Dans les entrailles de la mine la plus profonde d'Europe

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IOULIA CHEVELKINA
Le métier de mineur a peut-être perdu de son romantisme dans la conscience populaire,mais pour les travailleurs eux-mêmes, il revêt une signification élevée et, à certains égards, constitue un hommage à la mémoire de leurs ancêtres.

Les entrailles de la mine, où le minerai est extrait, ressemblent à des tunnels de métro - à la différence que les passagers d’une rame font un voyage de quelques minutes, tandis que les mineurs passent toute la journée de travail dans des souterrains sombres et humides. Gaï, petite ville de la région d'Orenbourg (Oural), vit de cette production : elle s’est développée à la fin des années 50 autour d'un gisement de minerai unique. Aujourd'hui, un tiers de la population de la ville en âge de travailler y est employé - 7 500 personnes.

En ukrainien « gaï » se traduit par « bosquet ». C’est au milieu des bouleaux que le premier puits a été foré et qu’il a été décidé de construire une entreprise mono-industrielle autour de l’usine d’extraction et de traitement de Gaï (GOK). L’ensemble comprend une mine souterraine, une mine à ciel ouvert, un bâtiment administratif et une usine où les matières premières extraites sont broyées et nettoyées des impuretés. Du cuivre, du zinc, de l'or et de l'argent sont extraits du minerai local. Mais les mineurs travaillent avec la roche dans sa forme brute, de sorte que les futurs  métaux précieux ressemblent plutôt à un tas de cailloux gris foncé et poussiéreux.

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Les technologies au service des mineurs

Le quart de travail d’un mineur dure environ sept heures et commence au vestiaire. Des sous-vêtements en coton, des chaussettes en laine, une veste, un pantalon, des bottes en caoutchouc et, bien sûr, un casque sont inclus dans le kit de vêtements spéciaux. Dans une pièce spéciale - la salle des lampes - les mineurs reçoivent une lampe fixée sur leur casque et un auto-sauveteur. En cas d'urgence, cette boîte métallique avec un couvercle fournira une réserve d’oxygène : elle contient un sac de réactif qui traite le dioxyde de carbone, une pince pour le nez et un tuyau à travers lequel le mineur inspirera et expirera.

« Lorsqu’il marche à un rythme normal, l’auto-sauveteur dure 60 minutes. L'essentiel est de ne pas paniquer », conseille-t-on. Mais le plus important, semble-t-il, est d’ouvrir le couvercle trop serré. Après avoir attaché la lanterne à votre casque, vous apprenez à ne pas regarder l’interlocuteur dans les yeux pendant que vous parlez, sans quoi vous risqueriez de l’aveugler. C’est précisément dans la lampe que réside la clé de la survie du mineur en cas de danger. À l'intérieur de celle-ci se trouve un capteur individuel : grâce à lui, un superviseur suit en temps réel où se trouve le travailleur et décide où envoyer l'équipe de secours.

Pour la communication avec les services en surface, tout un système de signaux a été inventé. Par exemple, si le voyant d'un mineur clignote deux fois, il doit entrer en contact. Pour ce faire, il existe des téléphones fixes.

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Feu de circulation souterraine

La mine GOK est considérée comme l'une des plus profondes d'Europe parmi celles où du minerai de cuivre est extrait. Les travaux sont effectués à une profondeur de 1075 mètres. Les travailleurs descendent au niveau souhaité dans des « cages » - un grand ascenseur sans portes. Il se déplace à une vitesse de 8 mètres par seconde et ralentit progressivement en approchant de l’« étage » voulu. Finalement, vous vous retrouvez dans un labyrinthe de rues faiblement éclairées et, en foulant la saleté qui jonche le sol, vous comprenez pourquoi des bottes en caoutchouc étaient nécessaires.

Le chemin à travers la mine est lent et sinueux : il y a environ mille intersections pour 220 kilomètres de routes souterraines. Comme dans la vie ordinaire, le mouvement est régi par des feux de circulation. « Ils fonctionnent en mode automatique et répondent aux ultrasons qui sont émis par les capteurs installés dans les lampes des mineurs, explique Vladislav Saveliev, ingénieur énergétique en chef de la mine souterraine. Si le feu est rouge, le conducteur se réfugie habituellement dans la niche latérale et donne la possibilité d’avancer à la voiture venant en sens inverse ».

