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En se promenant à Lyon, il est facile de se retrouver sur le boulevard de Stalingrad, le cours Tolstoï, la promenade Lénine et dans la rue de Crimée ou de Cronstadt… des noms bien connus des Russes. C’est aussi l’un des signes des liens amicaux et spécifiques entre la Russie et la France. Ces relations privilégiées se manifestent à la fois dans l'activité économique et les échanges culturels entre les deux pays. La longue tradition d’émigration des Russes en France a également son rôle à jouer.
De nombreuses colonies russes se sont créées partout en France dès la Révolution de 1917 et tout au long du XXe siècle par trois vagues d’émigration. Aujourd’hui, il est difficile de donner le nombre exact de Russes en France : des chiffres allant de 200 000 à 500 000 personnes sont parfois mentionnés. Si la plupart des nouveaux émigrés russes s’installent dans la capitale, une autre destination privilégiée est la ville de Lyon.
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D’où viennent les Russes lyonnais ?
Dans les années 1920, près de 3 000 Russes se sont installés dans la région de Lyon. La ville, avec ses banlieues Décines, Vaulx-en-Velin et Villeurbanne, accueille donc la plus grande colonie russe en province après Paris et Nice. À l’époque, ces endroits sont connus comme « la vallée de la chimie », car des industries chimiques, comme les usines de soieries, s’y développent. Or, après la Première Guerre mondiale, ces dernières sont dans un besoin accru de main-d’œuvre, ce qui attire grand nombre d'étrangers, parmi eux des Russes.
Ce sont d’anciens officiers de l’Armée blanche avec leurs familles et surtout des officiers de l’armée du général Kornilov qui y émigrent. En outre, l’un des principaux acteurs de la Révolution d’Octobre, Léon Trotski, est aussi passé par la région, en séjournant entre 1934 et 1935 près de Grenoble avant de se réfugier en Norvège.
L’Orthodoxie comme bagage commun
La création de diverses associations professionnelles et sociales russes à Lyon ne s'est pas faite attendre : en 1936, il y en avait 32 enregistrées auprès du Comité des émigrants russes. Par ailleurs, la première paroisse orthodoxe de la Protection de la Vierge Marie a été fondée en 1924.
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Créée avec la bénédiction et sous la juridiction du Métropolite Euloge, alors exarque du Patriarche de Moscou à l’époque, elle devient le centre de regroupement des émigrés russes à Lyon, ce qui reste toujours le cas aujourd’hui.
La Paroisse se situe actuellement dans la chapelle St-Joseph des Brotteaux au 146, Rue Sully, dans le 6e arrondissement de Lyon, après avoir déménagé trois fois. La plupart des vases sacrés et des icônes, ainsi que l’iconostase, les bougeoirs et même les lampes sont authentiques, datés de XXe siècle et s’y trouvant depuis la création de l’église. Si dans les années 1970-1980 la Paroisse a connu une période de déclin, aujourd’hui elle retrouve un nouvel élan surtout grâce aux nouveaux immigrants.
Comme nous a raconté le marguillier de la Paroisse, Alexandre Davidoff, [en russe « starosta », c’est-à-dire un homme laïc qui gère la communauté de l'église], « les émigrés qui l'ont créée ne sont plus de ce monde [le dernier représentant des premiers émigrés russes à Lyon, Paul Solodky, est mort récemment en avril 2020 à l’âge de 93 ans], aujourd'hui les paroissiens sont leurs descendants, mais ils ne sont pas très nombreux, il y a aussi des Russes émigrés récemment, et d'autres orthodoxes moldaves, ukrainiens, roumains, géorgiens, et aussi quelques Français convertis à l'orthodoxie ». Né dans la banlieue Villeurbanne, Alexandre est lui-même le descendant d’une famille d’émigrés blancs qui s’était installée à Décines. Élevé dans la tradition russe et orthodoxe, il sait toujours parler russe et tente de rassembler la communauté russe actuelle dans la région.
Par hasard ou non, tous les lieux orthodoxes russes de Lyon se situent dans le 6ème arrondissement. Ainsi, il s’y trouve encore deux autres églises orthodoxes. La première est celle de Saint-Nicolas, située au 5, Rue Saint-Geneviève. Elle a été fondée en 1926 et son édifice, plus commun pour l’église russe, avec une coupole bleue en étoiles et une croix culminant le tout, a été construit dans les années 1940.
L’autre, au 4, Petite Rue de la Viabert, l’église Saint-Jean le Confesseur, est la plus récente, puisqu’elle n’a été formée qu’en 2002.
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La vie associative des Russes lyonnais d’aujourd’hui
Traditionnellement, de nombreuses associations russes en France ont vu le jour grâce aux efforts des femmes russes mariées avec des Français. En effet, dans chaque ville où il y a des familles franco-russes, il y a toujours une « école russe » où les enfants bilingues peuvent apprendre la langue, la littérature et l’histoire russe.
