Le sport était en URSS l’une des fondations de l’idéologie officielle : les exploits des athlètes servaient l’image d’une grande puissance et devaient souligner la supériorité de la société communiste sur toutes les autres. Mais le sport de haut niveau n’a pas attendu la Révolution, il est apparu bien avant. Des athlètes de la Russie tsariste participèrent aux Jeux olympiques de 1900, 1908 et 1912. L’un d’entre eux fut même sacré champion olympique.
Piotr Zakovorot. Crédit : Photo d'archives
Les seconds Jeux olympiques modernes de l’histoire, organisés à Paris en 1900, seraient aujourd’hui considérés comme un échec complet. Rattachés à l’Exposition Universelle, ils furent éclipsés par cette exposition grandiose, dédiée à la science et à la technologie du monde entier.
Il est facile d’expliquer le peu d’intérêt du public : le sport était, à l’époque, loin d’être professionnel, sans même parler de son versant publicitaire et commercial. Il n’est donc pas étonnant que les cinq sportifs de la Russie tsariste qui ont participé à ces Jeux aient été des officiers supérieurs, et que leur spécialisation sportive soit directement liée à leur métier : trois participèrent au tournoi d’escrime, deux autres aux épreuves d’équitation.
Piotr Zakovorot, qui termina 7e de l’épreuve de sabre, était le plus proche de tous les engagés russes à bénéficier d’un statut de professionnel : il enseigna ensuite l’escrime dans différentes académies militaires de Saint-Pétersbourg, puis après la révolution, initia les cadres de l’Armée Rouge aux subtilités des arts martiaux. Parmi ses élèves, on compte de véritables sportifs, dont Ivan Manaenko, le meilleur escrimeur soviétique des années 1940–1950. Piotr Zakovorot remporta son dernier tournoi, le championnat de la République socialiste soviétique d’Ukraine, en 1935, à l’âge de 64 ans.
Ivan Poddubniy. Crédit : Photo d'archives
Le célèbre lutteur Ivan Poddubniy n’était pas non plus un sportif professionnel. Avant de devenir célèbre, ce colosse travailla comme ouvrier agricole, portefaix et artiste de cirque. Sur scène, il démontrait sa maîtrise de l’haltérophilie et c’est au cirque qu’il commença à apprendre et maîtriser la lutte russe traditionnelle, avant de passer à la lutte gréco-romaine classique.
Ce n’est qu’à 32 ans que le Russe se lança réellement dans le sport, participant au championnat du monde de lutte classique en 1903. Son premier combat professionnel se solda par une défaite.
L’adversaire du lutteur russe, le français Raoul le Boucher l’emporta par la ruse : il s’enduisit le corps d’huile d’olive, fit traîner le combat et finit par être désigné vainqueur par les juges. Mais un an plus tard, Ivan Poddubniy prit sa revanche contre le Français et conserva le titre de champion du monde de lutte de 1905 à 1908.
Durant ses meilleures années, Ivan Poddubniy fut un vrai phénomène dans tous les tournois de lutte auxquels il participait : véritable showman sportif, il était le prototype des boxeurs et lutteurs de MMA actuels. Après la Révolution bolchévique de 1917, il retourna au cirque. Ses démonstrations en Allemagne et aux États-Unis dans les années 1920 attiraient toujours les foules. Malgré ses nombreuses victoires et récompenses, Ivan Poddubniy vieillit dans la misère et mourut en 1949, à 79 ans, dans sa ville natale d’Eïsk (1255 km au sud de Moscou).
Nikolaï Panine-Kolomenkine. Crédit : Photo d'archives
Le premier champion olympique russe, le patineur artistique Nikolaï Kolomenkine, ne reçut pas un kopeck de son pays pour sa victoire. Bien plus, il fut menacé d’exil en Sibérie pour sa participation aux Jeux de Londres en 1908. Il faut dire que le sportif s’était rendu illégalement en Angleterre, sous le pseudonyme de Panine.
Après les Jeux olympiques, le pot-aux-roses fut découvert. Tous apprirent que le talentueux patineur qui avait effrayé jusqu’au célèbre suédois Ulrich Salkhov dans la catégorie « figures spéciales » (le septuple champion du monde se retira de la compétition en découvrant les figures que Panine prévoyait d’exécuter) était en fait l’inspecteur des finances du quartier de Tsarskoïe Selo, près de Saint-Pétersbourg, Nikolaï Kolomenkine.
Selon les règles de l’époque, les fonctionnaires n’avaient pas le droit de participer à des évènements sportifs. Mais Panine avait déjà employé cette méthode par le passé, et fut cinq fois de suite le meilleur patineur artistique du pays. Il dût ainsi renoncer à la compétition, mais sa passion ne s’éteignit pas pour autant : en 1910, il publia un manuel de patinage artistique et en 1914 il fut arbitre du championnat du monde à Stockholm.
Durant la période soviétique, il se concentra sur son travail d’entraîneur, non seulement en patinage artistique, mais également en tir sportif. Sa passion du tir lui servit également par la suite : durant la Seconde Guerre mondiale, il travailla comme instructeur pour les bataillons de partisans.
Le tennis était l’un des loisirs favoris de l’aristocratie russe de la fin du XIXe siècle et du début du XXe. Le comte Mikhaïl Sumarokov-Elston était le meilleur joueur russe de cette époque.
En 1910, âgé de 16 ans, il remporta à l’étonnement général le championnat de Russie. Il ne concéda son titre à personne jusqu’à son départ au front en 1914. Et tout cela alors que des maîtres étrangers reconnus participaient alors au championnat de Russie. Par exemple, en 1913, Sumarokov-Elston battit en demi-finale le français Maurice Germot, médaillé d’argent aux JO 1906, puis en finale l’anglais Charles Dixon, médaillé d’argent aux JO de 1912.
La même année, le jeune comte livra un match encore plus important : l’empereur Nicolas II lui-même, grand amateur de tennis, souhaita jouer avec le jeune prodige. « Sumarokov, gaucher, remporta tous les sets. Après le thé, son altesse demanda une revanche. Sumarokov atteignit le tsar à la jambe si fort que son altesse tomba et dût garder le lit trois jours. Le malheureux champion était au désespoir, bien qu’il n’ait naturellement commis aucune faute » : c’est ainsi qu’Alexandre Mossolov, chancelier de la cour, décrit les circonstances de cette rencontre qui eut lieu au palais de Livadia, en Crimée. Nicolas II fut plus bref dans son journal : « Bonne partie de tennis avec Sumarokov ».
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