La légendaire collection des princes Youssoupoff mise en vente à Paris

Le prince russe Félix Youssoupoff (1887–1967) et son épouse, la princesse Irina de Russie (1895–1970).

Le prince russe Félix Youssoupoff (1887–1967) et son épouse, la princesse Irina de Russie (1895–1970).

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Longtemps considérée comme disparue à jamais, une collection d’exception comprenant plus de 250 objets et souvenirs historiques ayant appartenu au prince et à la princesse Youssoupoff sera vendue aux enchères à Paris à l’hôtel des ventes de Drouot le 4 novembre.

Tous сes objets ont été conservés durant 60 ans à Cuernavaca, au Mexique, par le célèbre sculpteur Victor Contreras, fils adoptif du prince Félix Youssoupoff (1887–1967) et son épouse, la princesse Irina de Russie (1895–1970). Il a été le témoin privilégié de la vie de ce couple remarquable durant les dernières années de leur existence et après le décès d’Irina, il a précieusement conservé cette collection, empreinte de l’époque tourmentée qui a marqué la fin de la Russie des tsars.

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Les jeunes Youssoupoff.&nbsp;Portait photographique de&nbsp;l&rsquo;&eacute;poque de leurs fian&ccedil;ailles en 1913. L&eacute;g&egrave;rement insol&eacute;&nbsp;et pliures.nService de presse<p>Les jeunes Youssoupoff.&nbsp;Portait photographique de&nbsp;l&rsquo;&eacute;poque de leurs fian&ccedil;ailles en 1913. L&eacute;g&egrave;rement insol&eacute;&nbsp;et pliures.</p>n
Youssoupoff et son &eacute;pouse&nbsp;dans leur r&eacute;sidence parisienne, rue Pierre Gu&eacute;rin.n<p>Youssoupoff et son &eacute;pouse&nbsp;dans leur r&eacute;sidence parisienne, rue Pierre Gu&eacute;rin.</p>n
 
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Le prince Félix et son épouse sont des personnages incontournables de l’histoire de la Russie impériale. Leur destinée fantastique et le rôle que le prince a joué dans l’assassinat du faux mystique manipulateur Raspoutine, dont l’influence néfaste sur la famille impériale a précipité la chute de la dynastie, a fait d’eux des légendes. Les Youssoupoff sont restés dans l’histoire comme l’un des couples russes les plus beaux, fortunés et scandaleux.

L'héritier d'une fortune colossale

Les Youssoupoff furent la famille la plus riche de l’Empire russe après les Romanov. Grands propriétaires terriens et florissants industriels, connaisseurs et collectionneurs d’art, les Youssoupoff menaient une vie d'un faste inouï et authentiquement princier. Les appartements de Zinaïda Nikolaïevna (mère de Felix) dans le domaine d’Arkhanguelskoïé et dans son palais à Saint-Pétersbourg оnt été aménagés avec les meubles de la reine française Marie-Antoinette. Sa collection de tableaux rivalisait avec celle de l’Ermitage. Les bijoux de Zinaïda Yousoupoff provenaient de toutes les cours européennes, dont les fameuses perles « La Pélégrina » et « La Régence ». Après la mort de son frère aîné, Félix est devenu le seul héritier d’une énorme fortune. Il a fait ses études à l’University College d’Oxford, où il avait la réputationde jeune homme extravagant et exubérant, d’une inimaginable beauté.

Par son mariage en 1914 avec la princesse Irina Alexandrovna de Russie, il devient un membre de la famille impériale. Irina était la fille unique du grand-duc Alexandre Mikhaïlovitch et de la grande duchesse Xénia Alexandrovna ce que faisait d’elle l’unique nièce de l’empereur Nicolas II, la petite fille d’Alexandre III et l’arrière-petite-fille de Nicolas I.

La vie en exil

Fuyant la révolution d’Octobre Irina, Félix et leur fille ont quitté la Russie, en laissant tous leurs biens et une grandepartie des joyaux entre les mains des bolcheviks. Ils ont réussi cependant à sortir du pays et emmener en Europe quelques tableaux et bijoux de famille : des diamants et perles historiques ; une collection de tabatières, desminiatures et plusieurs objets précieux. En 1920, ils s’installent à Paris. Grace à la vente de deux tableaux de Rembrandt et quelques bijoux ils font l'acquisition d'une maison rue Pierre Guerin à Auteuil, où ils séjournent pendantune grande partie de leur exil.

Travail russe de la Manufacture Youssoupoff, Arkhangelskoïé, 1827. Crédit : Service de presseTravail russe de la Manufacture Youssoupoff, Arkhangelskoïé, 1827. Crédit : Service de presse

En 1924, le couple princier a fondé à Paris la maison de couture IRFE (acronyme composé des premières lettres de leurs noms). Le talent, le goût raffiné et l’étonnante capacité à deviner l'esprit du temps du couple Youssoupoff ont contribué à la prédominance du « thème russe » dans la mode française pendant de nombreuses années. Felix est invité à créer des intérieurs de restaurants parisiens, produit des services en porcelaine, et créé une ligne de parfum sous la marque IRFE.

