De la Neva à la Seine, plongée dans l'histoire de l'immigration russe en France

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Sorti l’année du centenaire de la Révolution russe d’octobre, le roman de Carole Sorreau De la Neva à la Seine, sorti aux Editions Maïa, met en scène les rescapés de ce désastre historique qui a anéanti la Russie tsariste – les Russes blancs, exilés à Paris.

L'histoire qui commence par une fuite dans la salle de bain d’un immeuble mal entretenu de banlieue parisienne semble assez banale, se dit-on en attaquant ce premier livre de l’auteur, inspiré de faits réels. Mais après quelques pages parcourues, le lecteur est le témoin de toute une série d’événements qui le forceront à dévorer le roman jusqu’à la dernière page, dont on comprend en la lisant que l’intrigue est loin d’être épuisée…

Au croisement des époques et des destins

Les vies de deux femmes, vivant à des époques différentes et venues de pays assez éloignés, se croisent de façon peu ordinaire dans un immeuble à Boulogne-Billancourt, une banlieue parisienne qui fut le témoin privilégié de l’exode massif des Russes issus des milieux aisés après la révolution bolchevique en Russie.

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Une des héroïnes, Viktoria, est une comtesse saint-pétersbourgeoise qui avait tout pour mener une vie tranquille et heureuse dans son splendide palais sur les rives de Neva, tel un oiseau rare dans sa cage dorée. Mais l’histoire en a décidé autrement, la projetant dans le tourbillon des événements tragiques qui ont anéanti sa Sainte Russie. Elle, qui n’avait d’autre obligations dans la vie que de savoir tenir les réceptions mondaines de la haute société et de suivre les tendances de la mode parisienne depuis son somptueux palais, se retrouve seule et sans le sou dans le Paris de l’époque de la Grande Guerre avec un seul objectif : survivre, en gagnant sa vie par n’importe quel moyen. Elle s’en sort, se bat contre les préjugés et idées reçues de l’époque, la misère, le mépris, la xénophobie et d’autres maux, auxquelles une étrangère seule et sans soutien quelconque peut être confrontée en France de cette période trouble. La Deuxième Guerre mondiale apporte une nouvelle vague de malheurs pour sa famille, son second époux étant d’origine juive russe.

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Une autre héroïne, Elena, Française, se retrouve veuve très jeune, tout comme Victoria. Elle est confrontée à des défis auxquelles elle n’aurait jamais pensé quand elle vivait auprès de son mari, qui prenait toutes les décisions concernant leur vie commune, jusqu’à imposer à Elena sa coiffure et la coupe de sa jupe. Et tout comme notre comtesse russe, elle surmonte sa détresse et va de l’avant, en commençant par le déménagement dans une autre ville et l’achat d’un appartement. C’est là que sa vie commence à se remplir d’événements extraordinaires.

Découverte

Un jour, Elena découvre lors de travaux dans sa salle de bain des objets appartenant à Viktoria. Elle commence à mener l’enquête pour comprendre comment et pourquoi ces objets ont été cachés dans un conduit de cheminée condamnée.

En avançant dans ses recherches, elle découvre tout un pan d’histoire de l’émigration russe, qu’elle ignorait jusque-là. Finalement, cette trouvaille bouscule toute sa vie et aboutit à une découverte époustouflante, dont nous ne voulons pas révéler tous les détails, pour ne pas gâcher le plaisir du lecteur.

Ainsi, les destins de Viktoria et d’Elena s’entrecroisent au sein d’un immeuble témoin d’une épopée historique et sociale, d’histoires d’amour, espionnage et résistance, de la grandeur et de la bassesse humaine.

Naissance des personnages

Ce récit truffé de détails historiques et incarné dans des personnages qui dépeignent au mieux leur époque, tout en restant une fiction littéraire, résulte d’un concours de circonstances assez particulières et du travail de recherche acharné réalisé par Carole Sorreau. D’ailleurs, le déclenchement de cette première expérience littéraire fut une découverte, faite par l’auteur dans le cadre de ses fonctions en tant que présidente du conseil syndical dans un immeuble classé à Boulogne-Billancourt.

« Nous avions de gros travaux à faire et pour respecter les cadastres j’ai commencé à mener l’enquête. Parmi d’autres documents consultés j’ai fait une découverte incroyable – une fascicule qui fait état de la déportation des juifs de toutes nationalités pendant la Deuxième Guerre mondiale. J’ai sursauté quand j’ai découvert dans la liste mon immeuble, d’où une femme, Bertha Billig, a été déportée en 1943 à Auschwitz, et d’où elle n’est pas revenue », raconte l’auteur du roman.

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Cette découverte a poussé Carole Sorreau à essayer d’en savoir davantage sur cette femme. Elle a découvert que c’était une juive russe de Saint-Pétersbourg ayant fui la révolution bolchevique en passant par l’Allemagne. Cette femme avait un fils, Joseph Billig, devenu expert en histoire de la Shoah. « C’est comme ça que mon personnage de Viktoria est né. C’est l’histoire avec un grand H de la Russie qui m’a emmenée dans cette aventure », indique Carole Sorreau expliquant sa décision de se lancer dans l’écriture.

Intriguée par sa découverte, cette spécialiste en agriculture et finances publiques s’est lancée tête baissée sur les traces des immigrés russes installés à Paris et ses banlieues. Plus de 70 livres d’histoire avalés en 18 mois, des rencontres avec les représentants de trois générations d’immigrés russes, la visite de lieux marqués par la présence russe depuis un siècle, des recherches dans des archives et des bibliothèques… Tout cela pour retracer avec fidélité les époques vécues pas ses personnages.

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L’auteur nous promet la suite de cette histoire passionnante. « L’histoire de cet exode est tellement riche qu’une fois qu'on est pris dans tout ça, c’est sans fin : quand les Russes blancs sont partis, ils se sont retrouvés dans différents coins du monde. J’ai envie de continuer, parce que l’écriture est une façon de partager les épisodes historiques oubliés ou méconnus », avoue l’auteur de De la Neva à la Seine.

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