait la capacité d'immuniser les patients sans risque de les infecter. Le vaccin était administré par injection. Pour rester prudent, Salk a d'abord inoculé plusieurs volontaires, dont sa famille, ses trois enfants et lui-même. Tout allait bien, et tout le monde a commencé à produire des anticorps contre la maladie. En 1953, le poliovirus à l'origine de la maladie a été pour la première fois observé au microscope électronique. En 1954, des tests sur un million de « pionniers de la polio » ont commencé, impliquant des enfants âgés de six à neuf ans. L'année suivante, le vaccin s'est avéré sûr et efficace pour une application humaine. Les choses ont pourtant mal tourné en 1955 : 200 000 enfants ont reçu le vaccin Salk contre la polio, fabriqué par Cutter Laboratories, basé en Californie, contenant un virus vivant non inactivé. Cela a déclenché quelque 40 000 cas de polio, causant 200 enfants paralysés et 10 morts.
Les vaccinations contre la poliomyélite ont repris peu de temps après la tragédie, connue sous le nom d'incident de Cutter. Selon les CDC, l'incident mortel a conduit à la création d'un « meilleur système de régulation des vaccins ».
Alors que le nombre moyen de cas de polio aux États-Unis était de 45 000 avant l'introduction du vaccin Salk, au début des années 1960, ce nombre n'était plus que de 900. Salk, qui n'a jamais breveté son vaccin, n'était pas le seul scientifique à avoir réalisé une percée dans les études sur l'éradication de la polio. Le microbiologiste américain Albert Sabin a également joué un rôle essentiel dans l'éradication de la polio.
Sabin, qui était né à Bialystok (alors partie de l'Empire russe) et avait émigré aux États-Unis avec ses parents juifs polonais en 1921, a adopté une approche différente. Il a fabriqué son vaccin à partir du virus de la polio « vivant ». Son principal avantage était qu'il pouvait être administré par voie orale. Le scientifique éminent a réussi à séquestrer une forme mutante du virus de la polio incapable de produire la maladie, et donc sans danger en cas d’introduction dans le corps humain. Ce virus « avirulent » a fait des merveilles, se reproduisant rapidement dans les intestins, chassant les formes mortelles du virus de la polio et fournissant la protection recherchée contre la maladie. La trouvaille de Sabin a été choisie pour la vaccination de masse en raison de sa facilité d’administration et de son faible coût. En plus de cela, le vaccin Sabin possédait une capacité à rompre la chaîne de transmission. Il a été testé pour la première fois en dehors des États-Unis à la fin des années 1950.
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Flambées de poliomyélite en URSS
En 1929, l'incidence de la poliomyélite en URSS était la plus faible d'Europe - 0,54 pour 100 000 habitants (Allemagne - 1,7, Danemark - 6,3, Suède - 15,4). Les premières flambées de polio en Union soviétique sont survenues en 1949 dans les États baltes (RSS de Lettonie, d'Estonie et de Lituanie), en RSS du Kazakhstan et en Sibérie. Au milieu des années 1950, entre 10 000 et 13 000 cas d'infection étaient enregistrés dans le pays. En 1958, l'incidence de la poliomyélite en URSS avait atteint 10,66 cas pour 100 000 habitants (en d'autres termes, 22 000 personnes étaient infectées par la polio). Cela signifie que le nombre de cas de polio aux États-Unis était environ trois fois plus élevé.
Pour contrer la menace, l'Institut de la poliomyélite a été lancé dans le pays, son fondateur étant le principal microbiologiste soviétique, Mikhaïl Tchoumakov (qui est devenu un héros en tant que scientifique ayant isolé le virus responsable de l'encéphalite transmise par les tiques).
En janvier 1956, les journaux soviétiques annonçaient officiellement que Tchoumakov, sa femme, la scientifique Marina Vorochilova, et un microbiologiste de Leningrad (aujourd'hui Saint-Pétersbourg) nommé Anatoly Smorodintsev étaient en visite aux États-Unis « pour se familiariser avec les méthodes de traitement de la polio et le vaccin du Dr Salk ».
