Destruction de produits sous sanctions dans la région d'Orenbourg
Sergueï Medvedev/TASSRussia Beyond désormais sur Telegram ! Pour recevoir nos articles directement sur votre appareil mobile, abonnez-vous gratuitement sur https://t.me/russiabeyond_fr
Un classement récent établi par Bosch a examiné les pays qui produisent le plus de déchets alimentaires chaque année. La Grèce (141,69 kg par habitant), Bahreïn (131,71) et l’Irak (120,44) ont été les plus mauvais élèves, tandis que la Russie s'est avérée être la nation la plus ingénieuse (sur les 99 pays étudiés) en matière de déchets alimentaires ménagers, avec seulement 33,38 kg par tête. Pourquoi en est-il ainsi ?
Destruction de tomates retenues à la frontière dans la région de Smolensk
Viktor Tolotchko/SputnikNous savons tous qu'il est moralement inacceptable de jeter de la nourriture alors que la famine sévit toujours dans le monde. Cependant, ces dernières années, une autre préoccupation majeure concernant le gaspillage alimentaire est apparue : son impact environnemental.
En pourrissant, les déchets alimentaires qui finissent dans les décharges produisent en effet une grande quantité de méthane – un gaz à effet de serre 80 fois plus puissant que le CO₂. De plus, l'agriculture représentant 70% de l'eau utilisée dans le monde, le gaspillage alimentaire implique également un grand gaspillage des ressources en eau douce et en eaux souterraines. Des millions de barils de pétrole sont enfin gaspillés chaque année pour produire et transporter des aliments qui ne sont pas consommés.
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Dans un magasin Auchan de Novossibirsk (Sibérie)
Alexandre Kriajev/SputnikNous nous sommes entretenus avec des experts qui, au départ, ont été assez surpris par les résultats du classement de Bosch.
« Wow, vraiment ? Nous sommes choqués », s’est d’ailleurs exclamée Anna Balakhontseva de l'entreprise de restauration écologique Eda Spassiot Mir (La Nourriture Sauvera le Monde) lorsque nous l'avons contactée pour lui demander son avis.
Balakhontseva pense que, en théorie, cela peut être le résultat de l'héritage des années de guerre et de la décennie 1990, périodes marquées par la pauvreté et la faim en Russie. Les adultes d'aujourd'hui ont été élevés par des personnes qui ont dû économiser sur la nourriture.
« Nous avons hérité de nombreuses recettes de nos babouchkas pour l'utilisation "non évidente" de certains produits qui peuvent souvent être considérés comme non comestibles », ajoute-t-elle.
Destruction de produits européens sous sanctions dans la région de Briansk
Kirill Poukhliakov/SputnikAnna Ouspenskaïa, fondatrice de Foodsharing Moscow, reconnaît que le souvenir de la famine en temps de guerre est encore frais dans l'esprit de nombreuses personnes et ajoute qu'en Russie – et dans toute la CEI – le niveau de vie n'est pas encore assez élevé pour que les gens puissent se permettre le luxe de jeter de la nourriture.
Une étude menée par des étudiants de l’École des hautes études en sciences économiques de Moscou met également en évidence des facteurs tels que l'assimilation du fait de jeter de la nourriture à celui de jeter de l'argent, une culture qui considère la nourriture comme le résultat du travail de quelqu'un (et, par conséquent, le gaspillage alimentaire est considéré comme un manque de respect envers les efforts des autres), une tendance croissante à la consommation éthique et durable parmi les jeunes citadins, ou encore les valeurs chrétiennes orthodoxes qui jugent la nourriture comme sacrée.
Pour Balakhontseva, la bonne performance de la Russie dans ce classement s'explique en outre par de mauvaises statistiques.
« Pour mener une bonne recherche sur la Russie, il est important de visiter chaque ville et d'interroger au moins 100 personnes dans chacune d'elles. Et ce que j'aimerais que tout le monde comprenne, c'est que même si nous jetons moins de nourriture en Russie, c'est quand même BEAUCOUP », insiste-t-elle.
La Russie a peut-être obtenu de bons résultats par rapport à d'autres pays, mais cela ne signifie pas pour autant qu'elle soit une société modèle en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire. Environ 884 millions de tonnes de nourriture produite sont jetées chaque année dans le monde, dont 17 millions en Russie.
Selon un rapport du Centre TIAR sur le gaspillage alimentaire, en Russie, la quasi-totalité de la nourriture jetée (94%) finit dans des décharges, où elle devient une source de pollution du sol, de l'eau et de l'air. Quelque 2,4 millions de tonnes de méthane sont ainsi libérées dans le pays, en plus d'autres gaz comme l'ammoniac et le sulfure d'hydrogène. Outre le coût environnemental du gaspillage alimentaire, les produits jetés coûtent à la Russie environ 1,6 trillion de roubles (18,93 milliards d’euros) chaque année, l’équivalent de 30 millions de rations annuelles pour un adulte.
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Heureusement, il existe plusieurs choses que les consommateurs et les entreprises peuvent faire.
« Tout d'abord, les entreprises de fabrication et les magasins doivent fournir davantage de produits sans emballage ou avec un minimum d'emballage ou en utilisant des emballages recyclables. Les magasins devraient étudier la quantité d'un produit donné que les consommateurs sont le plus susceptibles d'acheter et, sur cette base, proposer une taille d'emballage adaptée aux différents besoins. De nombreux produits peuvent être livrés aux magasins dans un format "zéro déchet", et les magasins en général doivent s'efforcer d'être aussi "zéro déchet" que possible », souligne Balakhontseva.
Les restaurants, autre grands coupables en matière de gaspillage alimentaire, peuvent de leur côté réduire leurs menus afin de se concentrer sur quelques recettes, diminuer les risques de pertes, et utiliser moins de film alimentaire et de sacs sous vide. Les restes peuvent en outre être distribués aux services de partage de nourriture ou aux employés de l'établissement.
Quant aux consommateurs moyens, Balakhontseva estime qu'ils doivent établir une liste de courses bien réfléchie et s'y tenir, afin d'éviter d’acheter trop de produits. Nous devrions également apporter nos propres récipients réutilisables et, si possible, utiliser les parties des aliments que la société a tendance à jeter.
« Il est important qu'au fur et à mesure que le traumatisme national de la famine en temps de guerre s'estompe et que le niveau de vie s'améliore, ces causes [de moindres quantités de nourriture gaspillée] soient remplacées par d'autres causes plus positives pour ne pas gaspiller la nourriture, comme la tendance à la consommation consciente et les valeurs environnementales. Nous pouvons voir ces valeurs émerger aujourd'hui, mais principalement chez les jeunes vivant dans les grandes villes », conclut Ouspenskaïa.
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