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En 1757, après la mort d’Andreï Fiodorovitch Petrov, colonel de la Garde impériale du régiment Preobrajenski, sa femme Xenia a enfilé son costume – une tunique verte et un pantalon rouge – et annoncé à la ronde que « Xenia Grigorievna était morte ». Elle a ordonné qu’on l’appelle désormais du nom de son mari, Andreï Fiodorovitch.
Son époux était mort subitement, sans avoir eu le temps de recevoir les sacrements. Afin de demander le salut de son âme, Xenia est devenue « folle-en-Christ ». C’est dans sa tenue de rouge-vert que s’en rappellent ses contemporains, et c’est ainsi qu’elle est représentée sur les icônes modernes.
Reconstitution de l’apparence de Xenia, photo prise dans le musée consacré à cette sainte
Mrkhlopov (CC BY-SA)Ayant hérité de la propriété de son mari, cette veuve de 26 ans issue d’une famille noble a renoncé aux choses terrestres : elle a distribué ses biens aux pauvres, fait don de sa maison à la veuve Paraskeva Antonova, qui louait une chambre chez elle, et offert sa fortune à l’église « pour le repos de l’âme de Xenia ».
Sa belle-famille, considérant que Xenia avait perdu la tête, a demandé aux supérieurs de son mari d’établir une tutelle sur l’illuminée afin qu’elle ne dilapide pas toute sa fortune. Les fonctionnaires, qui ont convoqué la veuve pour un entretien, ont conclu qu’elle était saine d’esprit, capable juridiquement et donc autorisée à disposer des biens à sa guise.
Il convient de noter qu’à cette époque, les fols-en-Christ étaient traités avec une grande sévérité : Pierre Ier avait créé des lois punissant la fausse folie et l’hystérie, afin d’exclure toute tentation chez les citoyens de se déclarer comme tels. En plus des illuminés véritablement fous ou qui s’engageaient dans une « folie volontaire » dans une optique d’ascèse religieuse, il y avait, dans la Russie ancienne, de nombreux imposteurs qui voulaient contourner les conventions sociales, les lois et la décence ; des provocateurs qui cherchaient à exprimer une protestation publique ou politique sous couvert de démence, ainsi que des mendiants désireux de s’enrichir. Dès le début du XVIIIe siècle, les fols-en-Christ risquaient la torture et la prison. Mais il semble qu’on n’ait alors pas trouvé de corps du délit dans les actions de Xenia, avec son ascendance noble et ses actes de bienfaisance.
Portrait prétendu de Xenia
Domaine publicXenia ne demandait pas l’aumône aux citadins : elle refusait immédiatement ce qu’on lui donnait ou le remettait immédiatement aux pauvres. Elle était douce, modeste et ne commettait pas les actes insensés qui caractérisent les malades mentaux. Pendant la journée, elle errait dans les rues, rendait visite à des connaissances et la nuit, comme l’a indiqué la police, qui la suivait, elle allait dans les champs à l’extérieur de la ville et passait des heures à prier. De temps à autre, elle passait la nuit chez des connaissances.
Au fil du temps, les Pétersbourgois ont remarqué que la situation de ceux qui bénéficiaient de son attention s’améliorait. Les commerçants lui demandaient de jeter un œil dans leur échoppe, et les mères se précipitaient à sa rencontre pour qu’elle bénisse leur enfant ou simplement lui tapote la tête, croyant que cela guérirait le bambin et lui porterait chance.
En 1761, à la veille de Noël, Xenia s’est mise à courir dans les rues en criant : « Faites cuire des crêpes, faites cuire des crêpes, bientôt toute la Russie fera cuire des crêpes ! » Les habitants de la ville ont senti que quelque chose n’allait pas, car dans la tradition orthodoxe, les crêpes sont un plat consommé lors des veillées mortuaire. Le 25 décembre, l’impératrice Élisabeth Ire est décédée.
En 1764, l’illuminée a prédit la mort de l’héritier du trône, Ivan VI, qui a vécu derrière les barreaux dès l’âge de deux ans et, à l’âge de 16 ans, a été emprisonné dans la forteresse de Chlisselbourg. À la veille de la mort du jeune homme, Xenia pleurait sans cesse et répondait aux questions qu’on lui posait en disant : « Du sang, du sang, du sang... Des rivières remplies de sang, les canaux sont ensanglantés, il y a du sang, du sang... » Quelques des semaines plus tard, Ivan a été poignardé à mort lorsque des conspirateurs ont tenté de le faire sortir de prison.
