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Lorsqu'en 941, le prince Igor, fils de Riourik, a attaqué Constantinople avec environ 1 000 navires, la flotte byzantine a riposté en utilisant le feu grégeois – un mélange liquide inflammable qui était projeté par des tubes ou catapulté dans des jarres sur les bateaux ennemis.
Le feu grégeois était une menace mortelle pour les navires lents et volumineux de l'époque. Les guerriers russes préféraient se noyer plutôt que de brûler, et sautaient à l’eau. La flotte d'Igor a ainsi été dévastée. « C'est comme si les Grecs avaient un éclair venu des cieux, et en le lançant, ils nous ont brûlés ; c'est pourquoi nous ne les avons pas vaincus », affirment les chroniques russes.
Feu grégeois
Domaine publicOn pense que le pétrole était l'ingrédient clé du feu grégeois et qu'il était principalement obtenu par l'Empire byzantin dans des terres appartenant aujourd'hui à la Russie – la Crimée et la ville de Tmoutarakan (Taman) dans ce qui est aujourd'hui la région de Krasnodar. Dans ces régions, le pétrole pouvait être obtenu à la surface de la mer d'Azov ou collecté à partir des sables bitumineux. Le pétrole était alors stocké pour être vendu aux marchands de la région méditerranéenne – les archéologues ont trouvé de nombreuses amphores d'argile ayant servi à cela sur les rives nord de la mer d'Azov.
Amphores médiévales de la péninsule de Taman ayant contenu du pétrole
Photographie d’archivesPar conséquent, les qualités du pétrole étaient évidemment connues des Russes à l'époque médiévale. Fedot Kotov, un marchand russe qui s'est rendu en Perse en 1623-1624, a écrit : « Des lampes à pétrole sont allumées tout autour de la place », décrivant la ville d'Ispahan. Kotov a également décrit une cérémonie de culte, au cours de laquelle « un homme de paille est amené dans un champ à l'extérieur de la ville, puis ils... versent du pétrole sur l'homme de paille et le brûlent ».
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Le pétrole – autrefois appelé « huile de pierre » en Russie – était traditionnellement utilisé en peinture et en médecine. Un manuel russe pour les peintres d'icônes du XVIIe siècle décrivait : « Pour composer une peinture, utilisez de la cire, du vernis et ajoutez du pétrole pour qu'elle sèche plus rapidement. Et lorsque vous vernissez une icône, et qu'elle devient épaisse, prenez un peu de pétrole avec votre doigt et étalez-le ». Le pétrole était utilisé comme solvant pour la peinture et, en séchant, il laissait un brillant caractéristique, ce qui était essentiel pour la peinture d'icônes.
Installation pour la distillation du goudron
Photographie d’archivesLes utilisations médicinales du pétrole comprenaient l'application pour les maladies cutanées et rhumatismales. Actuellement en 2021, l'efficacité du pétrole à ces fins est scientifiquement prouvée.
Le pétrole, en tant que matière inflammable, était en outre utilisé à des fins autres que militaires, mais lors d'occasions très spéciales – pour les torches « inextinguibles » ou les feux d'artifice – tant pour les cérémonies de la haute société que pour les occasions festives. Pour la guerre, le pétrole était utilisé dans la fabrication de grenades, de « pointes de feu » et de « boulets de canon enflammés » auxquels l'armée russe avait recours aux XVIe et XVIIe siècles.
Pétrole dans un trou creusé dans la glace du Baïkal
V. Issaïev/Université d'État d'IrkoutskEn 1650, des documents indiquent que les habitants des environs du lac Baïkal collectaient le pétrole à sa surface – il suintait des rives rocheuses des rivières, se dirigeait vers le lac et le vent le poussait jusqu'à la berge, où il pouvait être recueilli. Ce pétrole était parfois transporté à Moscou. En 1684, Leonti Kislianski, un fonctionnaire de l'État à Irkoutsk, non loin du Baïkal, a été envoyé pour trouver des gisements de pétrole autour du lac. Il a alors fait état d'une colline qui était très chaude au toucher et qui sentait le pétrole frais. Kislianski, qui était un ancien peintre et connaissait les nombreuses utilisations du pétrole, prévoyait d'organiser l'extraction de cette denrée, mais il a été convoqué à Moscou pour d'autres affaires.
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Alors que le tsar Pierre le Grand menait sa Grande Ambassade en Europe en 1697-1698, il a rencontré Nicolas Witsen (1641-1717), homme d'État néerlandais et maire d'Amsterdam. Witsen a guidé Pierre dans ses voyages à travers les Pays-Bas. Ils sont ensuite restés amis et ont correspondu. Pierre savait donc parfaitement que Witsen, dans son livre Tartarie du Nord et de l’Est, écrit après son voyage en Russie avec l'ambassade néerlandaise en 1664-1665, avait décrit que près de la ville de Petchora, dans le Nord de la Russie, du pétrole était recueilli à la surface de la rivière Oukhta.
La rivière Oukhta
Borealis55En 1721, cet endroit a été découvert et des échantillons du pétrole de l'Oukhta ont été envoyés à Saint-Pétersbourg. Toutefois, ce n'est qu'en 1745 que Fiodor Priadounov, un marchand et homme d'affaires russe, a décidé d'y ouvrir la première raffinerie et a présenté le pétrole collecté au Berg Collegium de Moscou, une institution d'État qui contrôlait les ressources minérales en Russie. Cette dernière a alors accordé son autorisation de débuter l'extraction et la production sur ce site.
Fiodor Priadounov
Domaine publicLe premier puits de pétrole russe n'était qu'un édifice en rondins situé dans le lit de la rivière, près de la source souterraine de cet or noir, que l'on recueillait à l'aide d'un cône inversé. Le pétrole était également encore recueilli à la surface. En 1748, Priadounov en avait recueilli environ 650 litres et l'avait amené au Berg Collegium pour qu'il soit distillé. Les résultats étaient impressionnants, mais le problème était qu’à l'époque personne n'avait vraiment besoin de pétrole distillé en Russie. En fait, Priadounov en distillait le kérosène, mais les lampes à kérosène n'avaient pas encore été inventées. Il n'avait donc nulle part où vendre son pétrole.
Raffinerie de Fiodor Priadounov
Photographie d’archivesDésespéré, Priadounov a envoyé des échantillons à Hambourg pour des tests chimiques et a reçu en retour un document signé par deux chimistes allemands affirmant que le pétrole pouvait probablement être utilisé à des fins médicales – pour aider les patients « souffrant de rhume ou de toux, pour les articulations disloquées, la fièvre, les coups de froid, pour la relaxation des articulations etc ». Priadounov a par conséquent commencé à vendre son pétrole à Moscou comme un nouveau type de médicament, et ce, illégalement, sans autorisation des autorités. Pour cela, il a été arrêté – et même après sa libération, il a été condamné à une lourde amende et est mort endetté. Son usine pétrolière a quant à elle été détruite par une crue de la rivière, et la production de pétrole n'a en grande partie pas repris en Russie avant le XIXe siècle, lorsque de vastes gisements ont été mis en production dans le Caucase, et que la lampe à pétrole a été inventée. Mais ça, c'est déjà une autre histoire.
Dans cet autre article, nous vous expliquions ce que la Russie exportait avant l’ère du gaz et du pétrole.
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