Viktor Yanoukovitch participe à distance aux délibérations du tribunal Svyatoshinski de Kiev le 28 novembre 2014.
RIA NovostiViktor Yanoukovitch, président de l’Ukraine de 2010 à 2014 ne s’est pas rendu dans son pays depuis février 2014, lorsqu’il a quitté l’Ukraine et demandé l’asile en Russie. L’ex-président ukrainien a donc participé à distance aux délibérations du tribunal Svyatoshinski de Kiev le 28 novembre, par vidéoconférence depuis la ville russe de Rostov-sur-le-Don (959 km au sud de Moscou).
Il a répondu aux questions qui lui étaient posées en qualité de témoin dans l’affaire des tirs qu’ont essuyé les manifestants à Kiev, le 20 février 2014. Cependant, le procureur général ukrainien Youri Lutsenko a déclaré, lors des délibérations que Viktor Yanoukovitch était également suspecté de haute trahison.
C’est à cause du refus de Viktor Yanoukovitch de signer l’accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne que les manifestations de masse ont commencé sur le Maïdan, la principale place de Kiev, au mois de novembre 2013. Une décision que certains attribuent à la pression exercée par la Russie sur les autorités ukrainiennes de l’époque.
En réponse aux questions du tribunal sur sa décision d’interrompre le processus d’intégration européenne, Viktor Yanoukovitch a répondu que cet accord avait besoin d’être retravaillé pour ne pas causer de tort au commerce extérieur ukrainien. L’ancien président a souligné qu’il aurait été plus avantageux pour lui de signer cet accord très populaire afin de se faire réélire, mais que « le pays ne s’en serait pas porté mieux ».
Au sujet des négociations avec les dirigeants de l’opposition qui durèrent de novembre 2013 à février 2014, parallèlement aux manifestations qui avaient lieu sur le Maïdan, Viktor Yanoukovitch a affirmé : « C’était un spectacle, ils ne faisaient que gagner du temps ». Ce dernier leur a proposé de former un nouveau gouvernement de coalition, incluant l’opposition mais ils ont décliné sa proposition.
Il affirme avoir été informé du fait que, le jour des affrontements meurtriers, les tirs étaient venus de bâtiments contrôlés par les manifestants. Les forces de l’ordre auraient, selon lui, agi conformément à la loi et sans ouvrir le feu, soulignant qu’en tant que président en exercice, tirer sur le Maïdan aurait été « sans intérêt » et qu’il s’agissait d’une provocation dirigée contre lui et le gouvernement. « J’ai tout fait pour que cette tragédie n’ait pas lieu », a-t-il déclaré aux victimes et à leurs familles.
L’ancien président nie avoir reçu des instructions de Moscou durant les événements de Maïdan. Il n’aurait donc pas rencontré Vladislav Sourkov, l’assistant du président russe, qui s’était rendu en Ukraine durant les manifestations pour tenir des négociations secrètes avec Viktor Yanoukovitch et d’autres politiciens, à en croire les informations publiées par le site Gazeta.ru.
L’ex-président ukrainien reconnaît qu’après la prise du contrôle par les manifestants du quartier gouvernemental de Kiev, il s’est enfui dans l’est de l’Ukraine, et de là, en Russie. « [Si j’étais resté en Ukraine], cela aurait été dangereux, non pour ma vie, mais pour celle des autres », a-t-il estimé. Il affirme avoir eu des difficultés à quitter Donetsk pour la Russie, malgré son statut de président élu : « On a essayé de me retenir illégalement, et quand mon avion a décollé, on a voulu m’envoyer des chasseurs ».
Viktor Yanoukovitch s’est dit opposé à la tenue en Crimée d’un référendum d’annexion à la Russie, mais il affirme que ce sont les nouvelles autorités ukrainiennes, et non lui-même, qui sont responsables de la perte de la Crimée.
Quant aux autorités ukrainiennes actuelles, elle ne croient pas un mot des déclarations de l’ancien président et le considèrent comme un traître. « Le mieux qu’il [Yanoukovitch] ait pu faire c’est prononcer un discours écrit pour lui », a confié le procureur ukrainien Alexeï Donskoï à Gazeta.ru. Durant les délibérations, il a demandé à Viktor Yanoukovitch s’il avait réellement demandé à Vladimir Poutine d’envoyer l’armée russe en Ukraine, conformément aux déclarations faites le 1er mars 2014 par l’ambassadeur de la Russie auprès des Nations unies, Vitaly Tchoukrine. L’ex-président n’a pas répondu à cette question.
Boris Dolguine, rédacteur en chef adjoint du journal Polit.ru, a fait remarquer dans une interview donnée à Kommersant FM que l’Ukraine avait suffisamment d’éléments pour accuser Viktor Yanoukovitch de haute trahison. « Imaginons qu’un citoyen russe ait appelé des troupes étrangères à intervenir dans des évènements en cours sur le territoire russe. Il est probable que les autorités russes le prennent mal », a-t-il justifié.
Dmitri Drize, analyste politique de Kommersant FM, considère que Viktor Yanoukovitch n’a rien dit de nouveau. Il en est certain : Yanoukovitch n’est pris au sérieux ni à Kiev, ni à Moscou, et tout ce qui lui reste à faire est de rappeler régulièrement qu’il existe en faisant des déclarations. « Après sa déclaration au tribunal, Yanoukovitch va retourner au néant politique. Et les relations entre les deux pays resteront dans l’impasse », a-t-il commenté.
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