Elections en Ukraine : pas de réchauffement en vue avec Moscou

Kiev, Ukraine. Les Ukrainiens se sont rendus aux urnes le 25 octobre dernier pour les élections législatives.

Kiev, Ukraine. Les Ukrainiens se sont rendus aux urnes le 25 octobre dernier pour les élections législatives.

EPA
Les politiciens russes ont interprété les élections locales en Ukraine, à l’issue desquelles la victoire a été revendiquée par la coalition du président Petro Porochenko, comme une manifestation du rejet par les Ukrainiens du pouvoir en place. Selon les experts russes, ces élections ont à nouveau confirmé l’existence en Ukraine d’une fracture entre l’ouest et l’est du pays.

Les représentants du parti pro-présidentiel Bloc Petro Porochenko « Solidarité » (BPP) ont déclaré avoir remporté les élections locales ukrainiennes dans la majorité des villes, et auront une majorité de députés au niveau local. Cependant, les politologues sont plus prudents dans leur interprétation des résultats du parti au pouvoir, les considérant comme une défaite relative sur fond de renforcement des forces extrémistes, aussi bien nationalistes que pro-russes. La participation aux élections du dimanche 25 octobre a atteint 46%. En guise de comparaison, les élections présidentielles et parlementaires de l’année dernière avaient mobilisé respectivement 59% et 52% des électeurs.

« Violations sans précédent »

Les élections ont démontré le rejet du pouvoir par la population, a déclaré Léonid Kalachnikov, vice-président du comité des relations internationales de la Douma russe. « Les gens commencent à se lasser, d’un côté, de la rhétorique pseudo-patriotique du pouvoir. De l’autre, ils ne croient pas vraiment que les élections changeront quoi que ce soit à leurs problèmes », a-t-il souligné.

À son tour, Léonid Sloutsky, dirigeant du comité des affaires de la CEI, de l’intégration eurasiatique et des liens avec les russes de l’étranger de la Douma, a déclaré que « les élections locales en Ukraine s’étaient déroulées dans un contexte de violations sans précédent de tous les standards électoraux internationaux ».

Iouri Boïko, chef du « Bloc d’opposition » (OB), une coalition formée à partir des débris du Parti des Régions de l’ex-président Viktor Ianoukovitch, et souvent critiquée pour ses bonnes relations avec la Russie, a déclaré que « jamais encore ne s’étaient tenues dans notre pays des élections aussi sales et problématiques ». Comme l’a annoncé le 26 octobre l’association « Comité des électeurs ukrainiens », environ 1 500 cas de fraude ont été relevés durant les élections. L’OSCE a déclaré que, bien que les élections aient été très imparfaites, elles démontraient tout de même « un attachement aux processus démocratiques. »

« Division de l’Ukraine »

Analysant les élections, Petro Porochenko a déclaré que le vote « n’avait pas entraîné de division de l’Ukraine », et que « la tentative de la Russie de créer en notre sein une cinquième colonne pro-russe avait échoué ».

Les experts russes, au contraire, remarquent que les élections n’ont fait que confirmer la scission de l’Ukraine. Comme l’a souligné dans une interview à RBTH Andreï Souzdaltsev, vice-doyen de la faculté d’économie et de politique internationale de la Haute école d’économie de Moscou, cette division est évidente, aussi bien dans les chiffres de la participation (elle est moindre dans le sud-est que dans le centre et l’ouest du pays) que dans les préférences politiques des électeurs. « Au sud et à l’est, l’OB a fait une nette percée, alors que le Bloc Porochenko tient fermement le centre et l’ouest », a déclaré l’expert.


Une défaite de Porochenko ?

Les résultats des élections sont « une claire défaite de l’élite ukrainienne centralisatrice au pouvoir, incarnée par Petro Porochenko », a déclaré à RBTH Vladimir Jarikhine, vice-président de l’Institut des Pays de la CEI. Les voix du parti du premier ministre Arseni Iatseniouk, qui a participé aux élections législatives mais pas à cette campagne, étaient censées aller au bloc du président, mais se sont reportées sur d’autres partis. À l’ouest, elles sont allées aux partis nationalistes, et à l’est à l’OB. Selon l’expert, cela pourrait avoir un impact sur la solidité de la coalition et mener à des élections anticipées.

Cependant, comme l’a affirmé à RBTH Mikhaïl Pogrebinsky, directeur du centre d’études politiques et des conflits de Kiev, il est très improbable que des élections anticipées aient lieu. Les ultranationalistes des partis Svoboda et UKROP, ainsi que les représentants de l’OB pourraient en bénéficier, mais ils ne disposent pas des forces nécessaires à la Rada pour forcer leur tenue.

Pas de dégel à attendre avec Moscou

Cependant, même les bons résultats de l’OB, qui prône une position plus modérée vis-à-vis de la Russie, et qui était sans doute visé par Porochenko avec le terme de « cinquième colonne », ne sont pas un signe de dégel des relations entre Kiev et Moscou. Comme le fait remarquer Andreï Souzdaltsev, malgré toutes les accusations de « collusion prorusse », l’OB ne peut pas envisager de révision de la politique ukrainienne à l’égard de Moscou. Ceci est rendu impossible par « le format de la scène politique en Ukraine ». « Là-bas, seuls ceux qui reconnaissent que la Russie est un agresseur et qu’elle doit rendre la Crimée à l’Ukraine peuvent réellement faire de la politique », affirme l’expert.

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