L'entreprise familiale deviendra pendant les Années folles une référence dans l'univers de la mode, avant que la crise financière de Wall Street ne ruine bon nombre de ses principaux clients en 1931, l’obligeant à fermer ses portes.

En 1958, un élève très prometteur de l’école des Beaux-Arts à Paris, le jeune mexicain Victor Contreras est invité à une réception organisée par les Youssoupoff. La connaissance laisse vite la place à un fort attachement des aristocrates russes pour le jeune étudiant, ils en font leur fils spirituel et décident de l’accueillir chez eux durant cinq ans, jusqu’à la fin de ses études. Comme Victor était orphelin, le couple a même discrètement établi une adoption formelle.

Jusqu'à la mort du prince en 1967, Contreras, devenu un sculpteur de renom et homme prospère, correspondait avec les Youssoupoff, leur rendait  visite et a même pris part au litige très coûteux du prince contre un studio de production américain. Il a également aidé sa veuve quand elle se retrouvait dans des situations financières difficiles. Plus tard, leur fille, la princesse Irène Youssoupoff, comtesse de Cheremetieff, lui légua en souvenir de ses parents des reliques familiales, des effets personnels et des objets historiques leur appartenant, qui sont mis en vente le 4 novembre prochain.

Que deviendront les précieux témoins de la fin de l’Empire russe ?

Tous ces objets intimes sont les fragments et les témoins de cette grande histoire. Ainsi seront vendus : portraits, tableaux, bustes, icônes, une partie de la garde-robe du prince et le costume d’apparat qu’il a porté lors du bal d’Eglington, à Londres, le 11 juillet 1912. Son portrait vêtu de cette tenue de Boyard reste la plus célèbre représentation que l’on connaisse de lui. Dans ses mémoires publiés en 1954, en exil, on peut lire : « Je reçus une invitation pour un grand bal costumé à l’Albert Hall. Comme j’avais du temps devant moi, je profitai d’un congé en Russie pour me commander, à Saint-Pétersbourg, un costume russe. J’y ai trouvé un brocart d’or à fleurs rouge du XVIe siècle. Le costume était magnifique : constellé de pierreries et brodé de zibeline, avec toque assortie. Il fit sensation. Ce soir-là, je connus le tout Londres et, le lendemain, ma photographie était dans tous les journaux ».

Cyrille Boulay, expert en art russe et en souvenirs historiques sur les familles royales, a souligné dans un entretien avec RBTH que cette collection était mise en vente par Victor Contreras principalement pour assurer son retour en Russie, dans des lieux plus appropriés pour son conservation. «  Dans la plupart des cas, ces objets n’ont pas de grande valeur marchande, mais sont très précieux en tant que témoins de l’époque, comme, par exemple, la correspondance, les photos, les dessins, le journal intime, les pièces de la garde-robe ou des costumes de bal, confectionnés en tissus très anciens. Ce sont surtout des collectionneurs russes qui s’intéressent à cette vente afin d’acquérir des objets et les intégrer à d’autres collections historiques réparties entre les grandes institutions muséales en Russie, comme le palais de la Moïka ou autre. Le catalogue de vente permet d'établir la traçabilité des objets, ce qui est précieux pour les historiens », a précisé l’expert.

