Ces standards intemporels de la beauté féminine en Russie

Tête féminine, seconde moitié du XIXe siècle, Constantin Makovski

Tête féminine, seconde moitié du XIXe siècle, Constantin Makovski

Musée d'art de Krasnoïarsk
La Russie traditionnelle valorisait les femmes physiquement généreuses et majestueuses, tandis que la Russie progressiste privilégiait les femmes plus fines et actives. Cependant, tout au long de l’histoire de la Russie, une femme russe vraiment belle devait respecter cinq normes. Nous les révélons dans cet article.

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Bien-être corporel: «Du sang avec du lait»

Pauvre Lisa, 1827, Orest Kiprenski

À l’époque d’avant Pierre le Grand, la santé des femmes était synonyme de beauté corporelle. Les épouses des boyards (représentants d’anciennes familles qui servaient les princes russes en temps de guerre et de paix) et des streltsy (corps militaire créé par Ivan le Terrible au XVIe siècle) étaient, comme l’on dirait aujourd’hui, des adeptes de la positivité corporelle, ce que les étrangers notaient sans détour : « Ils [les habitants du pays – ndlr] considèrent la plénitude comme un signe de beauté féminine. Les petites jambes et une silhouette élancée sont perçues comme laideur. Les femmes minces sont considérées comme en mauvaise santé », écrivait le voyageur Adam Olearius dans les années 1630. « En Moscovie [c’est ainsi que l’on appelait le pays en Occident du XVe au début du XVIIIe siècle – ndlr], les femmes sont harmonieuses et ont de beaux visages », témoignait le diplomate Jacob Reutenfels.

Cette attitude envers la beauté féminine en Russie était commune à toutes les classes sociales. La vie d’une paysanne russe était remplie de travaux acharnés, qui exigeaient d’elle une grande force physique. Les villageois considéraient que l’idéal de beauté féminine était la « dorodnost’ » (corpulence), c’est-à-dire la capacité de « dat’ rod » (donner une progéniture). Et si parmi la noblesse, aux XVIIIe-XIXe siècles, cet idéal est devenu plus « européen », alors parmi le peuple, il est resté longtemps d’actualité. « Le standard de beauté pour une jeune fille est une démarche souple, une modestie dans le regard, une grande taille, des cheveux épais, la plénitude, la rondeur et la rougeur », écrivait le prince Tenichev à propos des paysannes de la province de Vladimir au début du XXe siècle.

Les filles russes elles-mêmes voulaient être corpulentes, comme en témoignent les textes des formules magiques récités lors de rituels : « Je suis plus grande que toutes les herbes, je suis plus mûre que toutes les tulipes de Schrenk, plus blanche et plus rougeâtre que tout le monde », « des épaules épaulées, des seins plantureux », « j’ai de larges épaules, une poitrine généreuse, un visage rond, des joues écarlates », disaient les paysannes.

Aptitude ménagère: «Nourrit les enfants et les domestiques»

Une izba dans la province de Vologda, 1925, Nikolaï Terpsikhorov, 1925

Le jésuite tchèque Jiří David, qui vivait à Moscou dans les années 1680, a écrit que les femmes russes « marchent doucement avec des chaussures hautes, ce qui les empêche de courir ou de marcher rapidement ». Parmi les qualités d’une femme noble, la douceur des mouvements et de la démarche était très appréciée. C’est ainsi que les filles nobles apprenaient à marcher dès l’enfance. Dans le même temps, les Russes n’approuvaient pas l’oisiveté des femmes. Des sources sur l’histoire de la classe marchande, par exemple, montrent que les femmes, même à l’époque prépétrovienne, comprenaient souvent la finance et géraient de grandes productions. Dans les communautés villageoises, les « bolchoukhi » (grandes femmes), femmes âgées, chefs de famille, participaient à part entière aux rassemblements des résidents locaux. Comme l’écrit l’historienne Natalia Pouchkariova, « l’idéal d’une épouse était centré sur une femme qui n’avait pas d’emploi professionnel, qui travaillait dur à la maison », « nourrissait les enfants et les domestiques », donnait « à la vie la douceur du miel » et « beaucoup de bonté à la maison ».

Dans le même temps, la modestie et la religiosité (« tranquillité ») étaient considérées comme des qualités essentielles d’une vraie femme russe. Comme l’écrit Pouchkariova, « une bonne épouse signifiait une épouse soumise, humble et tranquille ». Les épouses des nobles et des marchands essayaient d’être fidèles à cet idéal : les jeunes femmes nobles étaient élevées avec la modestie, la grâce et l’aisance des manières, tandis que les filles et les épouses des marchands étaient résolument religieuses.

