Comment Napoléon a-t-il été sauvé par un général russe?

Antoine Alphonse Montfort/Palais de Versailles; George Dawe/Musée de l'Ermitage; Paul Delaroche
Sans le comte Pavel Chouvalov, ni les célèbres Cent-Jours de Napoléon, ni la bataille de Waterloo n'auraient jamais eu lieu.

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Au printemps 1814, l'Empire français approchait de sa fin : les forces alliées s'emparaient de Paris, Napoléon abdiquait et les Bourbons reprenaient le pouvoir dans le pays. En signe de respect pour l'homme qui avait autrefois détenu le pouvoir sur toute l'Europe, la Coalition a laissé à Bonaparte le titre d'empereur, mais seule la petite île méditerranéenne d'Elbe demeurait sous son contrôle.

Fin avril, après avoir pris congé des soldats de sa Vieille Garde au palais de Fontainebleau, Napoléon s'est donc exilé. Son chemin devait s’étendre sur le territoire de la France entière, jusqu'au port de Fréjus, où l'attendait déjà son bateau pour l'Elbe.

L'empereur déchu a effectué ce trajet modestement, dans une simple voiture hippomobile, accompagné d'un petit convoi et de plusieurs émissaires qui lui avaient été spécialement affectés par les membres de la Coalition. Le tsar Alexandre Ier avait ainsi envoyé à Bonaparte le lieutenant général Pavel Chouvalov (1776-1823). C'est à lui que Napoléon devra ultérieurement la vie.

Contre Napoléon

Lorsque la Grande Armée avait envahi l'Empire russe, le comte Pavel Chouvalov commandait le 4e corps d'infanterie. Mais presque immédiatement, gravement malade, il avait été contraint de quitter ses fonctions.

Portrait du comte Chouvalov

Chouvalov était ensuite retourné au régiment en 1813, alors que les troupes russes marchaient à travers l'Europe, poussant lentement les Français vers Paris. Le comte avait dans ce cadre accompagné l'empereur Alexandre Ier sur tous les champs de bataille, et pour sa participation à la Bataille des Nations, près de Leipzig, il avait été décoré de l'Ordre de Saint-Alexandre Nevski.

Beaucoup plus tard, en avril 1814, Napoléon, à la vue de Chouvalov au palais de Fontainebleau, lui avait demandé quelle était la médaille sur sa poitrine. Apprenant que cette décoration était « en souvenir de l'heureuse issue de la guerre de 1812 », Bonaparte s’était tu et, pendant plusieurs jours, ne lui avait pas adressé la parole, lui démontrant ainsi son mépris. Cependant, l'ancien empereur ne tarderait pas à changer radicalement d'avis sur ce Russe.

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Au seuil de la mort

Au début, le cortège de Napoléon a été accueilli par des foules en liesse s’exclamant « Vive l'Empereur ! ». Cependant, au fur et à mesure que l’escorte se déplaçait vers le sud, cette exultation a laissé place au silence, puis à une franche hostilité.

En Provence, la population rencontrait déjà Bonaparte avec des jurons et des malédictions. L’ancien empereur a toutefois conservé son calme, prétendant que rien de tout cela ne le concernait.

Un véritable danger l'attendait néanmoins dans la commune d'Orgon, au sud d'Avignon. Sur le chemin du cortège, la foule avait en effet installé une potence avec un épouvantail de Napoléon s’y balançant. À son passage, des gens se sont alors précipités vers la voiture fermée, essayant de faire sortir l'empereur déchu et de le tuer. Il n’est pas exclu que les royalistes désireux d'empêcher le « monstre corse » d'atteindre sa destination aient pu également participer à l’embrasement de cette fureur.

Après avoir écrasé le petit convoi et les émissaires, la foule était déjà proche de sa cible, mais c’était sans compter sur l’intervention du comte Chouvalov. Il a été le seul à résister à l'assaut et à repousser les citoyens avec ses poings et ses cris. Ayant gagné un temps précieux, il a donné le signal au cocher de partir le plus vite possible d'Orgon.

Ayant manqué Bonaparte, la foule était par conséquent prête à écharper Chouvalov lui-même. Cependant, lorsque les locaux ont appris que devant eux se trouvait un général russe, la rage s’est transformée en de joyeux cris : « Vive nos libérateurs ! ».  

Après avoir bientôt rattrapé le cortège de Napoléon, Chouvalov a proposé à ce dernier d'échanger leurs pardessus et de monter dans sa voiture. Ainsi, a expliqué le général russe, si un intrus surgissait, il s’en prendrait à lui et non à Bonaparte. Lorsque le souverain vaincu s’est informé de ses motivations, il a reçu la réponse suivante : « Mon empereur Alexandre m'a chargé de vous conduire à votre lieu d'exil sain et sauf. Je considère comme un devoir d’honneur d'exécuter les ordres de mon empereur ».

Gratitude

Sabre de Napoléon

Cette ruse a fonctionné, et quelques jours plus tard, Bonaparte est monté à bord de la frégate britannique Undaunted (L'Inconstant), en direction de l'île méditerranéenne. Avant de prendre la mer, il a offert son sabre au comte en remerciement de lui avoir sauvé la vie.

Chouvalov chérira jusqu’à sa mort cette lame, que Napoléon, alors premier consul, avait reçu pour sa campagne d’Égypte. Ce présent était, il est vrai, un geste de reconnaissance sincère de la part de l'ancien empereur.

Moins d’un an après cela, Napoléon Bonaparte reviendra en France, pour reprendre triomphalement le pouvoir et susciter l’inquiétude dans toute l'Europe trois mois supplémentaires. Un retour qui aurait été impossible sans le courage de ce général russe.

Dans cet autre article, nous vous expliquons pourquoi Napoléon n’est pas parvenu à faire exploser le kremlin de Moscou.

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