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La mythologie païenne slave avait ses propres explications des questions cosmogoniques et anthropologiques importantes – comment le monde et les différents phénomènes naturels sont-ils apparus, d’où vient l’homme et pourquoi est-il ainsi. La mythologie slave était proche de celles existant en Scandinavie et en Inde ancienne.
Dans la Russie ancienne, tout le monde savait que le dieu principal était Peroun, divinité du tonnerre et protecteur de la droujina (garde armée) du prince. Il apporte la pluie qui rend le sol fertile, mais il peut aussi fendre un arbre par la foudre.
Peroun habite au ciel, mais est en conflit depuis longtemps avec Veles, qui vit sur Terre et est responsable de l’agriculture et du bétail. En outre, Veles est le patron des relations financières et du commerce. L’on pense qu’après l’adoption du christianisme, la « fonction » de Veles a été reprise par Nicolas de Myre, de sorte qu’il est devenu l’un des saints les plus aimés en Russie – presque comme s’il s’agissait de son pays d’origine. Diverses variations purement russes de l’image de saint Nicolas sont apparues, et beaucoup ont même oublié qu’il s’agit d’un saint chrétien primitif de Byzance.
Le dieu du soleil était Khors, tandis que Dajbog était celui de la fertilité, et Stribog – du vent et de l’air. Il y avait aussi la divinité féminine Mokoch, qui était responsable de la féminité, la patronne (et divinité préférée) des femmes, en particulier des mères. Elle était également la déesse du tissage, de l’artisanat et des biens de la vie en général.
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Le christianisme et la nouvelle vision du monde
À la fin du Xe siècle, la Russie s’est convertie au christianisme. Cependant, les textes complexes des Écritures étaient inaccessibles à la plupart des gens. Au départ, ils étaient en grec, et les prêtres les expliquaient lors des offices (et souvent, chacun le faisait dans la mesure de sa propre compréhension et de son érudition).
Privés de leurs dieux païens et de leurs idoles, beaucoup avaient encore besoin de réponses aux grandes questions de la vie et d’explications sur divers phénomènes naturels. Il était souvent impossible pour les personnes ordinaires d’assimiler que tout ce qui se passait était la volonté de Dieu, et il fallait donc des exemples plus clairs de la façon dont les choses « fonctionnaient » sur Terre.
Au XVIIe siècle, ont intégré le pays les nouveaux territoires de l’Oural et de la Sibérie, où la population indigène était encore païenne et perpétuait sa propre vision du monde, de l’homme et des dieux. De nombreuses superstitions et croyances populaires concernant les démons et le pouvoir des phénomènes naturels ont demeuré en Russie jusqu’à ce jour. Diverses fêtes orthodoxes ont même été « adaptées » aux traditions païennes (comme la Maslenitsa, cette semaine festive célébrant la fin de l’hiver, avant le Carême) afin que les Russes puissent s’habituer plus facilement aux nouvelles coutumes.
Des contes oraux ont également commencé à apparaître, mêlant les nouveaux concepts chrétiens aux anciens motifs mythologiques et folkloriques connus. L’un des récits écrits les plus célèbres des réponses à ces questions majeures dans la Russie médiévale est le Livre des profondeurs, ou, comme on l’appelait plus communément, le Livre des colombes (les deux mots se ressemblent – Gloubinnaïa et Goloubinaïa). La colombe était un symbole de l’Esprit Saint et de la paix.
Un livre interdit répondant aux questions de l’univers
En substance, le Livre des colombes était un apocryphe (texte non reconnu par l’Église) – pour avoir lu de tels textes, une personne était déclarée hérétique et pouvait être punie. C’est ce qui est arrivé à saint Abraham de Smolensk, qui a vécu à la fin du XIIe siècle et au début du XIIIe siècle. Il a été banni du monastère et jugé publiquement par les hiérarques de l’Église pour avoir lu des apocryphes et des livres « des profondeurs », ainsi que pour avoir prononcé des sermons trop « malicieux » qui ont attiré beaucoup de monde. Il a également lui-même rédigé des ouvrages. L’on sait par exemple qu’il a écrit Des puissances célestes... et de l’exode de l’âme, une réflexion sur d’importantes questions spirituelles.
