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L’éveil des racines
Difficile de dire qu'avant d'arriver en Russie, Igor Troubetskoï, 36 ans, moitié français et moitié suisse avec un nom russe, ne savait rien de la patrie de ses ancêtres ; mais affirmer que son sang russe jouait un très grand rôle dans sa vie serait également inexact.
Descendant d’une célèbre famille noble de l'Empire russe, Igor est né en Suisse et a grandi en France, non loin de la frontière entre les deux pays. « Grâce à mon nom de famille, à l'école, on me prenait pour le fils d'un scientifique russe, alors que je ne connaissais pas la Russie », dit-il.
Néanmoins, dans la famille d'Igor, de petites traditions le rapprochaient de ses racines russes. « J’allais parfois à la messe de la cathédrale orthodoxe à Genève, et surtout chaque année, en janvier, à la fête du Noël organisée par la communauté russe de la ville, se souvient-il. J’aimais beaucoup l'ambiance et en sortais frustré de ne pas pouvoir comprendre la langue ».
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Tout a changé en 2006, quand Igor s’est retrouvé pour la première fois en Russie. Debout dans une salle de l’Ermitage face au portrait d’un commandant de l'époque des guerres napoléoniennes, son lointain ancêtre le prince Vassili Troubetskoï, il lui semblait qu’il n’avait qu’à tendre le bras pour effleurer son passé familial. « Je voulais apprendre le russe et en savoir plus sur ce pays, explique-t-il. Par conséquent, j'ai quitté mon excellent poste de spécialiste des finances à Genève et j'ai déménagé à Saint-Pétersbourg, une ville non loin de laquelle, à Tsarskoïe Selo, mon grand-père est né 15 ans avant la Révolution ».
De grand-père en petit-fils
Le grand-père d'Igor, Kirill, était le fils d'un militaire russe, le noble Nikolaï Troubetskoï, et de la fille d'un ministre et ambassadeur argentin en Italie, Isolina Moreno. C'était un couple magnifique, dont l'union a été annoncée dans les journaux. Malheureusement, ils n’étaient pas destinés à vivre ensemble longtemps, puisque le prince Troubetskoï est mort en 1916, un an avant la Révolution russe. Après son décès, Isolina, sa fille Sofia, et Kirill, ont quitté le pays pour toujours, se rendant d'abord en Allemagne, puis en Autriche. Enfin, ils ont décidé de s'installer en France.
« Malheureusement, mon grand-père a passé très peu de temps avec mon père, raconte-t-il. Cela explique le fait que j'ai grandi dans la culture française par mon père, et suisse par mère ». Pourtant, Igor ressemble non seulement à son grand-père, dont les photos sont soigneusement stockées dans les archives familiales, mais a également choisi une spécialité similaire à celle de son aïeul. « Après avoir effectué un stage à New York, Kirill est revenu à Paris et a commencé à gagner sa vie dans le courtage et a même écrit un petit manuel à ce sujet en anglais », explique Igor.
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Après avoir vécu plus de 10 ans dans la patrie de ses ancêtres, difficile pour Igor de s'imaginer ailleurs. Ici, il apprécie le dynamisme des gens, notamment les jeunes dans la créativité. L'une des manifestations de sa passion pour la culture de la patrie de ses ancêtres est la lecture des classiques russes du XIXe siècle, dans lesquels il dit déceler à la fois les identités russe et française : « Je trouve cette délicatesse à la française dans leur écriture et je pense que les Français sont les mieux préparés pour apprécier les œuvres littéraires russes », indique-t-il en riant.
Être à la hauteur de son nom de famille
Il convient de noter qu'en même temps, Igor n'est pas pressé de se dire russe, comprenant la complexité de ses origines. « J’ai compris l'âme russe mais il est vrai que mon grand-père et mon arrière-grand-père voyageaient beaucoup et vivaient dans un milieu plus européen que russe, donc je suis peut être aussi le résultat, le mélange de plusieurs mentalités », explique-t-il.
S'il y a quelque chose qui, aux yeux d’Igor Troubetskoï, « légitime » son appartenance à une famille russe bien connue, c'est sa maîtrise de la langue qu'il a brillamment apprise après avoir déménagé dans le pays. « Dans une certaine mesure, la connaissance du russe remplace la citoyenneté russe, que je ne possède malheureusement pas encore », précise-t-il.
Ainsi, avec Igor, c’est toute l'histoire des Troubetskoï qui a pris un tournant inattendu et semble même entamer une renaissance. « Je suis moi-même le symbole du pont diplomatique entre les deux pays et étant français aujourd’hui, je souris à l’idée qu’il y a deux cents ans, mon ancêtre était dans l’autre camp face à Napoléon. Mais à cette époque, même la guerre se faisait avec grand respect »,conclut Igor Troubetskoï.
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