Comment vit-on dans les lieux les plus reculés de Russie?

Des femmes célébrant la Journée des éleveurs de rennes à Salekhard, capitale du district autonome de Iamalo-Nénétsie, dans le Grand Nord russe

Des femmes célébrant la Journée des éleveurs de rennes à Salekhard, capitale du district autonome de Iamalo-Nénétsie, dans le Grand Nord russe

Maksim Blinov/Sputnik
Dans le plus grand pays du globe, tout le monde n'a pas la chance de se trouver dans des endroits où l'on peut facilement faire le plein de carburant ou télécharger des photos sur Internet. Certaines personnes doivent surmonter des difficultés sans précédent et prendre des mesures désespérées pour cela.

Russia Beyond désormais sur Telegram! Pour recevoir nos articles directement sur votre appareil mobile, abonnez-vous gratuitement sur https://t.me/russiabeyond_fr

Quatorze heures à cheval et en tracteur pour passer son examen

Katia Gotovtseva est née et a grandi dans le village de Dygdal, en Iakoutie, qui se trouve à 125 km du centre urbain le plus proche. Or, c’est précisément uniquement là-bas qu’elle pouvait passer son examen d'État unifié (l’équivalent du baccalauréat en Russie) de langue étrangère, ce qui représentait un problème pratique considérable. En effet, chaque printemps, à cause des inondations dues à la fonte des neiges, la route qui mène à cette ville est tout simplement impraticable. Cela n'a toutefois pas arrêté Katia, et avec son père, ils ont mis au point un itinéraire. L’écolière a dû se rendre de Dygdal au village suivant à cheval, puis au suivant en tracteur, après quoi elle a enfin pu monter à bord d’une voiture.

(En vidéo: le village de Dygdal)

Le 18 mai, le pays a ainsi célébré la « dernière cloche », fête du dernier jour de l’année scolaire, tandis que Katia a sellé son cheval pour se rendre à l'examen.

« Nous n’avions même pas encore quitté le village, quand mon Orlik a senti quelque chose ou a eu peur de quelque chose, et a rapidement couru au trot vers la forêt, s'est mis sur ses pattes arrière et a essayé plusieurs fois de me jeter à terre. Puis il a sauté dans les bois épais avec des branches et des buissons desséchés. J'ai pu regarder vers papa dans l'espoir qu'il me sauve de ce cheval fou. Mais papa est resté là et a paniqué tranquillement car s'il était intervenu, il aurait aggravé la situation », se souvient-elle.

Inondation dans le village de Dygdal

Katia s'est alors égratigné le visage, sa casquette de baseball rose s'est envolée, et son nez a commencé à saigner. Elle a toutefois empoigné avec plus de fermeté les rênes et après un certain temps, le cheval s'est calmé. Les sept heures suivantes du voyage se sont déroulées sans problème.

Sur le tronçon suivant, les attendait déjà un tracteur avec une charrette, où étaient assis des écoliers dans la même situation qu'elle. « Nous avons aussi conduit environ sept heures. Il faisait très froid et sombre, nous avons essayé de dormir un peu, mais la charrette virait sur les côtés et tremblait beaucoup à cause de la route terrible, donc on n’a pas spécialement réussi à dormir », relate Katia. Arrivée au village suivant, elle y a passé la nuit, et le matin, elle a pris la voiture pour rejoindre le lieu de l'examen : « Les enseignants choqués voulaient entendre mon récit, mais moi, je me suis assise, embarrassée, devant une assiette de purée et de fricadelles ».

Lire aussi : Ces Russes faisant de leur quotidien une préparation à l’apocalypse

De l'essence une fois par an et un risque d'être dévoré

Dikson

Les habitants de Dikson, le village le plus septentrional de Russie, doivent vivre dans le froid pendant la plus grande partie de l'année. Même en été, la température moyenne y est de 5,5℃ (-48℃ en hiver), en juin l’on s’y déplace encore en motoneige. Mais ce n'est pas le seul problème.

Le village est tellement isolé du reste de la Russie que la possibilité de commander de l'essence n'est offerte qu'une fois par an, pendant la période de navigation. Alors, il est livré par bateau. Il n'y a pas de station-service dans ce village. La plus proche se situe à environ 500 km, mais il n'y a de toute façon aucun moyen de s’y rendre, puisqu’il n’y a pas de routes. « Les automobiles privées sont très rares ici. La plupart des gens ont des motoneiges et des bateaux à moteur. Nous commandons de une à deux tonnes d'essence pour la navigation. C'est suffisant pour un an », décrit Alexandre Anissimov, un habitant du village.