La date exacte de l’apparition du Livre des colombes est inconnue. Les premières versions écrites trouvées sont datées du XVIIe siècle, mais les scientifiques pensent que le texte lui-même a été formé plus tôt – à la fin du XVe ou au début du XVIe siècle. Sur le plan de la forme, il s’agit d’un poème qui rappelle beaucoup les contes folkloriques.
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Le livre se compose de trois parties. La première décrit l’apparition de l’ouvrage lui-même. L’on dit qu’un énorme livre est tombé tout droit du ciel, que beaucoup de gens se sont rassemblés autour, mais que tout le monde avait peur de s’en approcher. Le livre s’est alors ouvert tout seul dès que le sage tsar Davyd Evseïevitch (très probablement une interprétation du roi biblique David) s’est approché. Celui-ci a ensuite déclaré au peuple que le livre avait été écrit par le Christ lui-même et lu par le prophète Isaïe.
Dans la deuxième partie, les gens demandent à Davyd de trouver dans le livre des réponses à leurs questions « sur notre vie, sur la sainteté russe ». De quoi sont issus ces phénomènes ou d’autres – le Soleil, la pluie, les nuages, les étoiles, les nuits, etc. Étaient également formulées des questions d’ordre spirituel, comme celle de savoir pourquoi l’homme est doué de raison et de pensées. Séparément, ils s’interrogeaient sur l’origine des tsars, princes, boyards et paysans orthodoxes.
Davyd a alors par exemple expliqué que le Soleil venait de la face de Dieu, le vent de l’Esprit Saint, la pluie des larmes du Christ, et les pensées de l’homme des nuages du ciel. Toujours selon le livre, le Tsar blanc (c’est-à-dire le tsar russe) est le plus important des tsars et il représente la foi chrétienne et la maison de la Vierge (c’est-à-dire la Russie), tandis que la terre sainte de Russie n’est autre que la mère de toutes les terres. Il parle également de Jérusalem et de la façon dont l’on a crucifié le Christ, mais mentionne en même temps des choses assez folkloriques, comme le poisson-baleine, l’oiseau stratim avec une tête de femme, et la bête Indrik.
Enfin, la troisième partie raconte le rêve de Davyd, dans lequel faisait rage une bataille entre la Vérité et le Mensonge. La Vérité a eu le dernier mot et est allée au ciel vers le Christ, mais le Mensonge s’est dispersé sur la Terre, et de là sont apparus tous les problèmes et les vices. C’est ainsi que, sans le vouloir, Davyd explique l’essence de la foi : « Celui qui ne vivra pas par le Mensonge / Sera contrit devant le Seigneur ».
Dans un style court et très libre, Davyd raconte l’histoire biblique de la création du monde, et comment Ève a été séduite par la « vipère ».
En fait, le Livre des colombes a jeté les bases de l’identité nationale orthodoxe et de la pensée philosophique. Plus tard, dans diverses sources, l’on trouvera en effet l’opinion selon laquelle la terre russe est sainte et la phrase légendaire « Nous sommes russes et Dieu est avec nous », attribuée au chef militaire Alexandre Souvorov, deviendra presque une devise nationale.
Le contenu du Livre des colombes a été transmis oralement de génération en génération. Le poète Nikolaï Zabolotski, dans son poème Livre des colombes, écrit en 1937 que, depuis son enfance, il connaît « l’histoire à moitié oubliée des aïeux ». Et que dans ce « livre secret » se trouve « toute la vérité cachée de la terre ».
Dans cet autre article, nous vous expliquions en détail à qui les païens slaves vouaient autrefois un culte.
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