La fondatrice et ancienne présidente d'une telle école à Lyon, connue sous le nom « CHKOLA », Marina Dupont de Dinechin, originaire de Nijni Novgorod, nous a raconté comme cette association a été formée : « Quand ma fille aînée est née, je me suis tout de suite préoccupée de son éducation. Je voulais qu'il y ait une section russophone à la Cité scolaire internationale de Lyon. En 2004, nous [les parents russes à Lyon] avons formé une association pour faire les démarches nécessaires pour en créer une. Après avoir échoué, nous avons jugé qu’il fallait organiser quelque chose par nos propres moyens ».
En 2020, plus de 200 enfants bilingues ou non bilingues, âgés de 3 à 13 ans, sont inscrits à l’école où chaque mercredi et samedi ils participent à des cours académiques comme la lecture, le développement du langage, l’histoire et la géographie, ainsi qu’à des activités récréatives, comme le théâtre, l’éveil musical, la peinture et le dessin.
Théâtre « OKNO »
Plus de 10 ans plus tard, en tant que grande passionnée de la culture russe, Marina a lancé un nouveau projet – le club « Lycorn » avec pour activité principale l’école de théâtre russe OKNO. Sous la direction d’Anton Gopko originaire de la ville de Togliatti et diplômé de l’Académie russe des arts du théâtre (GITIS), les habitants lyonnais russophones apprennent le jeu d'acteur et proposent des spectacles en russe accompagnés de sous-titres français. Au total, six spectacles ont été déjà présentés au public lyonnais, parmi lesquels: l’interprétation des nouvelles de Tchekhov et la poésie de l’âge d’argent sous le nom « Tchekhov+ » et le vaudeville de Vladimir Sollogoub « les Malheurs d’un cœur trop tendre ». Deux spectacles sont en cours de préparation pour la saison 2020-2021 : Le Roi nu du dramaturge soviétique Evgueni Schwartz et Le Corbeau de Carlo Gozzi.
Si Marina et les autres parents voyaient initialement dans cette initiative le moyen de préserver et développer les connaissances de leurs enfants en langue russe de façon non ordinaire, c'est-à-dire d'aller plus loin d'un simple cours de langue, pour le metteur en scène Anton, « le théâtre n’est pas un moyen, c’est un but, et nous ne le faisons pas simplement pour le développement du langage ». Ainsi, l'objectif global de l'association aujourd’hui est de créer un véritable théâtre à Lyon avec ses propres locaux et une école, en gardant la tradition de la langue russe. Au fur et à mesure, l’association a grandi et regroupe aujourd’hui plus de 50 personnes d’âges différents : des enfants à partir de 6 ans aux adultes. En dehors du théâtre, des cours de russe, de dessin et de danse de caractère pour les enfants et adolescents sont organisés.
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Projet Russe : voir la Russie sans filtres
Créée en 2013 par un couple franco-russe – Olga et Nicolas Degay – avec le but de consolider les liens entre individus, et « pas que russophones », l’association « Projet Russe » grâce au ciné-club et au festival annuel « les Saisons russes de Lyon » est vite devenue un endroit de découverte de la culture russe pour les habitants de Lyon et aussi un espace de partage entre les Français et les russophones. Aujourd’hui, plus de 800 personnes sont adhérentes de l’association et son public principal est les couples franco-russes, les étudiants venus de Russie et des pays ex-soviétiques, ainsi que les Français qui font des études de russe, voire simplement des gens avec l’esprit plus ouvert.
D’après la présidente de l’association, Olga, « la particularité des Russes en France est que ce sont des gens principalement éduqués avec un appétit culturel et avec plein de choses qu’ils sont capables de partager avec les locaux, ce sont de bons ambassadeurs de la Russie ». Les deux moteurs essentiels ayant poussé Olga et Nicolas à créer une telle organisation s’avèrent être le manque de culture russe dans la vie personnelle après le départ à l’étranger et de nombreuses lacunes en ce qui concerne la présence de chefs-d’œuvre russes en France, surtout dans le domaine du cinéma. Dans ses activités, l'association parie donc sur la rareté et la nouveauté et cherche à montrer, avant tout à travers le cinéma, l'autre côté de la Russie, qui est peu représenté en France.
Même si toutes les activités habituelles de l’association ont été suspendues cette année en raison de la crise sanitaire, l’association a réussi à s’adapter à la nouvelle réalité et a lancé un nouveau projet pour promouvoir la langue et la culture russe partout en France. En attente de la reprise de l’activité, un cours de russe spécial a été créé en ligne, grâce auquel les étudiants pourront « voir et comprendre la Russie sans filtres ».
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