«Pèlerinage» eurasiatique: ces Français veulent parcourir le continent jusqu’au Kamtchatka à mules

Archives personnelles
Revenir aux fondamentaux et se déconnecter du bruit industriel pour se rapprocher de la nature est un souhait de plus en plus courant aujourd’hui. Pour y parvenir, un couple français tient à réaliser un exploit hors du commun – traverser en aller-retour l’Eurasie à mules. Russia Beyond est allé à leur rencontre afin de savoir ce qui les motive à entreprendre ce périple extraordinaire et prodigieux.

Russia Beyond désormais sur Telegram ! Pour recevoir nos articles directement sur votre appareil mobile, abonnez-vous gratuitement sur https://t.me/russiabeyond_fr

Réunis par l’amour de la nature, des chevaux et des voyages, Anouk et Dominic se préparent depuis 2 ans à parcourir le globe de l’Atlantique en France jusqu’à la côte Pacifique au Kamtchatka, et ce, à mules. La grande partie de leur itinéraire de 25 000 km passera donc par la Russie. Selon le planning, ils partiront depuis Saint-Jean-de-Luz au printemps 2022, en traversant plus de 13 pays différents, et retourneront en France trois ans plus tard. Tous les deux pratiquent l’équitation depuis leur jeune âge, chacun est enflammé à l’idée de réaliser cette traversée pour des raisons diverses. Il est fort probable que, sans le vouloir initialement, ils seront les premiers à accomplir un tel exploit dans l'histoire équestre et celle des grands voyages.

Dominic et Anouk en Russie

Anouk et ses passions : les chevaux et la Russie 

« J’adore la Russie depuis longtemps. Elle m’a toujours attirée, surtout ses grands espaces vierges et sauvages, mais aussi la langue que j’ai commencé à apprendre d'office à la fac », nous raconte Anouk la préhistoire du futur pèlerinage. Venue en Russie en 1995 pour la première fois dans le cadre d’un échange universitaire avec l’Académie agricole de Koursk, elle est tombée amoureuse une fois pour toutes : « la spontanéité et la générosité des gens m’ont frappée le plus, ainsi que l’absence de clôture. Ces espaces immenses sans clôture te donnent l’impression d’une liberté extraordinaire ». Depuis, son intérêt pour ce pays lointain n’a pas cessé, tout en continuant l’apprentissage de la langue russe, elle a eu l'occasion d'y revenir plusieurs fois. 

Anouk

Toutefois, les chevaux restent son engouement principal, qu’elle a su transformer en sa vocation professionnelle, en devenant podologue équin. Ainsi, s’occuper de chevaux et de mules fait partie de son quotidien habituel, tout comme la montée à cheval et le voyage en compagnie de ces animaux sensés et robustes.

Dominic et ses joyaux vitaux : la Terre et les mules

La passion de Dominic, géologue de formation, pour la nature n’est pas une simple fascination. Il s’agit d’un intérêt beaucoup plus sophistiqué et raffiné pour les royaumes organiques et inorganiques de notre planète. « J’aime énormément être dans la nature et j’ai ce sens aigu, car j’ai la vision d’un géologue qui compte en million d’années, mais aussi d’un astronome qui compte en années lumières », nous explique Dominic comme il perçoit ce monde. Depuis son jeune âge, il « fréquentait » des chevaux, puis les mules sont devenues pour lui « une vraie compagnie », quelqu’un avec qui il passe son temps libre. 

>>> Des églises en bois aux temples bouddhistes: un Français ayant exploré la Russie en 44 jours raconte

« Et si on allait au Kamchatka avec les mules ? »

Tous deux affirment que l'idée d'un long voyage à cheval ne leur était pas étrange, mais jusqu'à présent, ils n'ont voyagé de cette façon qu'en France. « J’avais envie de me balader sur cette planète, tandis qu’Anouk voulait faire un tour de France en mules, mais ça ne me parlait pas trop », nous explique Dominic, dont la réticence est due au fait qu’il aurait fallu quitter son emploi pour une aventure, selon lui, peu excitante.