Les scientifiques soviétiques se sont rendus aux États-Unis pour étudier le vaccin Salk, mais Tchoumakov a également rencontré Albert Sabin. Leur mauvaise connaissance du russe et de l’anglais n’a pas empêché les deux scientifiques novateurs de trouver un terrain d’entente. Tchoumakov a invité Sabin en URSS (Salk avait également reçu une invitation, mais a refusé de venir).
Sabin s'est rendu à Moscou et à Leningrad à l'été 1956. À son retour, il a demandé au département d'État américain l'autorisation d'envoyer des souches atténuées du virus de la polio en URSS. Malgré les craintes que Moscou ne les utilise pour créer des armes biologiques, un permis a néanmoins été délivré. Après avoir reçu les souches, les chercheurs soviétiques ont créé les premiers vaccins à partir d'elles et ont lancé des essais. D'abord sur eux-mêmes, puis, comme toujours, sur les membres de leur famille. Le premier enfant à avoir reçu le vaccin en URSS était la petite-fille d’Anatoly Smorodintsev, âgée de cinq ans.
En 1956, la production du vaccin antipoliomyélitique inactivé Salk était quant à elle maîtrisée par l’Institut de la poliomyélite dirigé par Tchoumakov.
Les scientifiques ont également demandé l’approbation des essais cliniques du vaccin Sabin.
« Mes parents ont réussi à persuader Sabin de leur transmettre les souches afin de fabriquer un vaccin vivant en URSS. Je pense que ma mère a été l'initiatrice de ce projet. Tout s’est passé sans formalités, mes parents ont apporté les souches littéralement dans leurs poches, et l’Institut de la poliomyélite a rapidement produit un vaccin vivant en URSS. Le problème était lié aux essais : tout le monde avait peur que les virus vivants soient plus dangereux que les virus morts. Smorodintsev, au contraire, avait prouvé que ces virus étaient totalement sûrs », s’est plus tard souvenu le fils de Mikhaïl Tchoumakov, Konstantin.
Les responsables de la santé soviétiques (comme leurs homologues américains) avaient de sérieux doutes sur le fait que le vaccin « vivant » fût vraiment inoffensif.
Selon Tchoumakov fils, qui a également suivi les traces de son père en devenant microbiologiste, son père n'a pu obtenir l'autorisation pour les essais qu'après avoir personnellement téléphoné au premier vice-président du Conseil des ministres de l'Union soviétique, Anastase Mikoïan.
« Mikoïan avait de nombreux petits-enfants et était profondément préoccupé par l'épidémie de polio. Mon père l'a convaincu de la nécessité d’essais, disant qu'il assumait l'entière responsabilité de leur issue. Les premiers essais ont été menés en Estonie [RSS d'Estonie], où l'incidence de la polio était élevée. Le résultat a été excellent, avec une forte baisse du nombre de nouveaux cas. Les tests se sont poursuivis dans d'autres régions du pays. Plus tard, la campagne de vaccination de masse a commencé et l'horrible infection a été pratiquement éradiquée dans tout le pays », a déclaré Konstantin Tchoumakov.
Mikhaïl Tchoumakov a eu l'idée de fabriquer le vaccin sous forme de bonbons - aucune injection n'était nécessaire pour l'administrer.
La production du vaccin antipoliomyélitique enrobé dans des bonbons a été bientôt lancée à Moscou. À la fin de l’année 1960, toute la population de moins de 20 ans était vaccinée en URSS - 77 millions de personnes.
En 1961, environ 80% de la population avait été vaccinée. L'incidence de la poliomyélite a été divisée par plus de 200 et le nombre de cas est passé de 560 en 1963 à seulement 60 en 1967. Au cours des années suivantes, l'incidence de la poliomyélite a continué de baisser, obtenant un caractère sporadique. Dans les années 70, entre 18 et 69 cas de poliomyélite ont été enregistrés, l'URSS ayant finalement été déclarée exempte de poliomyélite.
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