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I. Ganzenko. Témoignage des miracles de la sainte Xenia de Saint-Pétersbourg
Musée de sainte XeniaParfois, Xenia prodiguait soudain des conseils énigmatiques qui changeaient la vie de ses interlocuteurs. Apparaissant sur le seuil de son ancienne maison, elle a dit à sa nouvelle propriétaire Paraskeva Antonova que « Dieu lui a envoyé un fils » et qu’elle devait immédiatement se rendre au cimetière de Smolensk à Saint-Pétersbourg. La femme, s’y étant précipitée, a vu une foule près du cimetière et a appris qu’un cocher venait de renverser une femme enceinte, qui avait accouché sur place puis était décédée sur le coup. Paraskeva a pris le nouveau-né et, réalisant que ses proches ne le réclameraient jamais, elle a nommé l’orphelin Andreï et l’a adopté.
À une autre occasion, Xenia a dit à une connaissance que « son mari était en train d’enterrer sa femme à Okhta » (un quartier de Saint-Pétersbourg). La jeune femme est allée aux funérailles, où elle a rencontré un veuf inconsolable qui avait perdu sa épouse, morte en couches. Un an plus tard, la jeune femme l’épousait ; elle a vécu avec lui dans la paix et l’harmonie toute sa vie.
À un autre homme qui avait demandé à Xenia de prier pour lui, l’illuminée a donné une pièce de monnaie et dit : « Prends un cheval ! Tu iras loin ! » (Saint-Georges le Victorieux à cheval était représenté sur le côté face des pièces d’un et deux kopecks). Il devenu riche peu après.
Xenia portant des blocs
Musée de sainte XeniaEn 1786, une église en pierre a commencé à être construite dans le cimetière de Smolensk. Bientôt, les ouvriers ont remarqué que des briques apparaissaient sur l’échafaudage le matin. Il s’est avéré qu’après le coucher du soleil et jusqu’à l’aube, la vieille Xenia les posait au sommet des murs en cours de construction.
« Quand dormez-vous donc, Andreï Fiodorovicth ?, ont demandé les ouvriers. Nous aurons le temps de dormir en terre ! », a-t-elle répondu.
Xenia était préoccupée par la qualité de la maçonnerie : « Elle va en voir des choses, mais elle tiendra... ça ira... » En 1824, le cimetière a été détruit par une inondation : de nombreuses croix et tombes ont été démolies, les livres du cimetière ont été endommagés, mais le temple a tenu.
Xenia, décédée à l’âge de 71 ans, a été enterrée près de cette église, au cimetière de Smolensk.
Chapelle construite sur le lieu de sa sépulture
Paroisse de l'église de la Mère-de-Dieu-de-SmolenskLa tombe de Xenia est rapidement devenue un lieu de pèlerinage. Les personnes qui s’y rendaient pour demander de l’aide emportaient une poignée de terre avec elles ; à cause de cela, le tumulus a dû être remblayé à deux reprises.
Il existe une légende selon laquelle au début des années 1870, Maria Feodorovna a prié Xenia pour que son mari, le futur empereur Alexandre III, se remette du typhus. Selon la légende, un valet lui a donné du sable pris sur la tombe de Xenia et la grande-duchesse l’a mis sous l’oreiller du malade. Cette nuit-là, elle eut la vision d’une vieille femme qui lui prédisait le rétablissement d’Alexandre et la naissance d’une fille, qui devrait s’appeler Xenia. Les époux ont accompli sa volonté.
En 1902, une chapelle avec une iconostase et une pierre tombale en marbre a été érigée sur la tombe de Xenia. Le 24 septembre 1978, Xenia de Pétersbourg a été canonisée par l’Église orthodoxe russe hors de Russie et le 6 juin 1988, elle l’a été par le Conseil local de l’Église orthodoxe russe.
Dans cette autre publication, nous évoquons cinq devins qui ont marqué l’histoire russe
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