Pour la réparation du matériel minier et son entretien à 990 mètres, il existe un système de lavage et de réparation. À la même profondeur, les mineurs ont une salle à manger ressemblant à une grotte : juste sous les arches de la mine, on trouve une longue table et deux magasins, un four micro-ondes et des casiers en métal grossiers pour les effets personnels. Les mineurs apportent avec eux leur nourriture, également appelée « tormozok ».

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Pas une affaire de femme

Selon des calculs préliminaires, les réserves de minerai du gisement de Gaï devraient durer au moins encore 40 ans. Il est exploité en plusieurs étapes : premièrement, des trous sont percés dans la roche, et des charges explosives y sont placées avant d’être actionnées. Ensuite, la masse de la montagne est évacuée par une machine de chargement et de transport semblable à une pelleteuse longue et basse. Elle achemine la matière brute vers le dispositif de réception, par lequel le minerai pénètre dans le convoyeur, puis est envoyé vers le haut ou, comme le disent les mineurs, dans leur jargon, « na gora ».

Lors de chaque quart de travail, environ 500 personnes s’affairent sous terre. La plupart sont des hommes. La raison ? Une liste existant en Russie depuis 1974 mentionnant les professions interdites aux femmes en raison de conditions de travail difficiles et de facteurs de production néfastes. Le travail physique sous terre est mentionné dans les premières lignes de ce document ; par conséquent, parmi les mineurs, on ne trouve pas de femmes. Mais des femmes travaillent tout de même à la mine : par exemple, dans la distribution d’explosifs au sein d’un entrepôt situé à une profondeur de 685 mètres.

« Je suis une aventurière à certains égards, et quand on m'a proposé un travail souterrain il y a 4 ans, j'ai accepté, au moins par curiosité, déclare Tatiana Baïeva. Tout est automatisé dans l'entrepôt, il y a des chargeurs, donc le travail, bien sûr, n'est pas aussi dur que celui des hommes, mais l'entrepôt est quand même énorme et vous courez toute la journée, donc vous n'avez pas le temps d’avoir froid ». On ne peut pas en dire autant des « touristes » souterrains qui, de leur côté, parviennent à ressentir le froid en deux heures : après les températures fraîches de +14°C, on a besoin de se réchauffer – c’est probablement pour cela qu’un sauna et un plancher chauffant ont été installés dans les vestiaires.

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Affaire de famille

Le quart de travail des mineurs se termine à l'entrée de l'usine. On y trouve un écran sur lequel sont affichés les résultats de chaque employé pour la journée. Les mineurs travaillent en groupes, ou brigades, opposées au sein d’une compétition tacite : c’est à qui dépassera le plus le plan. L’objectif global est de porter l’extraction minière de 8 à 9 millions de tonnes par an d’ici 2021. Les meilleurs sont connus de tous et donnent leur nom à leur équipe - l'équipe de Khristoforov ou l'équipe de Letov. Cette tradition rappelle un peu l'époque soviétique, lorsque de tels exploits étaient souvent rapportés dans les journaux.

De tels sujets sont désormais moins souvent abordés dans les médias ou la culture populaire, mais, comme le disent les mineurs eux-mêmes, ces compétitions les motivent beaucoup. La mine de Gaï fournit des matières premières à l'un des plus grands holdings spécialisés dans le cuivre, la société minière et métallurgique Ural, et se classe au deuxième rang des mines de minerai en Russie après un établissement similaire de Norilsk. Mais travailler ici, ce n’est pas qu’une question de volonté de devenir le premier, ni même de salaire, qui soit dit en passant est considéré comme assez élevé pour  la région et dépend des résultats. « La majorité d'entre eux viennent ici volontairement pour travailler, répétant le destin de leurs parents, a déclaré Alexander Mikhine, directeur adjoint des affaires générales. Dans chaque famille, vous pouvez trouver une personne liée à la production. Personne ne vient à la mine par hasard ».

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