Dikson a également des problèmes avec Internet, le réseau y étant très faible. Personne n'a même jamais essayé de télécharger de vidéo ici. Il faut en effet déjà une heure et demie ou deux pour seulement mettre en ligne quelques photos.

Mikhaïl Degtiarev

Par ailleurs, la plus grande menace dans le village, ce sont les animaux sauvages. La protection face à eux est assurée par la police locale, la criminalité humaine étant absente. « Ici, viennent tant des loups que des ours. Ils peuvent surgir subitement de derrière une maison », explique Mikhaïl Degtiarev, un résident. À Dikson, l’on peut partout apercevoir des annonces demandant de ne pas nourrir les ours et (si un tel souhait vous viendrait à l’esprit) de ne pas essayer de se photographier avec eux.

Lire aussi : Des étrangers racontent leurs inoubliables périples en Sibérie, loin de tout

Téléphone sur le toit

Koussour est le village le plus difficile d’accès du Daghestan. Il est situé en altitude et relié à la plaine par une seule route. Il faut environ sept heures pour atteindre la capitale, Makhatchkala. Près du village de Moukhakh, sur le versant de la crête principale du Caucase, la route se termine – seul un dangereux chemin de montagne continue. Après 15 kilomètres, il mène enfin à Koussour.

En été, il y a dans ce hameau sept ou huit maisons habitées, et en hiver, ceux qui en ont la possibilité s’en vont. En effet, pour gagner le magasin le plus proche, dans le village de Djinykh, il faut parcourir à skis une rivière gelée sur plus de 20 kilomètres.

En outre, parmi les biens de la civilisation, on ne trouve dans le village qu'une cabine téléphonique. On ne peut toutefois pas y passer d’appel – il n'y a pas de cartes pour cela à Koussour. L’on peut toutefois en recevoir. Le premier qui entend la sonnerie dans la rue, décroche le téléphone, puis va chercher le destinataire de l’appel.

Il est vrai que les habitants de Koussour disposent aussi de téléphones portables, mais il n’est possible de capter le signal uniquement près d’une seule maison, sur une colline, et seulement au pied du mur qui fait face à une lointaine antenne de l'opérateur mobile. Ici, le téléphone est fixé au mur sur une plaque métallique artisanale avec des crochets, à l'endroit où le signal est le mieux capté, et il faut composer le numéro avec précaution – sans retirer le portable de son support. Dans la journée, sur le banc placé à côté, il y a généralement une file d’attente entière.

Internet dans les champs et nomades équipés de drones

À Koulmetovo, en République de Bachkirie

Depuis le début de la pandémie de coronavirus, la vie dans certains endroits reculés de Russie a commencé à ressembler à un jeu de quête. D'une part, les habitants pouvaient enfin y apprécier leur propre isolement, d'autre part les écoliers locaux ont détesté l'enseignement à distance. Si pour la plupart des citoyens du pays, cela signifiait étudier à la maison avec une tasse de thé devant son ordinateur, pour eux, cela a impliqué la recherche de solutions extraordinaires.

Les élèves des villages du bassin de la Kama (grossièrement, la région de Perm), par exemple, ont dû s'asseoir sur le toit de leur maison pendant des heures, le signal n'étant captable qu'à cet endroit. « Je monte sur le toit pour envoyer mes devoirs et télécharger les fichiers. Je me tiens debout pendant une heure. Et si je m’interromps, je dois tout télécharger à nouveau », explique Amina Kazarinova.

En Bachkirie, dans le village de Koulmetovo, les écoliers captent Internet sur une route au milieu des champs. Pour ce faire, ils doivent venir en voiture, relatent les habitants. « Quatre élèves par voiture font leurs devoirs, l’un sur son téléphone, l’autre sur son ordinateur portable ».

Sur la péninsule de Yamal, dans le Grand Nord russe

En parallèle, ceux qui mènent une vie nomade dans la nature sauvage, à l’instar des éleveurs de rennes en Iakoutie, bénéficient au contraire de nouvelles opportunités : leurs troupeaux sont désormais surveillés par des drones. La recherche de rennes perdus est beaucoup plus facile avec eux. « Nous utilisons un drone dans les endroits où la forêt est plus dense. Les rennes n'en ont peur que lorsqu'il vole vite – le son est agaçant pour eux. Quand il fait du sur place, tout est normal », explique Sergueï Laptander, éleveur.

Dans cet autre article, nous vous présentons ces peuples de Russie vivant détachés de la civilisation et selon les traditions de leurs ancêtres.

Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.

À ne pas manquer

Ce site utilise des cookies. Cliquez ici pour en savoir plus.

Accepter les cookies