Ic&ocirc;ne du&nbsp;XVIII&egrave;me siecle.nService de presse<p>Ic&ocirc;ne du&nbsp;XVIII&egrave;me siecle.</p>n
Une petite statue en argent repr&eacute;sentant Jupiter.&nbsp;Dans ses m&eacute;moires, le prince pr&eacute;cise que cette statuette appartenait &agrave; son p&egrave;re, le comte F&eacute;lix F&eacute;lixovitch Soumarokoff-Elston (1856-1928), et qu&rsquo;apr&egrave;s avoir &eacute;t&eacute; expos&eacute;e dans la boutique d&rsquo;Elsie de Woolfe, &agrave; New York, elle fut confi&eacute;e avec un ensemble d&rsquo;objets et de bijoux &agrave; Pierre Cartier, afin qu&rsquo;il puisse se charger de les vendre.&nbsp;nService de presse<p>Une petite statue en argent repr&eacute;sentant Jupiter.&nbsp;Dans ses m&eacute;moires, le prince pr&eacute;cise que cette statuette appartenait &agrave; son p&egrave;re, le comte F&eacute;lix F&eacute;lixovitch Soumarokoff-Elston (1856-1928), et qu&rsquo;apr&egrave;s avoir &eacute;t&eacute; expos&eacute;e dans la boutique d&rsquo;Elsie de Woolfe, &agrave; New York, elle fut confi&eacute;e avec un ensemble d&rsquo;objets et de bijoux &agrave; Pierre Cartier, afin qu&rsquo;il puisse se charger de les vendre.&nbsp;</p>n
Tenue de Boyard port&eacute;e par le prince Felix Yousoupoff &agrave; l&#39;occasion du tournoi d&#39;Eglingston, le 11 juillet 1912.&nbsp;Costume d&rsquo;apparat compos&eacute; d&rsquo;un habit et d&rsquo;une veste richement brod&eacute;s.nService de presse<p>Tenue de Boyard port&eacute;e par le prince Felix Yousoupoff &agrave; l&#39;occasion du tournoi d&#39;Eglingston, le 11 juillet 1912.&nbsp;Costume d&rsquo;apparat compos&eacute; d&rsquo;un habit et d&rsquo;une veste richement brod&eacute;s.</p>n
Portait photographique de Youssoupoff&nbsp;posant dans son costume de Boyard, lors du Bal donn&eacute; &agrave; l&rsquo;Albert Hall de Londres, le 11 juillet 1912.nService de presse<p>Portait photographique de Youssoupoff&nbsp;posant dans son costume de Boyard, lors du Bal donn&eacute; &agrave; l&rsquo;Albert Hall de Londres, le 11 juillet 1912.</p>n
Ic&ocirc;ne triptyque de voyage en Vermeil. A d&eacute;cor de motifs en &eacute;maux polychromes cloisonn&eacute;s d&rsquo;inspiration Art Nouveau, surmont&eacute;e d&rsquo;une croix en vermeil. Deux portes &agrave; d&eacute;cor d&rsquo;anges protecteurs en &eacute;maux polychromes cloisonn&eacute;s s&rsquo;ouvrent au centre sur une ic&ocirc;ne peinte sur cuivre repr&eacute;sentant le Christ B&eacute;nissant, entour&eacute; &agrave; gauche de Saint Isidore de Yourieff et &agrave; droite de Saint R&eacute;v&eacute;rend Antoniy de Petchory.nService de presse<p>Ic&ocirc;ne triptyque de voyage en Vermeil. A d&eacute;cor de motifs en &eacute;maux polychromes cloisonn&eacute;s d&rsquo;inspiration Art Nouveau, surmont&eacute;e d&rsquo;une croix en vermeil. Deux portes &agrave; d&eacute;cor d&rsquo;anges protecteurs en &eacute;maux polychromes cloisonn&eacute;s s&rsquo;ouvrent au centre sur une ic&ocirc;ne peinte sur cuivre repr&eacute;sentant le Christ B&eacute;nissant, entour&eacute; &agrave; gauche de Saint Isidore de Yourieff et &agrave; droite de Saint R&eacute;v&eacute;rend Antoniy de Petchory.</p>n
Fume-cigarette de la princesse Irina&nbsp;conserv&eacute; dans son &eacute;crin d&rsquo;origine en maroquin couleur Bordeaux. Travail fran&ccedil;ais du XX&egrave;me si&egrave;cle.n<p>Fume-cigarette de la princesse Irina&nbsp;conserv&eacute; dans son &eacute;crin d&rsquo;origine en maroquin couleur Bordeaux. Travail fran&ccedil;ais du XX&egrave;me si&egrave;cle.</p>n
 
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Parmi d’autres objets de cette vente se trouve une collection de 25 dessins visionnaires, représentant les célèbres « grotesques » peints à la fin des années trente par le prince Félix. Il y a également une icône triptyque en argent réalisépar la Maison Gratcheff, qui suivait le prince dans tous ses déplacements, représentant le Christ Pantocrator entouré de deux archanges protecteurs, ainsi que l’icône de voyage en vermeil et émaux polychromes de la princesse Irina. Un album de photographies intimes du couple et des membres de la famille impériale est également mis en vente.

Au registre des objets intimes se trouve le chapelet du prince, le fume-cigarette de la princesse Irina en ambre cerclé d’or ou encore les flacons à parfum de voyage en cristal ornés de leurs bouchons en argent gravés au chiffre du prince et distillant encore l’odeur de son parfum. Il y a aussi une petite boîte en argent et émail contenant de la terre de Russie, que tenait dans sa main le prince Félix le jour de sa mort.

Parmi les objets de valeur on distingue surtout une petite statue en argent représentant Jupiter, attribuée à Benvenuto Cellini et montée sur un socle en or par la Maison Cartier à New York. Elle fait partie des rares trésors que le Prince Youssoupoff avait pu sauver de la Révolution bolchévique.

Les 2 et 3 novembre, la collection sera exposée et accessible au grand public à l’Hôtel Drouot à Paris.

Vente

Vendredi 4 novembre 2016 à 14h00
 
Expositions publiques

Mercredi 2 novembre 2016 de 11h00 à 18h00, jeudi 3 novembre 2016 de 11h00 à 18h00
et vendredi 4 novembre 2016 de 11h00 à 12h00 à l’Hôtel Drouot 9, rue Drouot 75009 Paris

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