Propreté: «Tendre par le visage et par le corps»

Autoportrait, 1909, Zinaïda Serebriakova

Toutes les femmes russes, quel que soit leur revenu, prenaient soin de leur visage et de leur corps – seuls les moyens étaient différents. Chaque famille, même les plus pauvres, possédait son propre bania (sauna russe). Il était utilisé par plusieurs personnes ou toute la famille à la fois, 1 à 2 fois par semaine. Pendant les saisons froides, les paysans se lavaient directement dans leur poêle, qui était énorme. Les cendres et le charbon en étaient retirés et 1 à 2 baigneurs pouvaient se laver librement à l’intérieur. C’était d’autant plus pratique que les cendres infusées dans l’eau – la soude – étaient utiles pour laver les vêtements et le corps.

Pour l’élasticité et la blancheur du visage et du corps, l’on utilisait des remèdes populaires : lactosérum, vinaigre de concombre, décoctions à base de plantes. L’un des meilleurs remèdes populaires pour un rougissement naturel, selon l’impératrice Catherine II elle-même, consistait à s’essuyer le visage avec de la glace. Comme l’a écrit son secrétaire de cabinet Adrian Gribovski, l’impératrice ordonnait de s’essuyer le visage avec de la glace tous les jours, pendant qu’on lui mettait sa coiffe. L’Irlandaise Martha Wilmot, qui a visité la Russie à l’époque de Catherine, a écrit : « Chaque matin, on m’apporte une plaque de glace aussi épaisse que la paroi d’un verre, et comme un vrai Russe, je la frotte sur mes joues, ce qui, m’assure-t-on, me donnera un bon teint ».

Des cheveux bien coiffés: «La tresse est la beauté d’une jeune fille»

Une jeune fille avec des tresses. Portrait de A. A. Dobrinskaïa, 1910, Vassili Sourikov

Un peigne en bois ou en os était d’une grande valeur pour une jeune fille russe. Les peignes étaient décorés de symboles solaires ; il était d’usage de peigner les cheveux pendant longtemps pour qu’ils poussent longs et beaux. Ce n’est pas surprenant, car les cheveux étaient considérés comme l’un des principaux symboles de la féminité : les femmes célibataires les tressaient en une seule tresse et les femmes mariées en deux. Si un conjoint décédait subitement, les tresses étaient coupées en signe de deuil. Le rituel au cours duquel les amies tressaient les deux tresses de la mariée était l’un des anciens rites d’initiation féminine.

Les filles russes prenaient soin de leurs cheveux, les lavaient avec du lait aigre, du kvas bouilli et les rinçaient avec une décoction d’ortie ou de camomille. Il était important que les cheveux des femmes nobles ne soient pas du tout visibles sous leur coiffe. Seul le mari avait le droit de profiter de la beauté des cheveux de sa femme et même de les coiffer.

Utilisation de colorants et de produits cosmétiques: «En se maquillant tous les jours, elles réussissent»

Jeune fille moscovite du XVIIe siècle, 1903, Andreï Riabouchkine

L’ancienne Russie ne connaissait presque pas la poudre, le rouge à lèvres, le blanc pour le visage et autres produits cosmétiques. Ils sont devenus populaires parmi les femmes russes des XVe et XVIe siècles, après que la mode russe ait été influencée par celle des princesses de la Horde et des beautés du Moyen-Orient.

« Le mari est obligé de donner à sa femme des colorants, car les Russes ont l’habitude de se maquiller ; c’est si courant parmi elles que cela n’est pas du tout considéré comme honteux, écrivait l’Anglais Anthony Jenkinson au XVIe siècle. Elles se barbouillent tellement le visage que presque à distance de tir, l’on peut voir la peinture étalée sur leur visage ; Il vaut mieux les comparer aux femmes de meunier, car l’on dirait que l’on a battu des sacs de farine près de leur visage ; elles se peignent les sourcils en noir ».

Nous avons déjà publié un article séparé expliquant pourquoi les femmes russes étaient obligées de porter autant de maquillage et comment cette mode a pris fin. Néanmoins, tant au XIXe siècle que dans la Russie moderne, les beautés se distinguaient et se distinguent par leur capacité à se maquiller. Même le poète anglais George Turberville, arrivé à Moscou au XVIe siècle, notait : « En se maquillant tous les jours, elles [femmes russes – ndlr] réussissent : elles peuvent appliquer les couleurs de telle manière que même la personne la plus prudente sera facilement induite en erreur si elle fait confiance à ses yeux ».

Dans cet autre article, nous vous dressions le portrait de quatre beautés qui ont marqué l’histoire russe.

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