Le projet d’aller en mules jusqu’au Pacifique est né de façon atypique, car le déclencheur a été le visionnage du documentaire Russie vue du ciel. Ces images spectaculaires ont poussé Dominic à faire une proposition spontanée à haute voix : « et si on allait au Kamchatka avec les mules ? ». Il revient plus en détail sur cette soirée : « Je suis un pilote et quand je vois les choses d’en-haut, ça me parle, y compris les vues sublimes du Kamtchatka. En regardant cette émission, c’était presque une évidence, une impulsion [à faire cette proposition]. Si on est certain de le faire en compagnie de nos animaux, autant aller loin pour voir quelque chose de chouette. Puis, Anouk m'a pris au mot »

Des entraves organisationnelles

Une telle traversée suppose de multiples préparatifs, de la formation de l’équipe et l’entraînement ultérieur des mules à la mise en ordre des affaires personnelles et professionnelles de chacun et le développement d’une bonne forme physique. Deux éléments sont extrêmement importants pour la réussite : le choix des itinéraires à suivre et la conformité aux règles administratives et sanitaires, surtout concernant le passage des frontières. « Ce qu’on prépare à réaliser, sur le papier, ce n’est pas possible, et c’est hyper compliqué au niveau administratif, relate les détails Anouk. La question du visa [pour la Russie] s’impose effectivement, même si nous ne l’avons pas le jour du départ prévu, nous partirons quand même et, j’espère que nous nous débrouillerons au final ».

Toujours d’après Anouk, la partie la plus difficile dans la composition des itinéraires était le choix du point d’entrée en Russie. « Les pays baltes ont été exclus, car on veut y passer en rentrant. La Biélorussie n’était pas une bonne option, car les étrangers n’ont pas le droit de traverser la frontière terrestre avec la Russie. Pour ce qui est de la Turquie et du Caucase, il y a un problème de calendrier et de visa turc... Ca nous ferait arriver à pied du Caucase en hiver et c'est impossible de traverser à ce moment », nous expose Anouk les obstacles géographiques. Par conséquent, la solution est de prendre le bateau au bord de la mer noire en Bulgarie pour atteindre le sud de la Russie vers la ville de Sotchi ou Novorossiïsk. Ainsi, la première étape de l’aller, dite européenne, passera par la France, l’Italie, la Slovénie, la Hongrie, la Roumanie et le point intermédiaire – la Bulgarie. Jusqu’au Pacifique, le voyage se fera en mules bâtées. Ensuite, le retour, de Vladivostok à Moscou, s’effectuera en train par le Transsibérien, puis « à la turkmène » (en alternant les montures pour économiser leurs forces) à partir de la capitale russe et à travers les pays baltes, la Pologne et l’Allemagne. 

 >>> Méconnue mais fascinante: la Sibérie au gré des sept clichés les plus prisés d'un voyageur nantais

Avant le Kamtchatka, deux autres endroits en Russie sont choisis comme étapes intermédiaires à passer obligatoirement : le massif des Saïan et le lac Baïkal, où ils sont censés passer le deuxième hiver de leur voyage. Après la croisière sur la mer Noire, le couple compte donc continuer en direction du nord et de l’est pour passer peut-être au nord du Kazakhstan et revenir en Sibérie. « Ça nous a pris deux ans pour comprendre qu’il est impossible de prévoir tout, note ironiquement Dominic, alors que Anouk explique : « nous ne savons toujours pas ni comment va-t-on exactement pouvoir arriver au Kamtchatka avec les mules, ni où exactement va-t-on descendre du train transsibérien : à Moscou ou près de l’Oural ». Pour arriver à la destination finale, le Kamtchatka, le couple songe à passer soit par la Iakoutie, soit par Vladivostok, cette décision sera prise plus tard en route : « Nous serons d'autres personnes, nous connaîtrons mieux nos limites et nous comptons sur le réseau qui se sera créé autour de notre projet ». 

Retour aux fondamentaux

Aujourd’hui il n’y a pas de cas documenté d’un tel voyage réalisé précédemment, mais l’objectif du couple ne consiste pas à inscrire leurs noms dans l’histoire. Bien évidemment, il y a ce côté d’une épreuve sportive et d’endurance qui marquera forcément le point dans l’histoire, cependant, c’est ce côté « de lâcher-prise » et d’une vraie aventure et de découverte constante qui motive le plus Anouk et Dominic à se lancer prochainement dans ce périple. « Nous n’avons pas une cause spécifique à défendre [en réalisant ce projet]. C’est peut-être pour ça que personne ne nous prend au sérieux. Notre objectif est très simple : nous partons pour découvrir notre globe, pour nous redécouvrir nous-mêmes et pour retourner aux fondamentaux », résume ainsi Anouk le but du futur pèlerinage que le couple s’avère prêt à accomplir coûte qui coûte.

Dans cet autre article, découvrez le récit d’un Français ayant relié Paris à Moscou à cheval au temps de l’URSS.

Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.

À ne pas manquer

Ce site utilise des cookies. Cliquez ici pour en savoir plus.

Accepter les cookies